mouches vache - Illustration La chasse aux mouches est ouverte

La chasse aux mouches est ouverte

Si en Afrique, une entreprise a été primée il y a quelques mois pour l’élevage de larves de mouches destinées à l’alimentation animale, le développement des mouches dans les bâtiments d’élevages bretons avec l’augmentation des températures au printemps est plutôt subi… Plusieurs espèces de mouches se développent. Musca domestica, ou la mouche domestique, est généralement l’espèce dominante. La lutte est d’autant plus difficile lorsque les interventions sont tardives. La gestion de ces insectes est importante aussi bien pour le bien-être de l’animal, pour des raisons d’hygiène et sanitaire, mais aussi pour le confort de l’éleveur et des résidents à proximité des bâtiments d’élevage. Un dernier point à ne pas prendre à la légère. Dans un environnement où les voisins sont de plus en plus périurbains, près de 4 à 5 procès sont engagés chaque année sur cette problématique dans l’hexagone, dont l’issue est rarement favorable aux éleveurs.

[nextpage title=”Lutter en priorité contre les larves”]

Lutter efficacement contre les mouches nécessite d’intervenir avant l’apparition de l’adulte, et donc de s’attaquer aux œufs, larves et pupes. Rappels du cycle de développement de la mouche.

La mouche peut se disperser sur des distances allant jusque 8 km de son lieu d’émergence. Mais, la présence de haies d’arbres, type bocage, aux environs des bâtiments, limite leur progression dans l’environnement et 90 % des mouches présentes dans un élevage sont nées dans cet élevage.

Une importante capacité de reproduction

L’adulte a une durée de vie très variable selon la température : de 51 jours (16 °C) à 8 jours (35 °C). Durant sa vie éphémère, une mouche peut pondre, entre 600 et 2 000 œufs, de couleur blanche et de forme allongée et ovale. Le cycle de développement s’articule en différentes étapes et transformations. Si la mouche pond partout, les larves et pupes exigent des conditions spécifiques pour se développer.

Cycle de développement de 21 jours

cycle-developpement-moucheSous un à deux jours, l’œuf éclot et donne une larve ou asticot, très vorace, qui mue plusieurs fois, pendant 9 à 10 jours. Les trois phases larvaires représentent la moitié de l’existence de l’insecte. La larve possède des capteurs sensoriels permettant de percevoir son environnement (odeur, température, humidité, composants chimiques et lumière) et de se déplacer vers les sites plus favorables à sa survie : sous les abreuvoirs, au milieu de la litière… Peu de temps après, les asticots s’immobilisent dans des endroits secs (le long des murs, au pied des poteaux…) et prennent la forme d’un petit tonneau, appelé pupe, dont la peau brunit et s’épaissit. À l’intérieur de la pupe, de grands changements se produisent : une nymphe se métamorphose petit à petit. Une dizaine de jours plus tard, le sommet de la pupe se déchire et une mouche adulte (encore appelée imago) naît. Mais plus il fait chaud et humide, plus le cycle est rapide. L’ensemble du cycle de développement peut ainsi se dérouler en 8 à 12 jours au cours de l’été, de la ponte de l’œuf à la mouche adulte.

Des stratégies complémentaires

Les traitements insecticides contre les adultes ne permettent pas de réduire significativement les adultes pour les ramener à un seuil acceptable, car on détruit les mouches qui ont déjà pondu et donc assuré leur descendance. Il faut associer plusieurs techniques de lutte contre tous les stades de développement de l’insecte.
À court terme, les traitements chimiques (larvicides et adulticides) doivent être ciblés : ils ne doivent pas attendre que la mouche soit gênante pour être réalisés. Il est possible d’intervenir en suivant la population à l’aide de récipients avec appâts sexuels, de feuilles collantes ou fils englués. Dès que la population commence à croître dans ces pièges, le traitement doit être immédiat. La phytothérapie avec des insecticides à base d’huiles essentielles (en atelier viande) ou à base de pyrèthre ou roténone naturels, a une action limitée sur adultes, avec une rémanence faible. La lutte biologique par le développement d’auxiliaires de culture, non gênants pour le confort des animaux, qui se nourrissent des larves de mouches domestiques doit être précoce pour être efficace.
Sur le long terme, la prévention reste le meilleur moyen de lutte. Elle se base sur une maîtrise de l’hygiène générale du bâtiment d’élevage et de son environnement. Des outils mécaniques limitent aussi la présence des mouches autour des animaux et des lieux de travail (rideaux, brasseurs d’air, brumisateurs, lampes grille-mouche en bâtiments sombres et fromageries…). Carole David

