quotas-lait-vache-laitiere-prim-holstein-production-bcel-ouest - Illustration Les manettes aux mains des producteurs

Les manettes aux mains des producteurs

Les éleveurs savent que la Bretagne est « la » région pour faire du lait. Pour autant, leur enthousiasme apparaît modéré pour se lancer tête baissée dans le grand bain –  prometteur ? – de l’après-quotas.

La confiance est le premier ressort économique. La production laitière n’échappe pas à cette règle. « C’est-là dedans que ça se passe », a insisté Philippe Jachnik, en martelant son crâne avec le doigt pour mieux convaincre les éleveurs bretons, réunis à Questembert par BCEL Ouest, de s’engager dans le grand bain laitier mondial qui se réorganise.

Monter dans le train laitier mondial

Mais ce consultant international, fin connaisseur de la production laitière européenne et mondiale, connaît aussi la réticence naturelle (culturelle ?) des Bretons à se lancer tête baissée dans l’aventure. Le mini-sondage réalisé en début de réunion affiche pleinement cette retenue et cette mesure des éleveurs. À la question, « Êtes-vous prêts à anticiper les changements ? », peu d’éleveurs se positionnent ; à la question « avez-vous de nouvelles marges de manœuvre ? », les doigts hésitent à se lever. Lorsque, soudainement, une question fuse dans l’assistance : « Le changement à quel prix ? ». Tout est dit.

D’entrée, Philippe Jachnik l’a compris. L’exercice consiste à convaincre et inciter les Bretons à monter dans le train laitier mondial qui est déjà lancé. Au passage, il décoche quelques missiles à l’adresse des coopératives bretonnes qui, depuis les années 70, ont produit du lait « un peu pour les marchés, beaucoup pour les aides européennes attribuées pour le stockage et le dégagement ». Et de comparer ces mêmes coopératives « aux bébés de la Pac qui, selon les cas en ont profité pour faire du muscle ou du gras ». « Rendez-vous compte : de 1968 à 1997, le prix du lait n’a jamais baissé en France », poursuit-il. « En Europe du Nord, les prix oscillaient en queue de cochon, avec une amplitude de plus en plus marquée. Mais malgré cette variation de prix, les producteurs ont été mieux payés sur 20 ans ».

Encore 5 rendez-vous

Les rendez-vous de BCEL Ouest se poursuivent sur la Bretagne. Avec à chaque fois, à 14 h, l’intervention du décapant Philippe Jachnik sur le thème : « Produire du lait demain, la confiance est un atout ». Dates et lieux :

  • Mardi 4 février, centre Henri Queffelec, Gouesnou ;
  • Jeudi 6 février, salle Le Bonnet Rouge, Kergloff ;
  • Vendredi 7 février, salle des fêtes, Pédernec ;
  • Mardi 11 février, salle des fêtes, Saint-Brandan ;
  • Jeudi 13 février, salle l’Embarcadère, Plélan-le-Petit.

La matinée est consacrée à l’actualité des secteurs. Contact : Laurette Beguin, 0 810 56 29 22.

L’anticipation allemande

L’expert laitier franco-allemand ne se montre pas plus précautionneux avec le syndicalisme agricole : « Il n’y a qu’en France que les agriculteurs s’en prennent aux coop. D’autant que cette action syndicale ne sert à rien. L’Inra a calculé, qu’en 2019, le paquet aides sera de 7 000 € en moyenne, soit presque rien. Pourquoi se battre dans ce combat perdu ? ». En parallèle, Philippe Jachnik cite les Allemands qui ont anticipé la fin des quotas en pesant pour que le prix d’achat des quotas (81 ct/kg en 2001) tombe à zéro en 2013. Il cite également l’industrie laitière d’outre-Rhin qui, en se frottant très tôt aux chaînes discount, s’est indirectement préparée à l’export. Et de faire ce retour en France où, par sécurité ou par habitude, les transformateurs préféraient la sécurité au rabais des grandes surfaces. « Or, aujourd’hui, les laiteries françaises trouvent plus d’intérêt à travailler avec les magasins hard-discount que la GMS traditionnelle ».

Cette chance inespérée pour la Bretagne

Son analyse abrupte n’empêche pas le consultant international de croire aux chances de la Bretagne laitière. À ses yeux, la stratégie des laiteries bretonnes a changé. Quant à l’investissement chinois à Carhaix, il le voit comme « une chance inespérée », sous la condition que « ce pari de partir sur le grand export se soit fait de façon très professionnelle ». Chance inespérée, sans aucun doute, d’avoir « un contrat avec les Chinois sur 8-10 ans quand la grande distribution n’est pas capable de s’engager sur la durée », mais à quel prix interroge une nouvelle fois un producteur qui parle de manque de visibilité ? Réponse de P. Jachnik : « La laiterie DMK s’est engagée sur 390 €/1 000 L en 2014 ».

Contre-réponse du producteur : « Nous, nous ne connaissons pas encore le prix du lait de janvier ». Enième illustration que la confiance ne se décrète pas, elle se construit. « On manque de respect dans la filière laitière », glisse en cascade Philippe Jachnik qui aura sans doute été surpris de « l’enthousiasme modéré des éleveurs bretons » alors que dans le Nord-Ouest allemand, « l’équivalent de la Bretagne laitière allemande » se structure et se restructure pour prendre place sur le nouvel échiquier laitier mondial : + 92 millions de tonnes de lait ont été produites ces 5 dernières années ; l’Europe a pour sa part pris une maigre portion (+ 4 millions de tonnes). Didier Le Du


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article