Organiser la filière laitière française, un impératif
Pour maîtriser les volumes et pouvoir gérer la valeur ajoutée, les producteurs doivent se regrouper et s’organiser. La contractualisation ne sera pas suffisante, selon Frédéric Courleux, directeur des études « Agriculture Stratégies ».
« Huit français sur dix considèrent l’origine France comme un signe de qualité. Aujourd’hui, quels leviers pouvons-nous mettre en place pour répondre à ces consommateurs confiants ? », interroge Pierrick Cotto, président d’Eilyps. Selon lui, les producteurs doivent aujourd’hui s’organiser pour mettre en place avec leurs partenaires aval des démarches de contractualisation prenant en compte les coûts de production et des indicateurs de marché. « Dans de nombreuses filières (telles que le sucre, les légumes transformés…), les interprofessions, qui regroupent les acteurs autour de signes de qualité ou d’appellation, savent mettre en place, gérer et faire évoluer les contrats entre l’amont et l’aval. »
Massifier
« L’organisation économique de la filière laitière, très en retard par rapport au Nord de l’Europe ou à d’autres secteurs agricoles, est cruciale. La contractualisation ne sera pas suffisante. Les producteurs français doivent absolument s’engager dans une massification de l’offre au sein d’OP (organisations de producteurs). Ces OP devront gérer la valeur ajoutée et jouer sur la maîtrise des volumes », a insisté Frédéric Courleux, directeur des études « Agriculture Stratégies », lors de la table ronde qui était organisée suite à l’assemblée générale d’Eilyps le 14 juin à St-Gilles sur le thème « La filière française : une exception au prix fort ? ».
Aides pour baisser la production en cas de crise
En production de lait, « l’ajustement par les prix ne marche pas. Quand les cours sont bas, les producteurs continuent à produire car ils doivent rembourser leurs investissements. C’est un secteur qui a besoin d’organisation collective et de politique publique. » Frédéric Courleux donne l’exemple des USA. « En cas de crise, des aides sont données aux producteurs pour baisser leur production. » « En France, les éleveurs laitiers souffrent d’un manque de redistribution de la valeur ajoutée », précise Catherine Lascurettes, en charge du secteur laitier pour l’Irish farmers’ association (IFA), principal syndicat de producteurs en Irlande. « Notre pays est davantage positionné sur un marché “business to business” avec beaucoup d’export. Seuls 10 % de la production laitière sont orientés vers les GMS. Les investissements industriels sont contrôlés par les agriculteurs qui ont une production très saisonnalisée. 90 % des vêlages ont lieu entre fin janvier et fin mars. Toute la filière va dans la même direction. »
La production de lait toute l’année par les producteurs français, « c’est un service rendu aux industriels : il doit être payé », continue Catherine Lascurettes.
« Davantage de liberté pour les producteurs »
D’origine hollandaise, John Rooijakkers est installé à Domalain (35) depuis 1994 après avoir été éleveur pendant 10 ans aux Pays-Bas. Il gère aujourd’hui un troupeau de 170 VL sur une SAU de 230 ha et projette de passer à 350 vaches d’ici 2 ans. « Nous avons plein d’atouts dans l’Ouest dont nous ne profitons pas pleinement. Les producteurs devraient avoir davantage de liberté. Il y a beaucoup trop d’administratif en France », pense-t-il. « Mon client, c’est celui qui fixe le prix ! Forcément, il l’abaisse autant que possible… Nous devons absolument reprendre la facturation et le pouvoir de négociation », ajoute un autre producteur. « Vous avez la force de l’image dans l’opinion. Il est grand temps d’agir sur la réorganisation », conclut Frédéric Courleux.