[nextpage title=”Ouvrir l’œil quand la vache pleure”]

Au propre comme au figuré, le Dr Alexandra Senkowski, membre des GTV de Bretagne, conseille aux éleveurs d’ouvrir l’œil et le bon concernant les problèmes oculaires. Au regard de son expérience, elle met notamment en garde contre la kératite en été.

[caption id=”attachment_714″ align=”aligncenter” width=”296″]Alexandra-Senkowski-GTV-bretagne Dr Alexandra Senkowski, GTV de Bretagne[/caption]

Ça commence par un œil qui pleure et ça peut aller jusqu’à la perte de la vision… La kératoconjonctivite infectieuse bovine est une maladie causée par Moraxella bovis, une bactérie transmise par les mouches.

« Des cas plus nombreux et plus graves »

Une pathologie relativement répandue selon le Dr Alexandra Senkowski, vétérinaire en Bretagne : « Dès que la saison des mouches commence, à partir d’avril, nous sommes régulièrement appelés pour soigner des kératites. L’année dernière, dans ma clientèle, 10 à 15 % d’un troupeau ont été touchés. L’éleveur n’en pouvait plus… » La vétérinaire enfonce le clou : « J’ai même l’impression qu’on observe de plus en plus de cas, et de plus en plus graves avec des formes ulcératives agressives. » Il existe dans la nature plusieurs souches bactériennes, « plus ou moins pathogènes. » Parfois, des symptômes atténués sont observés. Mais, pour des germes « agressifs », les lésions sont plus graves et peuvent s’accompagner de dégâts collatéraux importants : « Perte d’appétit et de production. Voire perte de vision. » La vétérinaire regrette notamment que beaucoup  sous-estiment le côté « très douloureux » du problème : « Imaginez ce qu’on ressent si on se plante quelque chose dans l’œil. »

[caption id=”attachment_709″ align=”aligncenter” width=”225″]oeil-vache-pleure Un bovin qui pleure doit attirer l’attention. Ouvrez son œil pour en retirer le corps étranger. S’il n’y a rien, un début de kératite peut être soupçonné.[/caption]

L’œil qui pleure doit mettre la puce à l’oreille

La maladie évolue par phases. « D’abord, l’animal pleure mais le globe oculaire ne présente aucune lésion. » Quand l’éleveur observe ces larmes, « le 1er réflexe doit être de regarder s’il y a quelque chose dans l’œil, un morceau de paille par exemple. » Dans ce cas, retirer le corps étranger. « Si on ne trouve rien mais que l’œil pleure, il est primordial d’en discuter avec son vétérinaire et commencer un traitement local. » Parallèlement, la surveillance du lot et le recours « à un traitement anti-mouche, animal par animal », sont nécessaires « pour éviter que l’insecte porteur ne contamine le cheptel. » Les boucles auriculaires offrent aussi une « bonne protection pouvant durer jusqu’à 4 mois. »

Isoler les bovins qui souffrent des yeux

Dans le cas d’une kératite en phase ulcérative, la douleur est très importante et la vision atteinte. Le bovin se déplace la tête penchée. Déstabilisé, il peut défoncer les clôtures. Au champ, une génisse touchée peut paniquer, ce qui pose un vrai problème de sécurité… Dans tous les cas, quand une vache présente un problème oculaire, il faut l’isoler dans un bâtiment sombre. D’autant que la kératite engendre de la photophobie, une aversion à la lumière qui fait souffrir. De plus, cette quarantaine limite les risques de contagion.

