Depuis 3 campagnes, une partie des cultures de tomate de la station Terre d’Essais de Pleumeur-Gautier (22) bénéficie d’un apport calorifique supplémentaire et sans énergie grâce au système Thermitube. Prenant la forme de boudins de PVC de couleur noire et de diamètre de 26 à 28 cm, ce procédé a été déroulé dans les chapelles de la station d’essais, puis chargé d’eau à raison de 35 à 40 litres / mètre linéaire. Pour la mise en œuvre de cet essai, les Thermitubes ont été déroulés dans un billon préalablement creusé, afin qu’ils se maintiennent en place. Puis la plantation des tomates (plants greffés à 2 têtes) a été effectuée. Un témoin, à la conduite similaire mais sans ce système passif et statique, a été planté dans une autre chapelle. Ces travaux sont menés dans le cadre de l’appel à projet Serrilience (voir encadré).
1,5 à 2 °C de température nocturne
En première année d’expérimentation (2022), les tomates ont été plantées début mars. Puis, Hervé Floury, responsable technique sous abri à la station, a essayé « de pousser dans leurs retranchements » les boudins, en démarrant le cycle de la culture plus tôt dans l’année. L’idée était, en abri non chauffé et pour des cultures biologiques, de proposer des fruits au plus près du 1er mai. Depuis, la réglementation qui interdisait la vente de légumes et fruits sous label biologique avant cette date n’est plus en vigueur. Mais le responsable a voulu tout de même planter cette année « l’essai au 1er février, même si c’est aberrant ».
Au printemps dernier, les premières tomates ont été récoltées entre le 20 et le 25 mai. L’objectif d’arriver à proposer de la marchandise en début de mois n’est donc pas atteint, « mais on est tout de même 3 semaines plus précoce qu’une conduite classique, plantée en mars et récoltée fin juin : 3 semaines ont été gagnées ».
Rayonnement direct et indirect
Les longs tubes noirs « accumulent de l’énergie, par les rayonnements lumineux globaux dans la serre ou les rayonnements directs sur le boudin, mais aussi en captant la chaleur ambiante de la structure ». En journée, la température peut naturellement monter à 25 ou 26 °C. Ce système profite davantage des rayons du soleil en début de culture, quand les plants sont jeunes et petits : au fur et à mesure de leur croissance, les plantes vont masquer le Thermitube, empêchant en partie le soleil de l’atteindre.
Potentiellement moins de cladosporiose avec le Thermitube
Des mesures montrent que la restitution se situe entre 15 et 20 W/m2, et monte jusqu’à 30 W par temps froid. « L’effet de la restitution se fait essentiellement sentir la nuit, surtout au moment du coucher du soleil ». Le responsable a mesuré une différence de température entre l’essai et le témoin, et fait remarquer en prenant en exemple une période courte du 10 au 14 mars, que « la température nocturne est augmentée de 1,5 à 2 °C, selon la journée précédente. Sur 24 heures, on observe une différence de + 0,5 à + 1 °C selon la période ». À l’inverse et au lever du jour, la serre bénéficiant de cet outil met légèrement plus de temps à se remonter en température, le système se rechargeant. Cet effet « n’est pas gênant, ce peut même être un bon impact au niveau sanitaire, car on limite alors l’effet de condensation ».
Pour continuer sur les aspects sanitaires, l’expérimentateur relève que « globalement l’effet sur l’humidité relative est positif : l’humidité est abaissée de 3 à 5 % en période nocturne ». Un bon point, en particulier sur des maladies comme « la cladosporiose. 2 années sur 3, j’ai observé que la maladie progressait moins vite ». Moins de condensation sur les feuilles et les fruits, les tubes, permettent d’écarter de 1,5 °C la température ambiante à la température du point de rosée.

Un effet hétérosis
En comparant la date de récolte des 2 protocoles (avec et sans Thermitube), Hervé Floury remarque après 3 ans de test et dans le meilleur des cas « seulement 5 jours de gain ». En revanche et du côté du rendement, il signale une différence au bilan à fin juin. « On gagne 1 à 2 kg/m2 ». Cette différence est encore plus marquée selon la variété cultivée.
Dans cet essai, Confiance et Rhodium ont pu bénéficier ou non d’apports calorifiques supplémentaires. En combinant Rhodium et le système passif de chauffage, « on remarque une sorte d’effet hétérosis ».
D’un point de vue physiologique, la tomate en culture a « un optimum quand la température moyenne jour/nuit est de 18 à 19 °C. En cas de gros écarts, la plante sera générative : elle produira des fruits. Si cet écart est faible, la tomate se préserve et adopte une croissance plutôt végétative ».
La nature rappelle rapidement les effets d’une plantation précoce de tomate dans un abri non chauffé. « Sur le témoin, nous avons eu de gros problèmes de nouaison à fin juin. Les grappes, au lieu d’avoir 5 à 6 fruits, n’en avaient que 3. Beaucoup de fleurs n’ont pas noué, les bourdons ne sont pas venus dessus ». Malgré une tentative de vibrage pour féconder les fleurs, l’opération a été un échec. De l’autre côté de la cloison, les plants ont moins présenté ces symptômes et les grappes étaient complètes, « car la somme de température a été plus importante » conclut le responsable.
Fanch Paranthoën
Attention à la mise en place et au retrait
« Il faut compter environ une semaine de mise en place, remplissage par de l’eau compris », estime le technicien. Sur la station Terre d’Essais, 2 gaines ont été déroulées par rang de tomate, ce qui peut rendre plus délicat la plantation. Côté coût, « il faut compter de 10 à 12 €/m2 ». En fin de saison, les boudins sont à vider. Le volume d’eau est conséquent, de l’ordre de 430 à 500 m3/ha. Enfin et au sujet de la durée de vie, « il est d’environ 7 ans ».
Serrilience, pour des serres résilientes
L’appel à projet FranceAgrimer nommé Serrilience, déposé par le Caté de Saint-Pol-de-Léon (29), a pour objectif « de rendre plus résilientes en énergie les serres », résume Hervé Floury. Cet appel à projet travaille sur les économies possibles en tomate par Terre d’Essais et Aprel, station située en Provence, mais aussi en concombre (travaux du Cvetmo d’Orléans) ou en fraise (Invenio).

