Un service ferroviaire minimal et des camions supplémentaires assurent la livraison des céréales et des co-produits dans les usines bretonnes habituellement approvisionnées par train. - Illustration Grèves à la SNCF : les céréales restent à quai
Un service ferroviaire minimal et des camions supplémentaires assurent la livraison des céréales et des co-produits dans les usines bretonnes habituellement approvisionnées par train.

Grèves à la SNCF : les céréales restent à quai

Les fabricants d’aliment s’organisent en attendant la prochaine récolte qui permettra de s’approvisionner en local  et se passer du rail. Les coopératives céréalières craignent des pertes de marché à l’export.

Habituellement, une trentaine de trains approvisionnent les usines bretonnes en céréales et en co-produits chaque semaine. Ils transportent environ la moitié des céréales importées en Bretagne. L’autre moitié est livrée par camions. Dès l’annonce de la grève à la SNCF, les responsables des fabricants bretons ont redouté que la quasi-totalité du trafic ferroviaire ne cesse dans la région. « Nous avons anticipé », indique Laurent Morin, de Nutrinoë. « Face à la menace de ne voir arriver que deux à trois trains par semaine, nous avons créé une cellule de crise avec l’État et la SNCF pour assurer un service minimum ».

Une dizaine de trains, soit le tiers du trafic habituel, approvisionnent actuellement les usines bretonnes. Les camions assurent la livraison de la moitié du volume restant. « 700 camions supplémentaires circulent. Difficile d’aller au-delà. Nous ne sommes pas le seul secteur économique impacté et il y a de la concurrence sur les camions mais aussi sur les chauffeurs ». Le surcoût pour la Bretagne est important. Si la grève dure jusqu’à la fin du mois de juin, la facture devrait s’élever à 4,5 millions d’euros, selon Laurent Morin. Pour l’heure, les perturbations ne se font pas ressentir dans les élevages. Les ports bretons, quant à eux, ne sont pas desservis par le rail mais par camions.

Le fret ne se fait que dans un sens

La coopérative du Gouessant s’approvisionne habituellement à 40% par train. « Le système mis en place par la cellule de crise pour les fabricants bretons permet de faire travailler nos usines », indique Christelle Houdard, en charge des approvisionnements. « Nous tiendrons jusqu’au mois de juin. L’approvisionnement local, après les premières moissons, nous permettra de souffler et de revenir à une situation normale ». L’aspect économique pèse pour l’entreprise. « Il y a le surcoût lié au remplacement d’une partie des trains par des camions mais il y a aussi le fait que les camions partent à vide de Bretagne vers les régions céréalières. Le fret ne se fait que dans un sens ». Christelle Houdard évoque également la surcharge de travail pour le service approvisionnement et pour les équipes de réception de la marchandise. « La gestion d’une cohorte de camions est bien plus compliquée », assure t-elle.

Pertes de marché export

Les difficultés logistiques rencontrées par les adhérents de l’AGPB (association générale des producteurs de blé) ont un impact direct sur les exportations. Les stocks de fin de campagne s’en ressentiront. À quelques semaines de la préparation des silos pour les futures moissons, la situation inquiète la filière. Chez Agrial, la situation est jugée catastrophique par Philippe Vincent, directeur qualité des céréales, basé au Mans. « La saison s’annonçait bonne avec un volume de collecte retrouvé et une excellente qualité des blés. Malheureusement, au mois d’avril, la moitié des trains qui relient nos 8 sites de stockage aux ports de Nantes, de La Rochelle et de Rouen, n’ont pas circulé. Nous n’avons compensé qu’une petite partie par camions. L’autre partie reste dans les silos.

Cette grève tombe au plus mauvais moment, à une période de l’année où il y a toujours un peu de tension logistique. L’an dernier, nous avions eu du mal à satisfaire nos clients (Maghreb et pays européens) en raison de la mauvaise récolte. Ils s’étaient essentiellement approvisionnés en Russie et en Argentine. Cette année, c’est pire, car c’est notre image qui est en jeu. Nous craignions des pertes de marché ». Une tendance confirmée par Coop de France. « Le renchérissement du transport bloque pour le moment la signature de nouveaux contrats pour les prochains mois. Les opérateurs du Nord de l’Europe s’intéressent à d’autres origines que la France pour leurs achats de céréales ». Les fabricants bretons attendent la prochaine récolte avec impatience ; les coopératives céréalières avec une certaine inquiétude…

Deux jours de grève, quatre jours de blocage

Les surcoûts liés au report modal, vers le camion plutôt que le train, atteignent 4 à 25 €/t selon les distances, calcule l’AGPB. S’y ajoutent des pénalités quand les livraisons ne sont plus assurées. Cérévia, union de coopératives en Bourgogne, Franche-Comté et Rhône-Alpes, a déploré jusqu’à 17 trains annulés en quatre jours de grève. Le groupe transporte ses céréales autant par voie ferroviaire que par la route et par les voies navigables. « Des clients ne sont pas livrés et le coût de résiliation d’un contrat, c’est 4 à 5 €/t de pénalités », signale la directrice, Fouzia Smouhi. Cérévia a prévu d’exécuter la vente de 240 000 t entre avril et juin, avec 80 % potentiellement non réalisés à cause du conflit social : deux jours de grève se traduisent par quatre jours de blocage. Sachant qu’un train de 1 300 t équivaut à 44 camions, il faudrait trouver plus de 6 000 camions. Impossible…


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