Contenir la dermatite digitale en ateliers d’engraissement

La dermatite digitale (ou maladie de Mortellaro) gagne du terrain dans les ateliers d’engraissement de jeunes bovins en France. Dans l’Aisne, une étude sur deux ans, incluant 271 animaux au départ, a permis de comprendre ce développement et de proposer des mesures de maîtrise. « En 2017, dans le groupe de 14 éleveurs engraisseurs de jeunes bovins (JB) que j’accompagne, nous avons constaté des résultats économiques en baisse. Le nombre de taurillons abattus en urgence à 600 / 650 kg vif était en augmentation entraînant de lourdes pertes économiques, et 20 % des taurillons du groupe ont été vendus à moins de 400 kg. Les boiteries, dont l’accroissement est observé par les pareurs, étaient une cause de ces départs précoces », retrace Christian Guibier, conseiller élevage à la Chambre d’agriculture de l’Aisne. Lors d’une réunion boiterie au sein du groupe, « nous avons mis en évidence de la dermatite digitale (DD) sur 100 % des animaux boiteux de l’élevage visité. Marc Delacroix, vétérinaire spécialiste des boiteries chez les bovins, et un pareur professionnel sont aussi intervenus lors d’une journée technique en mars 2018. » Pour comprendre le développement de la DD en ateliers de JB et proposer des mesures de maîtrise, un projet sur 2 ans piloté par la Chambre d’agriculture avec comme partenaires le GDS Hauts-de-France et l’Idele a vu le jour en 2020, grâce à un financement de la Région Hauts-de-France et de l’Europe. « Huit élevages étaient inclus dans l’étude : 4 a priori sains et 4 a priori contaminés. Des visites ont été réalisées en début, milieu et fin d’engraissement comprenant le levage des 4 pieds des bovins pour relever et décrire les éventuelles lésions. La température des litières a été relevée et des données sur la conduite et les pratiques d’élevage ont été collectées. Finalement, 7 élevages sur 8 et 9 lots sur les 14 étudiés (comptant chacun une vingtaine d’animaux) étaient atteints. » Vigilance sur la température de litière et la surdensité Plusieurs facteurs de risques ont été mis en évidence lors de l’étude dont une température de litière supérieure à 40 °C sur au moins un des 12 points de prélèvement. « Il faut être vigilant par rapport au surplus de paille, au manque de ventilation, à l’humidité ou à une accumulation trop longue du fumier. » La surdensité est un autre facteur de risque. L’arrivée des JB dans une case avec une litière inchangée, la localisation de l’infirmerie au milieu des autres cases ou un nombre de cheptels naisseurs supérieur à 5 pour un lot sont aussi des pratiques à éviter. « En augmentant le nombre de naisseurs, on augmente le risque d’introduire des animaux atteints, on accroît le stress des animaux et on importe davantage de bactéries différentes ce qui engendre une plus grande sollicitation du système immunitaire. » Isoler rapidement les malades Nettoyer la case et mettre une litière propre en quarantaine et dans la case d’engraissement sont des pratiques vertueuses. « Il est aussi préférable de garder les animaux dans une même case tout au long de l’engraissement. » Pour réduire le stress et un temps debout prolongé, l’accès à l’eau et à l’auge doivent être satisfaisants dans toutes les cases (2 abreuvoirs par lot de 20). L’équilibre alimentaire et de bonnes phases de transition favorisent également la santé globale. « Quand un animal malade est identifié, il convient de le prendre en charge rapidement en réalisant parage, bain de désinfectant et isolement. » Des pédiluves robustes Au cours de la 2e année de l’étude, plusieurs pratiques ont été testées par des éleveurs pour maîtriser la DD. « La réduction des densités de 20 à 18 animaux / lot est une mesure acceptable selon eux. Ils sont par ailleurs très satisfaits de la réduction du nombre de naisseurs quitte à accepter des lots moins homogènes. » Des éleveurs ont testé le passage des animaux dans un pédiluve contenant un produit désinfectant adapté (la pulvérisation dans les lots étant trop dangereuse en JB). « Les éleveurs étaient satisfaits à condition que le passage des animaux soit facilité par la conception et la localisation du pédiluve. Je recommande un pédiluve en béton de 4 m de long avec une hauteur de trempage sur 15 cm à l’intérieur. Une paroi pleine de 1 m de hauteur des deux côtés permet d’éviter la perte de produit. Il faut aussi penser à l’évacuation du produit qui doit être renouvelé régulièrement », souligne Christian Guibier. Après l’étude, un éleveur a choisi de mettre en place 4 passages dans un pédiluve au cours de l’engraissement : à l’entrée des broutards, lors des rappels de vaccinations et un 4e passage ensuite. Autre technique testée dans le cadre de l’étude : le traitement de litière avec des bactéries de compétition placées sur les cubes de paille avant paillage une fois par semaine. Si le coût est un frein aux yeux des éleveurs, ils observent toutefois « un fumier plus compact, moins de mouches et moins d’ammoniac. » Le projet a permis aux producteurs de mettre un nom sur les problèmes qu’ils observaient, de ne pas se sentir seuls et de trouver des pistes d’actions.

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