L’ère de la croissance mondiale facile, portée par l’ouverture des marchés et l’énergie bon marché, est derrière nous. L’Europe découvre ses fragilités : dépendances énergétiques, retard technologique, vieillissement démographique.
L’avenir passera par une productivité repensée
Avec deux millions d’actifs en moins par an, l’UE ne peut plus compter sur la « béquille démographique » qui soutenait à la fois la production et la demande intérieure. Son avenir passera par une amélioration de la productivité. Mais une productivité repensée, fondée sur l’innovation, la sobriété énergétique et la cohérence des politiques économiques, nationales comme européenne. Faute de quoi, il faudra hiérarchiser nos ambitions : champions technologiques, leaders climatiques ou modèle social ? Nous ne pourrons peut-être pas être tout cela à la fois.
L’agriculture n’échappe pas à ce dilemme. Elle subit déjà le coût de l’énergie, les secousses géopolitiques, la pénurie de main-d’œuvre, les nouvelles attentes climatiques. Mais elle peut devenir un terrain d’innovation : biotechnologies vertes, robotique, numérique appliqué aux sols, stockage de carbone, valorisation circulaire des coproduits. Encore faut-il que cet élan ne soit pas bridé par un trop-plein réglementaire. Or il est frappant de constater que, pendant que les États-Unis ou la Chine accélèrent, l’Europe multiplie les normes et les résolutions : 13 000 actes adoptés depuis 2019, contre 3 500 outre-Atlantique.
Le défi est existentiel préserver l’ADN européen – prospérité, équité, liberté, paix et durabilité. Cela suppose d’investir massivement, comme au temps du plan Marshall, mais avec une direction claire : innovation, décarbonation, sécurité. Le monde agricole sait ce que cela signifie investir dans le temps long : semer aujourd’hui, c’est préparer demain. À l’Europe d’en prendre de la graine.