La chirurgie pour soigner la kératite

Depuis quelques années, le Dr Alexandra Senkowski soigne parfois les cas graves de kératite par chirurgie. Elle veut rassurer les éleveurs : l’opération, impressionnante à première vue, donne de bons résultats. « Alternative au traitement local, la tarso est un acte chirurgical consistant à tirer l’angle de la 3e paupière pour la suturer à la paupière du haut, comme un rideau qu’on tire sur l’œil. » Ce dernier reste ainsi fermé quelques jours. Pour la praticienne, cette méthode thérapeutique comporte plusieurs intérêts : « C’est favorable à la cicatrisation ; cela limite la douleur liée, entre autres, à l’exposition à la lumière et cela réduit les risques de surinfection et l’exophtalmie, c’est-à-dire la sortie de l’œil œdémateux de son orbite… »
« Généralement, les éleveurs n’aiment pas traiter l’œil alors, la première fois, quand je leur propose cette solution, ils sont un peu réticents. Mais parfois, c’est cela ou perdre l’œil. Ensuite, même si c’est impressionnant, les producteurs embêtés par la kératite sont convaincus car c’est très efficace. »
Le plus long, c’est la préparation : « La contention d’abord puis l’anesthésie locale. Quand la malade est vive, on peut pratiquer une tranquillisation par voie générale. » Après, l’opération est rapide. « Un peu comme deux points de suture. » Ensuite, la paupière est supposée rester close 12 jours. « Mais la vache a souvent envie de se gratter et quand la lésion commence à cicatriser, elle essaie d’ouvrir l’œil. Notre astuce est donc d’utiliser un petit morceau de tubulure de perfusion pour assurer la solidité au moment de nouer le fil chirurgical… » Pour autant, le recours à la tarso qui donne de bons résultats ne dispense en aucun cas « d’un traitement antibiotique par voie générale et d’antidouleurs. »

Gérer médicalement la douleur

Le traitement local démarré, « une amélioration dans les 48 heures est attendue. » Car si l’œil continue de pleurer, la pathologie risque de s’aggraver : « Il devient rouge et un voile blanc apparaît. Puis une observation attentive permet d’apercevoir la formation d’une lésion centrifuge », c’est-à-dire un trou qui progresse vers les bords. Ainsi va le cheminement de la maladie : « Conjonctivite puis kératite puis ulcère. » À ce dernier stade, le bovin souffre fortement et « présente parfois de la fièvre ». Ces complications s’accompagnent « de problèmes concomitants liés à l’animal qui ne mange pas. Il y a, à terme, un risque de perte de la vision. Et puis n’oublions pas que derrière un œil, il y a un cerveau… » Là, en plus d’une médication locale, « la prescription d’un traitement antibiotique par voie générale et d’antidouleurs est impérative. »  Enfin, la praticienne met en garde contre « une grave erreur » qui a parfois été commise dans les campagnes : « L’utilisation de corticoïdes sur les départs de phases ulcératives. » D’où l’importance de prendre les choses au sérieux et d’échanger régulièrement avec son vétérinaire. Toma Dagorn

[nextpage title=”Les mouches, vecteurs de germes”]

Les insectes, et plus particulièrement les mouches ou les moucherons, sont un élément de transmission de germes pathogènes dans les élevages qu’il ne faut pas négliger.

Outre les aspects de nervosité et de nuisance engendrés aux animaux, pouvant engendrer des diminutions de production, les mouches sont aussi vecteurs de maladies ou hôtes intermédiaires de virus, bactéries ou parasites sur toutes les espèces.

[caption id=”attachment_716″ align=”aligncenter” width=”248″]oeil-vache-mouche « C’est une utopie de croire que les contaminations sont uniquement en extérieur. Des conditions d’ambiance en bâtiment peuvent faciliter la survie et le développement des insectes, vecteurs de germes », précise Grégoire Kuntz, vétérinaire conseil au GDS Bretagne.[/caption]

La kérato-conjonctivite infectieuse des bovins

On peut par exemple citer la mouche d’automne appelée Musca autumnalis, porteur du germe Moraxella bovis, vecteur de la kérato-conjonctivite infectieuse des bovins. La mouche transfère la bactérie d’un œil à un autre, sur divers animaux. « Le premier symptôme visible est un petit point blanc sur la cornée, en général sur des animaux au pâturage, à la belle saison. La maladie n’est pas symétrique : les deux yeux ne sont pas forcément atteints en même temps », décrit Grégoire Kuntz, vétérinaire conseil à GDS Bretagne. Sans intervention, la propagation de la maladie peut être rapide. Il convient donc de surveiller régulièrement les animaux et particulièrement les lots de vaches taries, génisses ou de vaches allaitantes, lors des périodes à risque.

