Les vers de terre, regroupés en 3 groupes, se répartissent les tâches à différents niveaux du sol. - Illustration Le ver de terre, activateur souterrain de la prairie
Les vers de terre, regroupés en 3 groupes, se répartissent les tâches à différents niveaux du sol.

Le ver de terre, activateur souterrain de la prairie

Acteurs majeurs des dynamiques de l’azote et du carbone dans les sols, les vers de terre  sont des alliés précieux à préserver et à favoriser.

Les vers de terre, « insatiables tubes digestifs », constituent la 1re biomasse animale terrestre. « Ils peuvent ainsi représenter jusqu’à 4 t / ha en situation de bonnes pratiques agricoles », précise Florent Cotten chez PatûreSens. Mais attention, « la vache à lait des plantes » est aujourd’hui en phase de disparition dans les sols cultivés en lien avec les pratiques intensives conventionnelles. « Un réseau de galeries peut perdurer une dizaine d’années après la disparition des vers. Ce qui signifie que l’ampleur du dommage de nos pratiques n’est perceptible qu’à retardement. » Et le conseiller en pâturage de préciser qu’il faut au minimum 2 ou 3 ans pour que les vers de terre s’établissent à nouveau dans les sols antérieurement dépourvus de vie ou d’activité lombricienne (Hamblyn, 1945).

Différents vers aux rôles complémentaires

Ces travailleurs inlassables se classent en trois groupes, se répartissant les tâches à différents niveaux du sol. D’abord, les épigés se nourrissent directement en surface et œuvrent à la fragmentation des végétaux en décomposition. Ensuite, les endogés évoluent dans les premiers mètres du sol qu’ils remuent en creusant de petites galeries horizontales. Enfin, les anéciques, véritables mineurs de fond, creusent de manière incessante des galeries verticales de la surface jusqu’à trois mètres de profondeur, tout en ingérant particules minérales et terre et en déféquant ce mélange « prémixé » appelé lombrimix.

Aux côtés des microorganismes (bactéries, champignons, acariens, petits insectes), les vers de terre jouent un rôle important dans le recyclage des bouses et l’enrichissement des sols. « Les vers de terre choisissent leurs aliments en fonction de leur odeur et de leur goût », précise Florent Cotten. Ils excluent les grosses pièces, digérées en priorité par les bactéries et champignons, et fuient les matières en fermentation anaérobie et leurs sous-produits (ammoniac, hydrogène sulfureux). Les débris végétaux libres sont préférés par les épigés tandis que les fractions très décomposées sont la nourriture de prédilection des endogés et des anéciques.

Globalement, les vers de terre aiment les aliments riches en potasse. « La bouse en est un parfait exemple. Les épigés s’en servent d’ailleurs comme milieu de vie et de reproduction en pleine saison. C’est pourquoi un passage d’ébouseuse réduit drastiquement leur population. » Par ailleurs, le type de vers de terre présents fait évoluer la matière organique d’un sol. « Les anéciques favorisent un mull, type d’humus très fertile. À l’inverse un sol sans ou avec peu de vers de terre va tourner vers le moder et s’acidifier. » Ainsi, les apports calciques modifient le type et l’activité lombricienne (Toutain, 1988).

Générateurs de bénéfices agronomiques

« Les galeries creusées par les vers permettent aux racines des prairies de pénétrer plus profondément dans le sol. Ce réseau de canalisations représente jusqu’à 500 m linéaires par m². Cela est d’autant plus important que les nodosités de trèfles nécessitent de l’oxygène pour fonctionner », explique le conseiller en pâturage.
De plus, au cours de ses études (1997), Marcel Bouché a établi que l’azote assimilé par les vers de terre lors de leurs brassages incessants venait à libérer 583 unités /ha/an dans le sol à travers l’excrétion par les parois externes (urine, mucus). « Un azote relargué sous forme ammoniacale, assimilable très facilement par les plantes. » Près de 10 t de carbone organique par hectare sont également remuées chaque année.

Ce carbone est restitué sous forme de gaz carbonique, de lombrimix et de mucus (composé de glucose et fructose) couvrant les parois des galeries et valorisé, dans un deuxième temps, par d’autres microorganismes (Toutain, 1984). « Sans oublier que cette dégradation mène lentement à la formation de nouveaux agrégats organo-mineraux. » Des apports d’effluents frais riches en potasse et un pâturage à intervalle régulier et sur un temps court qui renouvelle fréquemment la pousse de l’herbe (limitant la compaction du sol) sont bénéfiques aux vers de terre. « Cela dope la photosynthèse des plantes et par conséquent accélère la mise à disposition des éléments nutritifs pour les microbes du sol », termine Florent Cotten.

L’espoir d’un gain économique ?

Selon une étude publiée en 2008 par le ministère de l’Environnement irlandais, les vers de terre rapportent 700 millions d’euros par an au pays par ses brassages et plus-values agronomiques, rapporte Florent Cotten. « Cela dépasse même le milliard d’euros si on prend en compte son intervention dans le travail “mécanique” du sol et l’horticulture. »


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