C’est l’été. Et l’été, c’est le moment de prendre un peu de champ sur l’actualité. Cette semaine, au cœur d’un sujet aussi discret qu’essentiel : la vie dans une bouse de vache.
À peine tombée, déjà peuplée : en moyenne, 3,6 secondes suffisent aux premiers insectes pour s’y précipiter. Mouches en éclaireuses, coléoptères en renfort, bousiers en blindés lourds. Ce ballet coprophage n’est pas un détail bucolique : c’est une formidable usine de recyclage en activité permanente. Grâce à ces travailleurs au ras-des-pâquerettes, une bouse devient l’ombre d’elle-même en quelques semaines. Sans eux, les prairies seraient saturées de déjections.
Mais cette biodiversité discrète a aussi une valeur sonnante et trébuchante : les Américains, qui savent mettre des dollars sur tout, ont estimé à 47 milliards d’euros par an le bénéfice mondial apporté par les coprophages. En France, près de 300 espèces contribuent gratuitement à ce miracle.
Et ce n’est pas tout. La bouse, loin d’être rebut, est aussi ressource. Dans le sud Finistère, on enduisait de bouse les ruches tressées pour les protéger de l’humidité. Au Bengale, elle conserve le riz à l’abri des rats et des insectes. Mélangée à l’argile ou à la paille, elle isole, scelle, protège. Antifongique, répulsive, elle est la terre cuite du pauvre, le plâtre rural, la cire des campagnes.
Le bovin n’est pas qu’une vache à lait, et encore moins ce prétendu tarisseur de source à 15 000 litres d’eau par kilo de viande qu’on lui affuble. Il est un pilier discret de l’équilibre écosystémique. Il peint le paysage de sa robe tachetée. Sa bouse vaut mieux que bien des brevets. Elle abrite, nourrit, fertilise, soigne. Elle inspire même. Il suffit de s’y pencher pour voyager dans la vie frénétique des mouches pionnières couleur roux solaire, et des Aphodius au noir d’ébène.