Minimiser l’odeur qui attire le ravageur

Les composés organiques volatils émis par les plantes attirent des ravageurs comme les taupins. La recherche avance sur des variétés capables de se faire plus discrètes pour minimiser les attaques. L’activité physiologique des plantes génère des odeurs, de par leurs organes aériens ou souterrains. À la manière d’un sportif sécrétant de la sueur, les végétaux font circuler dans l’air leur empreinte olfactive. Les ravageurs ne se trompent pas, en explorant cette piste pour trouver leur alimentation. Pour exemple, « les pucerons sont capables de reconnaître l’odeur des plantes qu’ils affectionnent », fait observer François Verheggen, chercheur en écologie chimique et comportementale à l’université de Liège, en Belgique. Le professeur s’est penché sur ce phénomène, en étudiant les émissions d’odeurs des racines de différentes cultures. Les insectes détectent ces émanations par leurs antennes, qui peuvent être plus ou moins fortes selon les espèces et les variétés. L’idée théorique simple de manipuler le comportement de ces bioagresseurs en fonction des composés organiques volatils (COV) émis par les plantes suit son cours, afin de les détourner des parcelles cultivées. Maïs incognito Spécialisé dans les odeurs des racines, François Verheggen explique que les insectes du sol utilisent plusieurs éléments pour se guider vers leur nourriture. « En percevant la présence de CO2, l’insecte sait qu’il est à proximité de quelque chose de vivant, qui respire ». Si à cela s’ajoute la présence de composés comme des aldéhydes précis et selon leur teneur dans l’environnement, la larve de taupin saura qu’il s’agit de maïs. Au laboratoire, grâce à des techniques de chromatographie en phase gazeuse, le chercheur regarde de près des échantillons d’odeur de sols cultivés et récoltés à l’aide d’un aspirateur spécial. En comparant ces résultats à des prélèvements d’odeur de sol sans végétaux, il peut caractériser les molécules présentes et émises par les racines. « Je deviens alors comportementaliste en insecte », s’amuse François Verheggen : ces différentes odeurs sont proposées aux ravageurs, qui réagissent par des comportements d’attraction ou de répulsion. Ainsi, un classement des molécules attirantes peut être réalisé. « Le maïs est une plante domestiquée depuis longtemps, mais la sélection variétale ne s’est jamais penchée sur le sujet des odeurs. Il se pourrait que désormais des plantes moins attractives permettent de passer inaperçu auprès des insectes ». Ce levier intéressant ne résoudrait pas tout, mais s’inscrirait dans une stratégie globale de lutte contre les agresseurs. Dans ses essais, François Verheggen a pu constater qu’une variété de maïs présentait seulement 4 % de morsure de taupin, quand des plantes voisines étaient grignotées à hauteur de 21 %. Demain, créateur de parfum ? Lors d’une attaque avec morsure sur la feuille, la plante est capable de changer ses odeurs, pour la rendre « détectable aux antennes des ennemis naturels des ravageurs. Il y a une coopération avec les auxiliaires ». Pour exemple, lorsqu’un puceron pique une feuille de navet, une étude a pu montrer qu’une coccinelle, face à une multitude de plantes, savait discriminer la plante attaquée. Il en est de même sur les maïs, qui produisent des composés alertant d’une attaque de pyrale pour faire venir des guêpes parasitoïdes type trichogrammes. Mieux, la communication entre plante semble possible, afin que le végétal voisin puisse préparer ses défenses immunitaires quand une congénère est attaquée. Ce phénomène nommé ‘élicitation de défense’ inspire la recherche, avec pourquoi pas « des parfums pulvérisés ou plaqués au sol avec des diffuseurs », propose François Verheggen. D’autres travaux sur des odeurs trompeuses sont en cours d’évaluation sur des variétés françaises de maïs, le goût des racines fait aussi l’objet d’une attention particulière avec des métabolites secondaires efficaces qui diminueraient l’appétit du taupin par un mauvais goût de cet organe souterrain. Enfin, lors de l’implantation des cultures, il est possible d’imaginer de choisir des variétés fortement attirantes pour les taupins pour un effet leurre. Les larves seraient attirées par ces pièges très appétents, baissant la pression sur les autres plants.

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