Les abeilles font le buzz

Spécialisée dans la pollinisation, Osmia propose ses services aux agriculteurs. Grâce au succès de sa nouvelle levée de fonds, cette start-up ambitionne d’élargir son offre et de se développer en France et au-delà. Rencontre avec son président, Franck Mariambourg.

D’après une estimation des chercheurs de l’Inra, 35 % de la production mondiale de nourriture est issue de la pollinisation. C’est dire l’importance de cette dernière pour l’agriculture. Entomologue autodidacte, vrai passionné, Thibaut Dancette s’intéresse à cette question cruciale depuis de nombreuses années. Avec le concours d’agriculteurs de sa connaissance, il a notamment testé les aptitudes à la pollinisation de différentes populations d’insectes. Les résultats enregistrés l’ont convaincu du bien-fondé de son approche. Et conduit sur les voies de la création d’entreprise.

En quête d’un associé, il rencontre Franck Mariambourg, ancien cadre dirigeant ayant travaillé dans plusieurs grands groupes, en France comme à l’étranger. Entre le spécialiste des insectes et le diplômé d’HEC, le courant passe. « Nous avons deux profils très complémentaires. Et c’est un point qui rassure les financeurs ». La société Osmia voit le jour en avril 2014. Et, rapidement, elle prend son envol. Le mois dernier, sa deuxième levée de fonds a permis de réunir 1 million d’euros auprès de divers investisseurs dont le Crédit Mutuel Arkéa (lire par ailleurs). De quoi poursuivre le développement et envisager l’avenir avec sérénité. « Aujourd’hui, nous avons dépassé l’étape de “la preuve de concept”, explique Franck Mariambourg. Nous sommes désormais dans la phase où l’on mesure l’intérêt commercial de notre offre ».

[caption id=”attachment_30879″ align=”aligncenter” width=”720″]Dancette-mariambourg Thibaut Dancette et Franck Mariambourg se sont associés pour créer Osmia, start-up spécialisée dans la pollinisation.[/caption]

L’émergence maîtrisée de la start-up

Ce que propose Osmia aux agriculteurs, ce n’est pas un produit mais bien un service complet de pollinisation. « Notre prestation est facturée à l’hectare. Entre les mois de novembre et janvier, nous intervenons chez les clients afin de placer des abris et des nichoirs sur les parcelles à polliniser. Puis, dès les premières floraisons, nous apportons les insectes ».

La start-up est, en effet, capable de programmer, avec une marge de 6 heures, l’émergence des abeilles, ce moment où elles sortent de leur cocon. « Les espèces d’abeilles maçonnes que nous utilisons, osmia cornuta et osmia rufa, ont une durée de vie de six à huit semaines, précise Franck Mariambourg. Et durant cette période, elles vont se reproduire et polliniser ». Une fois fécondée par le mâle, la femelle va nicher dans une cavité. Au fond de celle-ci, elle dépose un œuf avec un peu de nectar et de pollen, puis referme la cellule avec un mur de glaise. Une opération que l’abeille répète jusqu’à l’entrée du trou. Après éclosion, la larve se nourrit des réserves présentes dans la cellule avant de tisser un cocon dans lequel elle va passer l’hiver.

Si, dans la nature, les abeilles maçonnes rubicoles affectionnent les tiges creuses pour abriter leur progéniture, elles apprécient tout autant les alvéoles mises à leur disposition par Osmia sur les cultures à polliniser. « Nous récupérons ensuite les nichoirs installés chez les clients afin d’extraire les cocons. Ils sont alors nettoyés, triés, sexés et stockés dans des conditions de température et d’hygrométrie parfaitement contrôlées. C’est ce qui nous permet de proposer un service “juste à temps” ».

[caption id=”attachment_30878″ align=”aligncenter” width=”720″]Pose-abris Les boîtes contenant les cocons dont les abeilles vont émerger sont placées dans la partie haute des nichoirs disposés sur les parcelles à polliniser.[/caption]

To bee or not to bee

Les arboriculteurs ont depuis bien longtemps compris l’intérêt d’une bonne pollinisation puisque celle-ci conditionne non seulement le rendement mais aussi la qualité des fruits produits. Nombre d’entre eux travaillent ainsi en collaboration avec des apiculteurs. Des expérimentations ont, par ailleurs, été menées avec des bourdons.

Pour se distinguer, Osmia mise sur les performances de ses auxiliaires. « L’abeille domestique est une généraliste. Elle butine une grande variété de fleurs. Osmia cornuta et osmia rufa sont, elles, spécialisées dans la famille des rosacées. Elles ne se dispersent pas, leur rayon d’action est de 50 à 100 mètres contre 3 kilomètres pour l’abeille domestique. Elles ne produisent pas de miel et sortent par des températures un peu plus faibles que l’abeille domestique qui, lorsque le thermomètre baisse, préfère rester dans sa ruche et vivre sur les réserves accumulées. Une différence de quelques degrés qui peut avoir de grosses conséquences ».

Sans compter que les espèces sélectionnées par Osmia possèdent un atout morphologique dont ne disposent pas leurs gourmandes consœurs : une brosse ventrale avec une forte pilosité. Une particularité au poil qui, par électrostatique, leur permet, lorsqu’elles se posent sur une fleur, de capter le pollen avec une efficacité de plus de 90 %. Soit un rendement plus de trois fois supérieur à la concurrence…

Si Osmia est aujourd’hui spécialisée dans l’arboriculture (pomme, poire, prune, abricot, amande…) et concentre son activité naissante – 1 000 hectares sous contrat – dans la moitié Sud de la France, la jeune pousse a pour objectif d’étendre rapidement ses services de pollinisation à d’autres cultures. Et de se développer sur de nouveaux bassins agricoles. Le « buzziness » des abeilles s’annonce prometteur !

[caption id=”attachment_30880″ align=”alignright” width=”183″]morgan-carval Responsable du fonds We Positive Invest.[/caption]

Un fonds attaché à la forme

Lancé par le Crédit Mutuel Arkéa à la rentrée 2017, le fonds d’investissement We Positive Invest est doté de 20 millions d’euros. Sa cible : les sociétés innovantes exerçant leur activité dans les domaines clés de la stratégie RSE du groupe coopératif et mutualiste, à savoir la transition énergétique, l’économie circulaire et l’entrepreneuriat sociétal.  « Il s’agit de capital risque, nous intervenons assez tôt dans la vie des entreprises, souligne Morgan Carval en charge du fonds au sein d’Arkéa Capital. Comme dans le cas d’Osmia, où nous avons investi 500 000 €, nous misons avant tout sur les équipes. Dans les phases précoces de la vie d’une start-up, lorsqu’il n’existe pas encore de validation commerciale du concept, des difficultés de toutes sortes peuvent apparaître : technique, marketing, logistique… Et ce sont la faculté d’écoute et la capacité de résilience des porteurs du projet qui vont permettre de surmonter ces écueils et de faire la différence. C’est pourquoi le facteur humain constitue un critère primordial dans les dossiers que nous accompagnons ».

En savoir plus : www.osmia.fr


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