- Illustration Un marché du carbone pour les agriculteurs

Un marché du carbone pour les agriculteurs

D’ici trois ans, des agriculteurs français pourraient être rémunérés pour la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Grâce au nouveau cadre réglementaire articulé autour du label « Bas carbone », l’agriculteur pourra vendre des « crédits carbone » à des entreprises, associations ou collectivités souhaitant compenser volontairement leurs émissions. Un appel à projet sera lancé, dès cet automne, pour la certification de « 400 à 600 fermes » en 2020, avec des premières rémunérations dès 2022 pour les éleveurs. La mairie de Paris, BNP Paribas, La Poste, et les JO Paris 2024 seraient intéressés.

Les éleveurs sur la ligne de départ

Les éleveurs de ruminants devraient ouvrir la voie. Élaboré depuis plusieurs mois par les filières d’élevage de ruminants (Cniel, Idele, Interbev), le projet « Carbon Agri », première méthodologie à être validée pour le secteur agricole qui s’inscrit dans le label « Bas carbone » a été validé par le gouvernement en juin. Il prévoit de labelliser des projets de réduction de l’impact climat des élevages afin d’attirer des financements privés ou publics.

Concrètement, les éleveurs pourront faire certifier des projets de réduction de « l’impact carbone » de leur exploitation. Grâce à cette certification, ils pourront émettre des « crédits carbone », qu’ils vendront à des entreprises ou collectivités souhaitant compenser leurs propres émissions. D’autres méthodes sont en projet. Elles ouvriront cette rémunération à d’autres profils d’agriculteurs : fertilisation azotée dans les grandes cultures, méthanisation et stockage du carbone dans le sol – la transformation de terres agricoles en forêts pourra également faire l’objet d’un financement. Toutes ces méthodes pourraient préfigurer les obligations de résultat de la future Pac.

Déconnecté du marché européen

« En 2012, avec la fin de l’application du protocole de Kyoto, il n’y avait plus de système de certification carbone en France. Les entreprises qui souhaitaient compenser leurs émissions le faisaient à l’étranger », commente Claudine Foucherot, cheffe de projet Territoire et climat pour l’I4CE, l’organisme public qui a encadré l’élaboration du label. Ce nouveau dispositif est toutefois totalement déconnecté des autres marchés du carbone européen. « Les crédits carbone ne seront ni utilisables sur le marché carbone européen, ni sur le futur marché Corsia de l’organisation de l’aviation civile internationale, ni pour remplir les obligations internationales des États », selon le ministère. En outre, afin « d’éviter l’émergence d’un marché d’échanges qui nécessiterait une surveillance lourde », la réglementation « interdit l’échange des réductions une fois celles-ci achetées », ajoute le ministère.

6 000 à 10 000 € sur 5 ans

Le prix du carbone devrait, quant à lui, être fixé par contrat entre porteurs de projets et financeurs. Dans le cadre de Carbon Agri, l’Idele espère le négocier « entre 20 et 25 euros la tonne », indique Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement : « On a fait des évaluations sur des exploitations moyennes françaises, sur 5 ans on attend une réduction comprise entre 300 et 400 tonnes de CO2. » Soit une rémunération d’environ 6 000 à 10 000 € sur cinq ans. Seules les compensations volontaires sont concernées.
Enfin, les financeurs ne pourront investir dans des projets labellisés « Bas carbone » que dans le cadre de leur politique de compensation volontaire. Pas question de « remplir une obligation réglementaire » avec ce dispositif. Les agriculteurs pourront donc profiter des financements issus, par exemple, des plans de RSE et des stratégies climat des entreprises et collectivités.

500 fermes par an

La filière élevage a créé une association « Carbon Agri Association », pour assurer la « logistique » de la valorisation des réductions d’émissions. L’association portera des « mégaprojets » de labellisation de plusieurs centaines d’exploitations à la fois. « L’objectif est d’avoir 2-3 projets de 400 à 600 fermes chaque année », indique Jean-Baptiste Dollé (Idele).

150 données prises en compte

Pour mesurer l’impact carbone des exploitations, la filière élevage dispose d’un outil : Cap2er. Ce logiciel, développé par l’Institut de l’élevage, calcule essentiellement l’impact carbone des exploitations. Il intègre, dans son calcul les « impacts directs liés à la conduite du troupeau » et les « impacts indirects liés à l’utilisation d’intrants ». Il prend également en compte les contributions positives de l’élevage (stockage de carbone).
Pour ce faire, l’éleveur doit remplir 150 données techniques et d’activité sur son exploitation.


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