Incorporer ses céréales à l’aliment pour nourrir les volailles

L’incorporation de céréales entières à un aliment complémentaire pour nourrir les volailles est une technique répandue dans le nord de la France et en Belgique. Cette pratique intéresse les éleveurs bretons qui y voient un formidable levier pour améliorer les marges.

« L’aliment représente 61 % du coût de production en poulet standard », introduit Élodie Dezat, ingénieure avicole à la Chambre régionale d’agriculture, lors de la journée régionale avicole à Loudéac (22), le 5 décembre. La question de l’utilisation des céréales cultivées sur l’exploitation pour l’alimentation des volailles est un sujet qui revient souvent dans les discussions entre aviculteurs. « C’est un formidable levier pour agir sur le coût alimentaire afin de sécuriser et consolider nos marges », lance un éleveur de volailles.

Des investissements rentabilisés en un an

Le principe pour incorporer les céréales à l’aliment est simple. Il suffit d’installer un silo dédié aux céréales en plus des deux autres qui contiennent l’aliment. Une trémie peseuse reliée à un boîtier de gestion permet de gérer l’installation et de faire varier le taux d’incorporation des céréales. « Il faut compter autour de 15 000 € pour équiper un poulailler avec ce système. Les économies générées permettent de rentabiliser l’investissement en un an », annonce l’ingénieure avicole.

Pour pouvoir passer du blé entier, il faut que l’aliment soit en granulé afin d’éviter le tri particulaire. « L’incorporation de céréales dans l’aliment est à différencier de la dilution d’aliment. L’ajout de blé entier dans l’alimentation des volailles nécessite un apport de complémentaires composés de vitamines et minéraux dans l’aliment afin d’obtenir une formule équilibrée. » Il est aussi important d’apporter du gritt aux volailles pour que le gésier puisse travailler correctement. « L’incorporation de blé entier impacte positivement l’indice de consommation et le GMQ. La taille du gésier augmente. Cela n’a pas d’effet mesuré sur le rendement carcasse. Le taux de pododermatites baisse car les fientes sont moins humides. L’intestin des volailles évolue et notamment la flore pathogène qui diminue. Par conséquent, l’absorption des nutriments est meilleure », décrit Élodie Dezat.

Une marge PA qui s’améliore de 1,6 €/m2

Des éleveurs du nord de la France pratiquent depuis des années l’incorporation de céréales dans l’alimentation de leurs poulets. L’enquête avicole a permis de croiser les résultats techniques de plus de 40 lots chez des éleveurs qui utilisent un aliment du commerce comparés à ceux qui associent des céréales à un aliment complémentaire. « Les aviculteurs utilisant des céréales avec un aliment complémentaire ont de meilleurs résultats techniques : le poids moyen est plus élevé, l’indice de consommation (IC) est moindre, la mortalité est plus faible, de même pour les saisies à l’abattoir. Le GMQ et l’indice de productivité sont meilleurs.

Au final la moyenne de marge PA atteint 9,6 €/m2/lot alors que la moyenne des éleveurs utilisant un aliment complet du commerce est en dessous de 8 €/m2/lot », analyse Élodie Dezat. Le coût moyen de l’aliment a aussi été calculé, l’aliment complet du commerce est à 355,40 €/t, les céréales associées à l’aliment complémentaire sont à 326,10 €/t. « Le coût alimentaire n’est pas un terme familier dans le jargon des volaillers, mais il y a un début à tout », commente un aviculteur breton. Il poursuit : « J’ai une surface d’élevage de 2 500 m2, je fais 6 lots/an avec une densité de 20 animaux au m2. Mes volailles consomment 1 310 tonnes d’aliment par an pour 730 tonnes de poids vif vendu, soit un IC de 1,79. Dans le calcul de mon coût de production, la part du coût alimentaire s’élève à 68 %. » L’aviculteur a réalisé un rapide calcul : « Avec un aliment du commerce mon coût alimentaire pour produire 1 kg de poids vif s’élève à 0,635 € alors qu’il tombe à 0,583 € si j’incorpore du blé entier. Sur un an de conduite d’élevage, l’incorporation de céréales entières me permettrait d’économiser plus de 38 000 €. »

Thomas Couëpel, aviculteur à Andel (22) apporte son éclairage : « Les éleveurs du nord de la France et de la Belgique qui incorporent des céréales à l’aliment n’ont pas de problème de pododermatites. Ici nous avons des IC de 1,75 quand, eux, atteignent 1,50. Il leur faut donc 250 kg d’aliment en moins pour produire une tonne de vif. C’est une consommation d’eau de 500 litres de moins pour produire cette tonne de vif. Sur un poulailler de 1 200 m2, cela représente une économie de 30 000 litres d’eau par lot, autant d’humidité qui ne se retrouve pas dans la litière, ce qui explique les pododermatites quasi inexistantes. »

Gagner en liberté

[caption id=”attachment_31601″ align=”alignright” width=”162″]didier-goubil Didier Goubil, président du pôle avicole de la Chambre d’agriculture de Bretagne[/caption]

C’est aux aviculteurs de se bouger pour que l’incorporation de céréales entières à un aliment complémentaire puisse se faire en Bretagne. Si nous attendons que les intégrateurs nous le proposent nous allons attendre encore longtemps. Utiliser ses céréales sur l’élevage est du bon sens lorsque l’on veut diminuer notre empreinte carbone. Les consommateurs et les GMS demanderont certainement un jour qu’une partie de l’aliment consommé par nos volailles provienne de nos exploitations. Si les contrats sont revus, nous pouvons même imaginer que ce qui est appliqué dans le Nord et en Belgique avec un prix de reprise des volailles indexé sur le cours du vif soit proposé aux aviculteurs bretons. Nous devons gagner en liberté. Didier Goubil, président du pôle avicole de la Chambre d’agriculture de Bretagne


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