Soigner le semis pour être plus fort

Une culture qui résiste aux coups de chaud et aux stress hydriques se prépare dès le semis. Un essai mené à Trébrivan (22) par Eureden montre les effets d’une implantation soignée en comparaison à un itinéraire trop rapide, trop profond ou trop tardif. « 50 % du rendement se joue le jour du semis. Quand 95 % des graines germent, on peut estimer que ce semis est réussi », note Clément Quiguer, agronome en charge de la génétique maïs et fourragère chez Eureden. La coopérative a mis en place une plateforme d’essai à Trébrivan (22), afin de comparer vitesse et date de semis, densité de culture et profondeur de la graine. Éviter les rebonds Une vitesse trop importante du semoir peut conduire à « 8 % de rendement perdu ». En allant trop rapidement, la distance entre les graines et la profondeurs ne sont pas homogènes. Sur la parcelle d’essai, la modalité semée à 5 km/h a produit 16,9 tMS/ha, soit près de 2 t de plus que la placette implantée à une vitesse de 10 km/h (à 15 tMS/ha). La vitesse au moment du semis est d’autant plus importante à respecter quand on utilise un semoir léger classique, qu’il soit à socs ou à disques. Avec ce type de matériel et quand les graines ont des poids hétérogènes, « elles tomberont dans le sillon à des vitesses différentes. Une graine lourde arrive plus vite au sol et si le soc est usé, la graine ne sera pas retenue par le sillon elle peut alors rebondir sur le sol. À l’inverse, un semoir lourd type John Deere ExactEmerge a une hauteur de chute de la graine plus courte. Un système de peigne vient positionner cette graine dans le sillon, il n’y a pas de différence de qualité de semis même si les semences ont des masses hétérogènes ». Sur un essai datant de 2019, on remarque que les performances de ces 2 types de semoir est quasi égale à une vitesse d’avancement de 6 km/h (avec un léger avantage au semoir de précision, voir tableau). En revanche et en accélérant la vitesse à 14 km/h, l’outil lourd conserve une très bonne qualité d’implantation même dans un sol caillouteux, contrairement au semoir léger qui laisse échapper au final 8 % de rendement à cause de graines mal positionnées en terre. Agrotempo conforte les dates L’équipe d’agronomes a testé 3 dates de mise en terre pour observer le comportement des maïs semés au 15 avril, au 28 avril et au 10 mai. Sans surprise, les cultures implantées au 28 avril ont produit 16,4 tMS/ha, contre 14,3 tMS/ha au 10 mai et 12,2 tMS/ha pour la mi-avril. Ce dernier a souffert d’attaques d’oiseaux car étant les seules parcelles ensemencées dans les alentours. La bonne date de semis du 28 avril a été déterminée en utilisant Agrotempo, OAD qui sera prochainement disponible sous un format applicatif sur smartphone. Développé initialement pour prédire la bonne date de récolte, l’outil conseille suivant la variété sélectionnée la somme de température à atteindre pour une bonne maturité, mais aussi la bonne date de semis en s’appuyant sur les risques de gelée moyens des années précédentes. Cette donnée est confortée par des mesures de température du sol, qui doivent être au minimum de 10 °C pour qu’une graine de maïs puisse correctement germer. Dans le courant de la saison, « Agrotempo s’ajuste au fur et à mesure. Il est important de passer dans ses champs pour renseigner précisément la date de floraison femelle », précise Clément Quiguer. La réserve utile liée à la résistivité ? Les plateformes d’essai ne sont pas implantées au hasard ; les équipes d’agronomes dressent des cartes de sol avant de mettre en place les essais. « Nous injectons un courant électrique dans la terre afin de mesurer sa capacité à freiner ce courant. Les essais sont ainsi positionnés dans des zones homogènes », explique Erwan Le Bourhis, agronome chargé de projet agriculture numérique chez Eureden. « Il n’y a pas de liens directs entre cette résistivité mesurée et la réserve utile (RU) d’un sol. Cependant, une tendance se dégage : un sol à résistivité plus faible à tendance à avoir une réserve utile plus faible ». Pour étalonner ces mesures et établir des cartes thématiques, des fosses pédologiques sont creusées. 4 densités de semis ont été testées pour connaître la réponse des plantes en termes de rendement à la réserve utile disponible. « Plus on sème dense, plus le rendement évolue. Chaque palier de 20 000 graines a fait gagner des tonnages de MS ». Quand la RU est faible, l’optimum de densité se situe à 105 000 grains/ha en maïs ensilage. « Si on veut augmenter la densité, la RU doit augmenter pour donner à boire aux plantes ». À l’inverse et en cas de bonne réserve en eau disponible, les petites densités décrochent. À titre d’exemple sur une parcelle de Pouldreuzic (29), à une RU de moins de 100 mm correspond une densité optimum de 80 000 grains/ha pour une culture récoltée en grain, quand les RU > 150mm valorisait mieux des densités comprises entre 100 et 110 000 gr. Toutes ces mesures permettent d’alimenter les bases de données qui vont paramétrer les règles de modulation des semoirs capables de nuancer la densité en intra-parcellaire. Gros épis, petits rendements L’effet visuel des épis est parfois trompeur pour estimer le rendement d’une parcelle. Ainsi, une densité faible favorisera la production de beaux épis. « Or c’est le nombre de grains/m2 couplé au PMG qui fait le rendement », insiste Erwan Le Bourhis. La modalité semée à 65 000 graines/ha, qui présente de très beaux épis, a produit 15 tMS/ha, alors que la modalité à 125 000 g/ha en a produit 18,7tMS/ha. L’essai à faible densité donne un fourrage plus riche en amidon et plus faible en protéines. Les grosses densités « diluent les UFL, mais à la marge. Seulement 1 % d’énergie est perdue. Cette perte est corrigée par le rendement : on sort finalement plus d’UFL/ha ». Une densité plus importante aura enfin un effet sur le salissement, pendant et après la culture. Erwan Le Bourhis a mesuré par drone et quelques heures seulement après l’ensilage la biomasse d’adventices toujours présente. « On retrouve le damier de l’essai. C’est derrière le protocole à 65 000 grains que la parcelle est la plus sale ». L’indice de précocité de la variété a aussi un effet sur le recouvrement : plus le maïs est précoce, plus il doit être semé dense car le nombre de ses feuilles est plus faible. Augmenter cette densité pour les précoces joue également sur l’évapotranspiration, car la couverture de la biomasse va limiter le dessèchement par le soleil.

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