- Illustration « C’est la végétation qui fait le climat »
Aménager des retenues en contrepente permet de favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol tout en créant des espaces de biodiversité.

« C’est la végétation qui fait le climat »

Au nom du concept de « la continuité écologique » qui prévaut aujourd’hui, il faudrait tout faire pour que l’eau s’écoule au plus vite vers les rivières et la mer. Alors qu’il serait plus judicieux de retenir partiellement l’eau de pluie.

« Faire en sorte que chaque goutte d’eau qui tombe sur votre ferme reste le plus longtemps possible ». Pierrick Berthou fait sienne la phrase de Mark Shepard, agriculteur du Wisconsin auteur du livre « Agriculture de régénération ». Est-ce dire que cela passe par la constitution de réserves ? « Exactement. Comme la nature le fait naturellement quand elle crée des mares, des étangs et des lacs. Ou comme le font les castors », répond l’éleveur laitier en bio qui a beaucoup étudié le cycle de l’eau. « En retenant l’eau, en irriguant, en semant des cultures d’été, en plantant des arbres et en entretenant le bocage, l’agriculteur favorise l’évapotranspiration qui humidifie l’air, condition favorable aux précipitations locales ».

Favoriser l’infiltration

Quand Patrick Berthou parle de créer des bassins de rétention, il n’encourage pas le creusement de gigantesques bassines des grandes plaines de culture tapissées de géomembrane et partiellement remplies par des eaux de forage. « Il s’agit d’aménager des retenues en contrepente pour ralentir l’eau qui dévale vers les rivières et la mer ; des retenues en forme de poire avec une entrée et une sortie et des rives étagées pour que l’eau circule et vive », émet-il. « Ces retenues favorisent l’infiltration dans le sol ce qui participe au bon remplissage des nappes. Dans le même temps, vous créez un espace de biodiversité et vous disposez le cas échéant d’eau pour arroser ».

Cette idée qu’il est préférable de retenir l’eau de pluie sur tout le territoire tranche avec l’idée dominante de la « continuité écologique », largement relayée par les écologistes auprès des décideurs politiques et de l’Administration, au motif que l’eau qui coule est une eau qui vit et qu’une eau qui stagne est une eau qui meurt. L’adhésion à cette thèse de la continuité écologique est d’autant plus étonnante que ce concept a été vulgarisé par de grands opérateurs de la marchandisation de l’eau qui ont trouvé dans cette formule de communication le moyen le plus efficace pour moins traiter l’eau des stations d’épuration. « Or, c’est justement cette continuité écologique qui favorise les inondations et les sécheresses. En effet, l’eau n’est pas une ressource comme le charbon : elle ne se renouvelle que si son cycle est alimenté ».

Favoriser l’évapotranspiration

Pierrick Berthou estime que cette notion de « continuité écologique » ignore en fait le cycle complet de l’eau. « Les chercheurs russes Anastassia Makarieva et Victor Goshkov l’avaient théorisé : le cycle de la pluie n’est pas dû à une action chimique, ni physique, mais est le fruit d’une action mécanique, avec comme clef de voûte l’évapotranspiration. Les rivières volantes au-dessus de l’Amazonie illustrent très bien ce phénomène ».
« Pour avoir de l’évapotranspiration il faut couvrir nos sols de végétaux verts, donc vivants. Et pour les alimenter, il faut une bonne réserve d’eau dans le sol. La matière organique apportée par l’élevage, transformée en humus, confère aux sols bien pourvus la capacité de retenir 90 % de leur poids en eau », poursuit l’éleveur.

Abattre les arbres pour économiser l’eau ?

Pour l’agriculteur de Quimperlé, c’est un pis-aller que de vouloir régler le manque d’eau par des restrictions car, dit-il, « on ne consomme pas l’eau, on l’utilise. L’eau finit toujours par retourner aux rivières ».
« La lutte contre la sécheresse se fait en hiver en gérant les flux d’eau ». Il prend ainsi l’exemple de sa commune Quimperlé où « l’eau qui coule du robinet ne représente que 2,46 % de la pluie qui tombe sur le territoire ». Un chiffre qui le conduit à dire que la gestion de l’eau ne se limite pas à la jauge d’un château d’eau. Et d’oser ce trait de dérision : « Un chêne ou un châtaignier consomme environ 500 L par jour ; un pommier 200 L et un peuplier utilise jusqu’à 1 000 L par jour. Faudra-t-il se résoudre à les abattre afin d’économiser l’eau ? C’est exactement ce qu’a fait la Californie. Pour quel résultat ! »
Ce qu’il faut, c’est mettre en œuvre les éléments « pour alimenter le cycle complet de l’eau », insiste Pierrick Berthou qui invite aussi les villes à favoriser l’infiltration en créant des « jardins de pluie » (zones d’infiltration végétalisées) au pied des immeubles et des parkings. Et de rappeler cet adage de sagesse : « Il ne pleut pas dans le désert parce qu’il n’y a pas de végétation et il pleut quasi constamment dans les forêts équatoriales parce que la végétation y est luxuriante et abondante : C’est la végétation qui fait le climat et pas l’inverse. »

Albédo des champs

Albédo des champs Parce que leur cycle végétatif se termine tôt en saison, les céréales ne participent pas au phénomène d’évapotranspiration estival favorable à l’albédo qui renvoie une partie de l’énergie lumineuse vers le ciel et contribue à limiter le réchauffement de l’atmosphère. A l’instar de la neige, le maïs, l’herbe ou les légumineuses participent en effet à ce phénomène en libérant des gouttelettes d’eau en suspension dans l’air.

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