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En chemin, les plantes content leur histoire

Le premier saisit l’image, le second tresse les mots. Jean-Yves Kerhoas et Hervé Guirriec sont deux vieilles connaissances qui composent autour d’une passion commune : les plantes sauvages des Monts d’Arrée.

Jean-Yves Kerhoas ne laisse jamais de répit aux plantes sauvages. Agriculteur, il les traquait avec son pulvérisateur. À la retraite depuis 7 ans, il les poursuit désormais avec un autre appareil : à photo cette fois. Avec un regard tout autre sur celles qu’il appelait jadis les mauvaises herbes. « En fait, il n’y a pas de vilaine plante », admet-t-il quand il les observe, épanouies et si singulières, sous l’objectif de son zoom 18 X 135.

L’ortie et le rumex font la paire

« Même l’ortie possède un certain charme », concède-t-il après avoir résisté pendant longtemps à l’insistance d’Hervé Guirriec pour qu’il cadre cette urticante. « Elle est aujourd’hui classée dans ma collection de plusieurs centaines – disons milliers –  de photos numériques ». Mais il est une plante à laquelle Jean-Yves Kerhoas n’est pas prêt à faire une place dans son album photo : le rumex. « Ah celle-là non. Je l’ai combattue pendant toute ma carrière ». Facétieux, Hervé Guirriec taquine le photographe en lui conjurant qu’il finira bien par dégainer. Tout est question de temps. Rumex et Patience ne forment-ils pas un couple indissociable ?

Les meilleures prises et surprises

Depuis l’hiver dernier, les deux complices, qui arpentent sans relâche les chemins et les landes de l’Arrée, ont décidé d’associer leurs compétences autour d’un livre consacré aux « Fleurs sauvages de Bretagne, du printemps à l’été ». Jean-Yves Kerhoas a sélectionné ses meilleures prises pour illustrer des histoires de plantes contées par Hervé Guirriec. « On retient bien mieux le nom des plantes par une anecdote, une légendes ou un fait historique que par des cours de botanique en salle de classe », assure celui qui a passé l’essentiel de sa carrière au lycée agricole du Nivot.

On retient bien mieux le nom des plantes par une anecdote, une légende.

Cette méthode d’acquisition captivante et empreinte d’humour est en effet implacable, comme l’illustre l’exemple du ficaire appelé populairement « couilles de l’évêque », en allusion à l’enveloppe ratatinée qui contient les graines de la plante. Prenons à présent un peu de hauteur avec une autre plante sauvage, le fusain autrement connu sous le nom de « bonnet du curé », en référence cette fois aux quatre cornes du couvre-chef ecclésiastique. Si ces historiettes n’ont pas besoin d’être consignées dans un livre pour être mémorisées, Hervé Guirriec a également fouillé la littérature et les archives pour raconter une histoire propre aux 65 plantes qui composent ce livre consacré aux fleurs sauvages de l’Arrée.

Cueillir l’histoire des plantes

Ce livre ne se lit pas. On y cueille l’histoire des plantes au fil des pages que l’on feuillette avec force d’aller-retour comme pérégrinent les deux compères lors de leurs sorties botaniques. C’est ainsi que l’on marque une halte à « la fabrique des centenaires », titre prometteur qui introduit la fumeterre. Mais pourquoi donc une telle dénomination? « Parce que dans la médecine des simples, la fumeterre, au même titre que l’angélique et le frêne, avait la réputation de rendre centenaire ». D’autres lecteurs lui préféreront peut-être le sobriquet de « herbe à la veuve », hérité de la propension de son suc à faire larmoyer les yeux les plus secs. L’histoire ne dit pas si la veuve qui feignait la tristesse à la mort de son mari consommait ensuite à pleine platée la fumeterre qui lui promettait une seconde vie de bonheur jusqu’à ses cent ans…

Symbole de la fidélité

Le rossignol, un des rares oiseaux, avec le merle, à chanter la nuit, le doit au chèvrefeuille selon une légende : une nuit, le rossignol se reposait sur une branche où grimpait, en s’entortillant, un chèvrefeuille. Dans son tour de spirale, le chèvrefeuille lui enlace une patte et le retient captif. À son réveil, le rossignol se mit à crier au secours et finit par dégager sa patte étreinte. C’est depuis ce temps-là, dit la légende, qu’il chante toute la nuit pour se tenir éveillé afin de n’être pas repris dans quelque piège.

Qui imagine flore des Monts d’Arrée pense forcément terre de bruyère. « Le soir approchait, le soleil déclinait, le ciel était magnifique. Je regardais les collines du bout de la plaine qu’une immense bruyère recouvrait à moitié comme un camail d’évêque ». Cette contemplation de Victor Hugo n’évoque pas les teintes violettes des landes bretonnes sous un coucher de soleil de septembre. Qu’importe. Cet éloge à la plante aux petites clochettes, qui a revendiqué le statut de fleur symbolique de Bretagne, se dépose comme un calque sur les collines de l’Arrée, terre à la fois ingrate et si généreuse en couleurs. Dans L’adieu, Apollinaire élève même la bruyère au rang de plante de l’éternité : « Odeur du temps, brin de bruyère. Et souviens-toi que je t’attends. »

[caption id=”attachment_6439″ align=”aligncenter” width=”300″]Sur le chemin botanique, les plantes sont identifiées sur des planches de mélèze. Sur le chemin botanique, les plantes sont identifiées sur des planches de mélèze.[/caption]

Un livre ouvert sur la nature

À Pleyben, c’est un autre livre, ouvert sur la nature celui-là, qu’a écrit Jean-Yves Kerhoas sur le circuit de randonnée de La Trinité. Soixante panneaux gravés dans des planches de mélèze vernis – une autre passion de l’ancien agriculteur – ponctuent un sentier botanique qui plonge dans la verte vallée de La Douffine. Un circuit verdoyant à consommer sans modération, comme ces nombrils de Vénus, dédiés à la déesse de l’amour, que vous croiserez certainement et qui sont, paraît-il, délicieux comme un péché autorisé. Didier Le Du

Fleurs sauvages en Bretagne, du printemps à l’été : 12,90 €
http://www.locus-solus.fr


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