Parcourir les petites routes de campagne permet parfois de faire de belles découvertes. Ce jour-là de fin avril, en passant le lieu-dit de Keroter sur la commune de Goudelin, c’est un panneau écrit à la main et placé dans un jardin devant une maison qui intrigue. Il y est écrit manuellement : « Visite libre des camélias, degemer mat ! » Le propriétaire Michel Corlay est parfois là pour raconter l’histoire du lieu et effectuer une visite personnalisée de son jardin de 8 000 m2 qui est un endroit hors du temps assez incroyable où plus de 100 espèces de camélias poussent et fleurissent paisiblement. « Certains aiment jouer de la bombarde, moi j’aime jouer de la bêche », se décrit ironiquement le jardinier de 76 ans.
Certains aiment jouer de la bombarde, moi j’aime jouer de la bêche
700 plants de camélias en terre
À l’entrée du jardin, un panneau indique aux visiteurs de faire attention aux abeilles pour éviter qu’ils ne se fassent piquer. En effet, le bruit des abeilles est impressionnant : les milliers de fleurs dans le jardin leur offrent un terrain de jeu remarquable. Michel Corlay revient sur la genèse de ce jardin : « Ici, il y avait la ferme familiale. Mon frère avait repris l’exploitation et moi j’étais chauffeur-livreur sur Guingamp. À l’arrêt de la ferme, j’ai conservé un hangar agricole et retapé la maison de ma grand-mère située juste à côté. J’ai récupéré une parcelle de 8 000 m2 derrière la maison. Comme je ne voulais pas y mettre des moutons, en 1993 j’ai commencé à planter des fruitiers. » Très vite le jardin compte 50 pommiers à couteau, 70 pruniers, des poiriers dont un Naski (poirier japonais). Il achète alors ses premiers camélias : « Mon ami Fanch Le Moal, qui habite à Plouisy, est une référence dans le monde du camélia. Je me suis passionné pour cette plante en découvrant son jardin qui regorge de variétés toutes plus belles les unes que les autres. » Aujourd’hui, le jardinier estime avoir plus de 700 plants de camélias en terre dont 500 fleurissent tous les ans.


Laisser faire la nature
Pour Michel Corlay, le jardin est représentatif de la personne qui le crée et l’entretien. « Certains aiment que tout soit rectiligne et qu’il n’y ait pas une herbe qui dépasse. Ici, j’ai souhaité privilégier le côté naturel, favoriser la biodiversité, laisser faire la nature tout en la maîtrisant. Je passe le gyrobroyeur une fois par an. Au départ, j’ai créé un verger qui est ensuite devenu ornemental grâce aux camélias. Mes fruitiers sont en fleur en mars/avril et mes camélias fleurissent en octobre pour les premiers et jusqu’à fin mai pour les derniers. » Le passionné a pour objectif de maintenir les camélias en fleur d’octobre à fin mai. Pour cela, il faut beaucoup de plants et de nombreuses variétés différentes. Il a acheté plus de 400 plants, il a aussi créé des plants sur des semis de hasard. « 5 % des camélias font des graines. On ne sait pas avec quel plant la fleur a été pollinisée donc c’est la surprise lorsque l’on sème une graine. Ensuite, c’est l’école de la patience : entre le semis et la première floraison, il se passe minimum 5 ans. Mais un camélia peut mettre 15 ans avant de fleurir… »


Un livre écrit en breton
Michel Corlay fait partie de l’association Les amis du camélia du pays de Guingamp. Il a même écrit un livre en 2017 avec un petit groupe de passionnés comme lui, dont le titre est ‘Kamelia e pep liorzh e breizh’ (Des camélias dans chaque jardin en Bretagne). « Il n’y avait pas de livre en breton sur les camélias. C’est une façon de mettre en avant nos variétés de camélias bretons : Park Léo, Neige d’Armor, Paulinette… » Au fil de la visite du jardin, Il en dit plus sur les camélias, notamment sur la floraison qui dure en moyenne 2 mois. Mais certaines variétés gardent leurs fleurs 3 à 4 mois, comme le Takanini, le Naccio’s Caroussel ou encore le Nobilissima. Il revient sur certains a priori comme quoi les fleurs de camélias n’auraient pas d’odeur : « Certaines variétés sentent très bon comme le Cinnamon Cindy, High Fragrance ou le Fragant Pink. »
Nicolas Goualan
L’école de la patience
Michel Corlay conseille aux personnes souhaitant créer un jardin de démarrer en prenant un cahier. Il faut y noter les variétés plantées, où les plants ont été achetés et l’endroit où ils se trouvent dans le jardin. « Il faut aussi faire des photos régulièrement, même lorsque les plants sont petits. Cela permet de voir l’évolution de son jardin et de comparer les photos du début et celles prises 10 ans plus tard, c’est impressionnant. »