- Illustration Parés à lever les pieds
Avec ses stagiaires, le pédicure Damien Droge insiste sur l’importance de savoir tailler les onglons à la reinette avant de travailler à la meuleuse.

Parés à lever les pieds

Face au poids économique des boiteries et à l’agrandissement des cheptels, de plus en plus d’éleveurs installent une cage de parage chez eux. Encore faut-il posséder les bases pour intervenir. Des formations existent.

L’objectif des éleveurs se formant est généralement de tailler les onglons plus régulièrement et de prendre en charge dans les meilleurs délais un animal boiteux entre deux visites du pédicure bovin. Innoval, comme d’autres professionnels indépendants d’ailleurs, propose des cessions spécifiques où les apports théoriques sont vite mis en pratique à la ferme sous la houlette de pareurs chevronnés.
Après une matinée en salle où les « stagiaires » ont appris à classifier les différentes maladies du pied, infectieuses ou non infectieuses notamment, il est l’heure de saisir les rénettes. Chacun enfile une paire de gants anti-coupure en kevlar puis des gants en plastique par dessus pour plus de propreté. Certains pratiquent déjà. D’autres, novices, se jettent à l’eau avec une certaine appréhension. Tout se passe sous l’œil bienveillant des pédicures formateurs.

Une formation par étapes en petit comité

Innoval propose cette formation pour « appréhender les techniques de parage en vue d’une application sur son élevage ». Elle se déroule en petits groupes, maximum 9 participants (1 pédicure pour 3 stagiaires), pour favoriser les échanges et le temps de pratique de chacun. La cession s’articule sur trois semaines consécutives à raison d’une journée (9 h – 18 h) de formation hebdomadaire. Le matin en salle, l’après-midi en élevage. Six mois plus tard, une journée d’approfondissement est prévu pour faire le point. Soit au total 140 € HT les 4 jours (avec prise en charge Vivéa). Les salariés d’élevage peuvent également être formés. Pour en savoir plus : 02 30 06 16 16 ou www.innoval-elevage.fr

[caption id=”attachment_44506″ align=”aligncenter” width=”720″] La pédicure Maryannick Dufrene guide Anne Duros, éleveuse à Guimiliau, dans la pose d’un pansement après le soin d’une lésion.[/caption]

« Pour lever les pieds, la cage devient indispensable »

« Depuis deux ans, nous constatons de la dermatite sur les vaches et les génisses. Comme c’est contagieux, ce n’est pas simple à gérer et nous sommes un peu désemparés », confie Alain Grannec, éleveur à Collorec (29). Il prend en charge certaines vaches en salle de traite, « c’est facile car je suis à niveau pour intervenir ». Mais quand le problème est situé sous le pied, cela se complique : « Il faut alors lever le pied et la cage de parage devient indispensable ». Il y a un an justement, il en a acheté une, équipée de batterie et déplaçable sur l’attache trois points du tracteur pour intervenir au champ sur les jeunes. « Du coup, je suis plus réactif. Dès que je remarque des lésions, j’interviens. Cela guérit plutôt bien, mais malheureusement, ça revient… » Même si on sent qu’il a déjà un bon coup de rénette, Alain Grannec est venu ici pour « se perfectionner, avoir des informations sur les produits désinfectants ou apprendre à bien poser un pansement ».

Lever des pieds, c’est compliqué ?

Dans cette formation au parage, la parité était parfaitement respectée, aussi bien chez les deux pédicures formateurs que chez les six stagiaires. Pourtant, dans les campagnes, on entend souvent dire que lever des pieds, c’est dur et compliqué. Presque un boulot d’homme… « En élevage, il n’y a pas d’histoire de sexe », réplique aussitôt Anne Duros, éleveuse et ancienne inséminatrice. Avant d’enfoncer le clou : « Celui qui est obligé de travailler en force doit revoir sa façon de travailler. Aujourd’hui, il existe tous les équipements nécessaires pour intervenir en sécurité et soulager l’opérateur. » À la ferme, elle se sert d’une cage simple achetée d’occasion et placée dans un ancien silo à grain. « La cage est surélevée de 25 cm par rapport au sol, elle est positionnée selon un angle de 70° par rapport au couloir pour y accéder, l’animal soigné reste toujours en contact visuel du reste du troupeau. Franchement, les vaches y entrent facilement. »

