Alors que l’excédent commercial français est au plus bas, avec notamment des ventes de céréales ou de vin et spiritueux en recul, la Bretagne, à contre-courant, améliore son solde commercial sur 2024. « Les exportations agricoles et agroalimentaires bretonnes progressent à 5,5 milliards €. L’Italie demeure notre 1er client, accroissant ses achats de manière continue depuis 2021, de + 7 % sur 2024. Nous exportons beaucoup de viande bovine et porcine vers ce pays. L’Espagne et la Belgique arrivent en 2e et 3e position », a chiffré Delphine Scheck, du service Économie-emploi de la Chambre d’agriculture de Bretagne, lors d’une présentation des chiffres de l’agriculture et de l’agroalimentaire breton.
Un excédent commercial en hausse de 22 %
L’excédent commercial breton affiche une hausse de 22 %, revenant à un niveau d’avant-crises (Covid, énergie). Il est porté par une reprise des volumes exportés dans certains secteurs tels que les ‘produits laitiers-glaces-laits infantiles’, les ‘légumes-préparation à base de fruits et légumes’ et les ‘biscuits-pains-pâtisseries’. Sans revenir à leur niveau de 2021, les exportations de viandes conservent une bonne performance en 2024, similaire à 2023, « liée à un retour de la Chine aux achats ». « Les filières courtes sont en difficulté actuellement, les filières longues ont leur utilité », déclare Jean-Alain Divanac’h, président de la Chambre d’agriculture du Finistère et élu régional Économie-emploi.
La Chine ‘enquête’
En revanche, les perturbations géopolitiques en cours inquiètent les producteurs bretons. La Chine mène des ‘enquêtes’ (antidumping, antisubventions) sur certains produits européens, apparaissant comme des représailles contre l’UE et ses droits de douane spécifiques sur les voitures électriques chinoises.
« Le cognac est déjà victime de décisions chinoises. L’impact serait fort pour la filière porcine française qui perdrait 500 millions €. La Bretagne représente 55 % des exportations françaises vers la Chine », précise Delphine Scheck. Sur les produits laitiers, les conséquences seraient moindres. « La Chine ne représente plus que 6 % des envois bretons sur ces produits en 2024 contre plus de 12 % en 2021. »
Opportunités chez les voisins des États-Unis
La guerre commerciale annoncée par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait aussi avoir des impacts. « Représentant 5,5 % des exportations globales régionales, les États-Unis sont un partenaire important, notamment pour les légumes et la biscuiterie. » Mais des opportunités pourront être saisies avec l’Amérique latine et le Canada, des marchés en expansion.
Concernant l’accord du Mercosur, « la Commission européenne souhaite le ratifier avant la fin de l’année. Il constitue un danger pour la volaille bretonne qui se positionne sur les mêmes marchés : restauration hors domicile (RHD) et produits élaborés. » La viande bovine serait moins menacée, les produits du Mercosur seront orientés vers la RHD alors que la viande bovine bretonne est dirigée vers les produits élaborés, les boucheries et la GMS. Par contre, l’arrivée de volumes supplémentaires risque de faire baisser les cotations.
Globalement, les accords bilatéraux se multiplient. Delphine Scheck en souligne les raisons. « Les accords de libre-échange renforcent les exportations européennes compétitives et l’influence géopolitique de nos pays, ils sécurisent l’approvisionnement en matières premières stratégiques autres qu’agricoles ou peuvent permettre d’intégrer économiquement d’éventuels futurs États-membres tels que l’Ukraine. »
« Supporter toutes ces incertitudes et les effets domino demande une agilité aux agriculteurs et aux filières bretonnes », note Jean-Alain Divanac’h. L’un des risques est la dépendance accrue aux importations qui pèsent 7,5 % de la consommation de viande bovine et 10 %, en volaille.
Agnès Cussonneau
Des cartes à jouer dans les échanges
Opinion – Laurent Kerlir – Président de la Chambre d’agriculture de Bretagne
La volonté exportatrice de la Bretagne se maintient sur 2024. 55 % des exportations régionales sont orientées vers l’Union européenne, en valeur comme en volume, et donc 45 % sont exportées vers les pays-tiers. Une part non négligeable. Dans les échanges commerciaux, la Bretagne a des cartes à jouer si les importations respectent les mêmes conditions de production que les nôtres, notamment sur l’utilisation des produits phytosanitaires. Il faut rappeler que les filières d’exportation sont souvent liées aux différences de consommation dans le monde. Par exemple, les oreilles de cochon ne sont pas consommées en France. Nous importons du beurre et exportons des produits laitiers…