Patrick Robert, éleveur laitier à Bréhand-Moncontour montre à Félix Mahé comment, en les déchaussant à moitié, il est facile de nettoyer le dessous des bottes avant d’entrer dans la stabulation. Qui dit « bio sécurité » n’exclut pas bon sens paysan et pragmatisme ! - Illustration Le GDS Bretagne prend les devants
Patrick Robert, éleveur laitier à Bréhand-Moncontour montre à Félix Mahé comment, en les déchaussant à moitié, il est facile de nettoyer le dessous des bottes avant d’entrer dans la stabulation. Qui dit « bio sécurité » n’exclut pas bon sens paysan et pragmatisme !

Le GDS Bretagne prend les devants

Dès l’été 2019, huit conseillers de GDS Bretagne seront à la disposition des éleveurs bovins pour réaliser un audit biosécurité de leur exploitation. Un dispositif conçu par Félix Mahé et ses collègues du groupement. Reportage à Bréhand-Moncontour (22).

« Vous mangeriez dans une assiette sale, vous ? ». « Moi non ! », répond à sa propre question Patrick Robert. Éleveur laitier à Bréhand-Moncontour, Patrick n’a pas attendu d’être sensibilisé à la biosécurité pour prendre de bonnes habitudes : impensable pour lui de distribuer une ration d’ensilage avec du matériel souillé…
Cet après-midi, il reçoit Félix Mahé, expert biosécurité de GDS Bretagne. Objet de la visite : tester l’audit qu’il conçoit actuellement pour les élevages bovins : « Dès l’été 2019, nos conseillers seront opérationnels pour intervenir chez ceux qui le demanderont », annonce-t-il, tout en sortant son questionnaire.

Bon sens paysan

Bien entendu, Félix Mahé n’a pas choisi cette ferme au hasard : non seulement l’exploitant est déjà convaincu de l’utilité de la biosécurité, mais son « bon sens » va lui être très utile pour adapter le protocole de l’audit à l’organisation des élevages. « Pas besoin d’aménager un bâtiment spécifique pour isoler une bête prête à partir, donne comme exemple l’éleveur. Je gare la bétaillère à l’entrée du parking visiteurs et j’y accroche les papiers ». Ensuite, l’éleveur n’a plus qu’à appeler le chauffeur ou à lui adresser un texto. Ainsi, ce dernier pourra charger l’animal sans avoir à pénétrer dans la zone protégée, même si l’éleveur est occupé ailleurs… « L’audit n’est pas forcément synonyme de nouvelles contraintes et de grosses dépenses, avance Félix Mahé. La mise en œuvre de mesures efficaces peut relever du pragmatisme, mais elles doivent être appliquées avec méthodologie et là notre conseil est essentiel ! ».

La visite commence toujours par la vérification des accès : « Pour ton parking, c’est bon, il est bien signalé et la chaîne interdit l’entrée des véhicules. Cela dit, tu pourrais mettre un sens interdit à l’entrée située au bout de tes bâtiments, quelqu’un pourrait venir par là ». « J’ai déjà fait poser par la commune un panneau — voie sans issue —, lui répond Patrick, mais je vais y penser ». Les deux hommes entrent dans la nurserie. Celle de l’éleveur répond aux recommandations du groupement : bien séparée des bêtes adultes et équipée d’un matériel spécifique… Mais pourquoi le GDS Bretagne a-t-il confié à Félix Mahé le soin de créer un tel outil de diagnostic ?

[caption id=”attachment_40544″ align=”aligncenter” width=”720″] Pour éviter la prolifération des rongeurs, Patrick Robert dispose des appâts empoisonnés dans des sections de tuyaux cachées derrière les buissons. Les rats s’y sentent protégés et l’appât se conserve.[/caption]

Éviter d’en arriver là !

