“Un animal qui va bien, c’est une traite qui se passe bien”

Pour Jean-Louis Poulet de l’Institut de l’élevage, une traite efficace passe par le bien-être des animaux et des trayeurs. « Pour une traite efficace, il faut des animaux coopératifs. Pour cela, ils doivent être en état de bien-être neutre, voire même mieux positif ! », démarre Jean-Louis Poulet, responsable de projet R&D Traite à Idele – Institut de l’élevage. Avant de rappeler que le lait citernal, la partie récupérée en ouvrant simplement le sphincter, ne représente que 30 % du volume à traire stocké dans la mamelle. « Pour les 70 % restants, qui se trouvent dans les alvéoles, l’animal doit être “volontaire”, car la descente du lait est sous contrôle hormonal. » La décharge d’ocytocine d’une vache stressée est bien plus limitée. Cette considération sur le bien-être animal à la traite se retrouve aussi en petits ruminants. « La seule différence est que chez la chèvre, les proportions sont inversées : 70 % du lait est disponible et 30 % est à aller chercher dans les alvéoles. » Animaux stressés et traites qui s’éternisent « On a tendance à dire qu’un troupeau est à l’image de son éleveur. Un animal qui va bien, c’est un trayeur qui va bien. Et inversement », résume Jean-Louis Poulet. Pour lui, en salle de traite, on doit voir des vaches tranquilles, à l’aise, voire en train de ruminer. Les passages d’intervenants extérieurs (conseiller, agent de pesée, vétérinaire, remplaçant, stagiaire…) sont beaucoup plus faciles dans une installation où tout se passe bien. Les animaux ne sont pas perturbés. « En cas de problème de traite, c’est beaucoup plus compliqué. » Quand les animaux stressent, ils bousent, tapent, font tomber les faisceaux trayeurs… Les dominées du troupeau se retrouvent à la fin et ne veulent pas monter sur les quais. L’éleveur agacé perd patience, s’énerve, élève la voix. Et la traite n’en finit pas… « C’est un cercle vicieux alors qu’il faut au contraire chercher à entrer dans un cercle vertueux », explique-t-il (voir schéma). Et sur les élevages à multi-intervenants, le conseiller rappelle qu’il faut que « la façon de voir la traite soit partagée ». Quand des personnes calmes et stressées alternent, il y en a au moins une qui n’y trouvera pas son compte. Aller bien avant d’aller vite Un peu à contre-courant de certaines idées véhiculées sur le terrain, « une traite efficace, ce n’est pas qu’une traite rapide ». Certes il ne faut pas perdre de temps, concède le spécialiste. Mais il plaide davantage pour un partenariat gagnant – gagnant. « Il arrive qu’à trop vouloir chercher la vitesse de traite, on perde sur la qualité. Parfois, pour aller vite, il faut aller bien… Cela passe par une réflexion multidimensionnelle, à la recherche d’une traite adaptée, respectueuse du trayeur et des animaux ». Organiser les choses. Par exemple, passer du temps à bien stimuler ses vaches et à avoir des pratiques d’hygiène optimisées est un investissement efficace. « Plutôt que d’être dans une situation où il faut attendre que des traites longues se finalisent, ronchonner car les animaux ne circulent pas ou passer du temps à des traitements intramammaires… » Ne jamais négliger l’interface animal - machine - trayeur « Quand ça ne va pas à la traite, on parle vite de niveau de vide, de pulsation... Bien sûr qu’un vide trop bas participe à des anomalies de tenue de faisceau. Mais il faut arrêter d’imaginer que tout n’est relié qu’à la partie mécanique », explique Jean-Louis Poulet. « Non, il faut absolument réfléchir en considérant que la traite est toujours une interaction entre un animal, un trayeur et une machine. Et les trois ne cessent d’évoluer. Si on ne réfléchit que sur un seul aspect, on ne trouvera pas la source du problème. » Le bien être à la traite passe par une machine bien réglée et des êtres vivants bien considérés. Enfin, le spécialiste met en garde devant un phénomène parfois observé sur le terrain ces dernières années alors que les structures laitières vivent globalement une accélération de leur développement. « Ce n’est pas parce que le troupeau augmente qu’il faut bâcler sa routine de traite. Si on rajoute 20 vaches dans son troupeau, il n’y a rien d’anormal à passer 10 à 15 minutes de plus dans la fosse. Sinon, il faut raisonner autrement en cherchant à rationnaliser les pratiques ou à travailler sur le niveau d’équipement en investissant. »

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