Manier la rénette avant la meuleuse

Devant l’une des deux cages à disposition, Damien Droge, l’un des 10 pédicures bovins d’Innoval, rappelle : « On commence toujours le parage par l’onglon interne, c’est l’onglon de référence. On est d’accord ? » Concentré, un stagiaire débutant tâtonne un peu. « Oui, mais c’est quand même plus facile de faire les pieds à la meuleuse », lance un autre. La réponse du professionnel encadrant fuse alors : « Avant de toucher la meuleuse, il est primordial de savoir faire un pied à la rénette. Cela permet de mieux ressentir les choses. » Avant d’encourager les premiers pas du producteur de lait : « Tu es parti à droite, à gauche… Reprends étape par étape et finis bien ton plat. Garde le poignet bien fixe pour avoir une coupe franche et précise. »

[caption id=”attachment_44507″ align=”aligncenter” width=”720″] En fin d’après-midi, la partie pratique se termine par un atelier d’affûtage des rénettes.[/caption]

Acquérir des repères visuels indispensables

Près de l’autre cage, Anne Duros, éleveuse à Guimiliau (29), ne rate pas une miette de l’atelier. « Il ne faut pas hésiter à lever les pieds », recommande celle qui est venue aiguiser son regard, apprendre à mieux identifier les lésions et à faire le bon geste. Dans son troupeau de 70 vaches en conduite herbagère, pas de dermatite mais parfois des problèmes liés aux cailloux malgré de bons chemins. Elle dénombre une quinzaine de boiteries par an. « Chez nous, celui qui s’en chargeait est parti en retraite. Je me forme donc pour pouvoir prendre le relais », sourit-elle. « J’ai appris sur le tas. Mais ici, les pareurs nous transmettent les bonnes bases, l’art de la rénette et des repères visuels indispensables pour ne pas faire d’erreur. » Pour elle, ce sont des choses qui devraient être apprises à l’école d’agriculture.

« Ne pas mettre l’onglon interne en vacances »

À ses côtés, Maryannick Dufrene, devenue pareuse il y a plus de 6 ans suite à une reconversion professionnelle, fait quelques rappels. « La corne pousse de 0,5 cm par mois et s’use en théorie au même rythme. Mais plus l’onglon est sollicité, plus il produit de corne. » Avant de corriger une stagiaire hésitante. « Si tu mets l’onglon interne en vacances, l’externe déjà naturellement plus chargé va prendre encore plus de pression. Le parage est un travail minutieux pour rétablir le bon équilibre. Laisser une épaisseur de 2 mm en trop, c’est déjà beaucoup. » La formatrice est très attentive aux gestes des éleveurs, rénette en main. Rien ne lui échappe. « Attention, tu vas faire plus de bêtises en taillant en descendant car tu vas prendre de la force », met-elle en garde. « Enlever de la saleté, oui. Enlever de la corne saine et donc de l’appui, peut-être, mais en contrôlant bien ce que l’on fait. » En fin de formation, chacun rentre chez lui, mieux armé pour lutter contre les boiteries. Vraiment parés à lever les pieds.

La cage c’est bien, une formation c’est mieux

Yannick Jestin conduit un petit troupeau en système pâturant bio à Lanmeur (29). Il est venu se former pour pouvoir être autonome à terme sur le parage. « Mes vaches sortent toutes l’année à l’herbe et parcourent jusqu’à 2 km par jour. J’attache ainsi beaucoup d’importance à éviter les boiteries. Cependant, la marche provoque parfois des ulcères », explique le Finistérien qui mène actuellement un chantier de rénovation de ses chemins pour limiter l’incidence des cailloux ou de la boue à la mauvaise saison. « Mais les pédicures sont souvent débordés. Alors j’aimerais pouvoir intervenir en prévention avec un parage fonctionnel au moment du tarissement par exemple. » Il a déjà une cage sur la ferme, cependant « n’y connaissant rien », il n’ose pas s’y mettre. Cette formation va lui mettre le pied à l’étrier.


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