Le sujet du renouvellement des générations touche tous les secteurs agricoles, celui des ETA n’échappe pas à la règle de la pyramide des âges et aux nombreux départs à la retraite qui en découlent. Ces entreprises sont un peu à part, avec « une moyenne d’âge légèrement plus jeune que les agriculteurs. Ce sont des sociétés dont la transmission s’anticipe peut-être davantage, car le parc matériel à reprendre est souvent conséquent », analyse Jean-Marc Le Roux, délégué régional pour la fédération des entrepreneurs de travaux agricoles, forestiers et ruraux de Bretagne. En se penchant sur les chiffres de cette activité sur la région, on remarque que 537 entrepreneurs embauchent 5 433 salariés (salariés saisonniers et CDD compris), soit l’équivalent de 3 138 équivalents temps plein. En comparaison à 2014, près de 10 % de ces entreprises ont disparu. « On compte une quarantaine de reprises par an. 2024 n’a vu que 16 créations d’ETA professionnelles », détaille le délégué.
Pas d’achats en neuf, les machines sont en location
Créer sa propre activité, un choix assumé et réalisé par Arthur Morvan et Corentin Rioual, deux cousins originaires du nord-ouest du Finistère. « C’est un rêve de gamin qui paraissait inaccessible et qui pourtant se réalise », lance Corentin. Après un parcours scolaire quasiment similaire, jalonné par l’obtention de diplômes comme un bac pro agroéquipement puis un BTS en Génie des équipements agricoles en apprentissage, le binôme a fait ses armes dans différentes entreprises de leur secteur. À 27 ans tous les deux, ils ont lancé en juillet dernier Armorial, nom trouvé pour l’entreprise, et qui est une contraction de leurs noms et prénoms.
Faire mûrir son projet
Si toutes les démarches avant de s’installer ont pu paraître longues aux deux entrepreneurs, tout est en réalité allé assez vite. La chance a même basculé de leur côté, les planètes se sont alignées. L’ETA dans laquelle Corentin travaillait a cessé son activité, sans reprise derrière. Il a continué son salariat dans une autre structure, toujours sur cette pointe du Finistère. En parallèle, un éleveur de la commune de Brélès (29) a arrêté la production laitière pour se concentrer sur la production porcine, libérant alors des bâtiments. Enfin, ce sont des clients et des amis qui leur soufflent « qu’il y a de la place » pour eux. Un centre comptable est consulté en avril 2023 : « Nous avons réalisé un prévisionnel inversé : en donnant les activités que nous souhaitions faire, les investissements à prévoir ont découlé de cette présentation ». Ce prévisionnel est montré à 3 banques. L’une d’entre elles valide le projet, car « c’est un projet à taille humaine. De plus, le siège de l’entreprise est au milieu d’un secteur d’un côté ultra-précoce en maïs, de l’autre plus tardif, mais qui reste toujours au maximum à une demi-heure de chez nos clients. Les saisons peuvent s’étaler, il peut y avoir 10 jours d’écart de maturité entre les ensilages ». Autre point qui tient à cœur aux deux nouveaux chefs d’entreprise, celui « de la proximité avec le client, avec de bonnes relations, des discussions saines et des patrons au volant des machines ! » Au démarrage de l’activité l’été dernier, les deux cousins ont eu un coup de chaud début juillet, voyant la moissonneuse parquée dans la cour, sans travail pour la journée… Puis très vite, un noyau dur d’une quinzaine de clients s’est manifesté.
En regardant autour de leurs bâtiments, Corentin et Arthur lancent : « Ici, l’agriculture est très dynamique, il y a beaucoup d’installations. Dans les fermes voisines, il n’y a que des jeunes ». Mais malgré ce courant positif qui les pousse, ils gardent la tête sur les épaules et savent observer les tendances de la campagne. « On anticipe, on voit des ateliers laitiers s’arrêter, des cultures comme des choux à destination de l’industrie, des radis pour de la semence ou du lin arriver ».
Faire face à la flambée des coûts du matériel
L’activité créée doit « se faire dans un climat de confiance avec nos différents partenaires que sont les livreurs de fioul, de machines… Main dans la main, on avance plus vite ». Dans le panel des prestations proposées, toutes les activités qui touchent les cultures du semis à la récolte, mais aussi la fenaison « et prochainement le suivi des cultures : nous allons passer notre agrément pour de la pulvérisation ». Un peu de travaux publics et un volet environnement (élagage) viennent compléter le catalogue des prestations proposées. Dans le parc matériel de l’entreprise, beaucoup de machines neuves, « mais hors de question de passer par de l’achat classique. Ensileuses, moissonneuses et les 2 tracteurs de tête sont en location pour une durée de 3 ans ». Une ensileuse a toutefois été achetée d’occasion à une Cuma voisine : « La condition de cet achat était de reprendre la surface ensilée ».
« Il faut cibler la demande : il y a une diversité de modèles, avec des systèmes très herbagers ou avec des vaches qui restent en bâtiment. Nous répondons aux besoins, en nous équipant par exemple d’un combiné presse-enrubannage à 30 couteaux pour des brins courts ».
Aujourd’hui, le matériel coûte cher : « Acheter d’occasion et réadapter les outils coûte quasiment aussi cher qu’investir directement dans le neuf ». Et Arthur Morvan de prendre en exemple une charrue 7 corps, estimée à « 35 000 € il y a 10 ans. Ce même outil s’achète désormais le double ». Armorial emploie un CDD pour les pics de travail. Après avoir été salariés, les 2 gérants apprennent désormais à devenir patrons.
Fanch Paranthoën