« Tout a commencé lors d’une réunion d’éleveurs au printemps 2018, raconte l’expert. On a senti qu’il était temps de structurer les choses en biosécurité bovine. Les crises avicoles des hivers 2017 et 2018 dans le Sud-Ouest ont résonné comme un avertissement sans frais pour les autres filières. Et il y a peu de raisons objectives pour que les éleveurs de bovins ne subissent pas un jour ce genre de contamination à grande échelle. Pour eux, l’augmentation des risques tient, entre autres, à la prolifération d’animaux sauvages porteurs de la tuberculose bovine (dans certaines régions), mais aussi à l’évolution des exploitations qui concentrent de plus en plus d’animaux. En cas d’infection par une maladie transmissible à l’homme (brucellose, tuberculose…), un plan réglementaire est appliqué : blocage de l’élevage, abattage du troupeau, désinfection totale, puis indemnisation. Mais bien entendu, mieux vaut éviter d’en arriver là ! »

Des mesures préventives s’imposent pour épargner aux éleveurs le traumatisme d’une contamination ; éviter à l’État et aux GDS le coût des indemnisations et éviter à une région (voire au pays tout entier) le désastre économique provoqué par une épidémie ! Voilà pourquoi le GDS Bretagne a décidé de prendre les devants en confiant à Félix Mahé la responsabilité de créer ce dispositif.

Plan d’action

En octobre 2018, Félix Mahé a donc présenté un plan d’action en quatre points. Premièrement : diffuser, au cours de réunions de secteurs, une vidéo de sensibilisation répertoriant l’ensemble des postes à vérifier et des précautions à prendre. Deuxièmement : élaborer l’audit bio sécurité, l’adapter sur tablette numérique, puis former les huit conseillers chargés de les effectuer. Troisièmement : créer un module de formation des éleveurs sur une journée, comprenant la visite d’un élevage pour observer une mise en application. Et enfin, création d’une signalétique biosécurité spécifique au GDS Bretagne.

Ne reste plus maintenant qu’à entrer dans la phase opérationnelle des audits, en n’oubliant pas d’associer à la technicité des interventions les bonnes idées des adhérents. À l’image de celle suggérée, ce jour-là, à Félix Mahé par Patrick Robert : « Tu vois, quand tu déchausses à moitié ta botte, comme ça, tu peux nettoyer le dessous plus facilement ! » (Voir photo principale). Une bonne idée, enregistrée par le conseiller… Nul doute qu’elle va très vite « contaminer » les élevages bretons !

En quoi consiste l’audit ?

Quand le conseiller GDS Bretagne établit l’audit, tous les points évalués sont renseignés sur tablette numérique. L’audit comprend deux principaux volets. Le premier consiste à analyser le risque d’introduction d’un danger sanitaire par un intervenant extérieur, un animal (d’élevage ou sauvage) ou un aliment. Le second étudie comment l’éleveur peut éviter la propagation d’un danger sanitaire dans l’exploitation : les circuits propres et sales se croisent-ils ? Comment sont protégés les jeunes ? Comment sont stockés les cadavres…? Le conseiller indique ce qu’il faut réaliser par ordre prioritaire. Par exemple : mieux sécuriser l’entrée des intervenants en signalant le parking ou installer et entretenir un pédiluve sec (à base de chaux)…

Il interroge également l’éleveur sur ses pratiques : l’origine des animaux achetés est-elle bien vérifiée ? Certaines des pâtures sont-elles en contact avec d’autres troupeaux…? L’alimentation est-elle bien protégée ? Les bâtiments et équipements sont-ils régulièrement décontaminés… Toutes ces informations sont enregistrées, analysées et permettent d’établir le plan d’amélioration de la biosécurité de l’élevage. Autre possibilité pour l’éleveur qui souhaite améliorer ses pratiques de biosécurité : suivre une journée de formation associant conseils et méthodologie à la mise en situation dans un élevage témoin. Un moyen efficace d’accéder concrètement aux recommandations de GDS Bretagne et d’intégrer au quotidien des pratiques qui amélioreront sa protection.

Contact : Audit biosanitaire élevage bovin, GDS Bretagne, 22440 Ploufragan, 02 96 01 37 07.

Pierre-Yves Joyaux


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