[caption id=”attachment_717″ align=”aligncenter” width=”292″]Grégoire Kuntz, Vétérinaire au GDS Bretagne Grégoire Kuntz, Vétérinaire au GDS Bretagne[/caption]

Les mammites d’été

Les mouches transportent aussi des germes sur les mamelles (Streptococcus et Staphylococcus) dans des contextes particuliers, qui peuvent être à l’origine de mammites. « Une autre bactérie, peu fréquente, Arcanobacterium pyogenes, provoque des abcès dans la mamelle, avec un ou plusieurs quartiers condamnés », annonce le vétérinaire. Cette mammite sévère dite « d’été » survient généralement en juillet, août et septembre. L’infection est véhiculée par des mouches telles que Hydrotaea irritans qui se posent sur les trayons et transmettent le germe aux quartiers. Les plaies sur les quartiers ou les trayons constituent un facteur favorisant.

Des maladies vectorielles par d’autres insectes

Les moucherons ont fait parler d’eux ces dernières années avec la fièvre catarrhale ovine (FCO), maladie virale transmise par des insectes du type Culicoides. Même si le mode de circulation du virus de Schmallenberg est différent, c’est encore un moucheron qui est vecteur de cette maladie, arrivée en Europe depuis 2011, provoquant des animaux mal formés à la naissance, de l’hyperthermie et une chute de production… « Et c’est une utopie de croire que les contaminations sont uniquement en extérieur. Des conditions d’ambiance en bâtiment peuvent faciliter la survie et le développement de ces insectes », précise Grégoire Kuntz. Car toute eau stagnante est un réservoir où les moucherons viennent pondre. Des essais avec des filets imprégnés d’insecticides, l’usage d’huiles essentielles en tant que répulsif… sont en cours pour limiter ces invasions dans les élevages.
Les taons sont aussi suspectés d’être vecteurs de fièvre Q, d’ehrlichiose, mais ils restent des modes de contamination secondaires.
Enfin, « on peut citer la besnoitiose, maladie parasitaire émergente, qui affecte les bovins », indique le vétérinaire. Il s’agit d’une maladie transmissible via des insectes piqueurs se nourrissant de sang, essentiellement les taons, ou des mouches piqueuses, ou bien via un vecteur passif comme une aiguille sur un animal contaminé. Au bout de plusieurs mois, la peau devient plissée et épaissie (« peau d’éléphant »). Les risques résident lors de l’achat d’animaux porteurs sains.



Soigner les plaies

Aussi, toutes les plaies non entretenues sont des portes d’entrée à d’éventuelles contaminations par des bactéries véhiculées par des mouches. L’écornage des adultes aussi est à éviter sur la période où les mouches sont présentes « pour limiter les risques de sinusite », conseille le vétérinaire. Le respect des règles d’hygiène, pour limiter la population de mouches, et l’efficacité des moyens de lutte mis en place constituent une assurance pour prévenir de ces maladies.
 Carole David

[nextpage title=”La brumisation installée sur le robot éloigne les mouches”]

Chez Stéphane Quémeneur, à Guipronvel (29), les mouches sont éloignées du robot grâce à la brumisation. Ce système fonctionne également dans les salles de traite ou dans les aires d’attente.

 

[caption id=”attachment_719″ align=”aligncenter” width=”300″]Stephane-Quemeneur-Guipronvel Grâce à la brumisation, Stéphane Quémeneur a réglé le problème des mouches pendant la traite. Les vaches sont beaucoup plus calmes et reviennent plus facilement au robot la journée.[/caption]

« Les vaches étaient énervées, le robot affichait de nombreux échecs de traite, avec des manchons qui ne se branchaient pas, des tuyaux déboîtés… », explique Stéphane Quémeneur, éleveur laitier, à Guipronvel. Chaque année, les mouches reviennent en masse sur son exploitation. Pour lutter contre ce fléau, problématique surtout de juin à octobre, il a mis en place un système de brumisation sur son robot de traite il y a trois ans (commercialisé par la société Le Roux, de Ploudaniel).

Premier robot il y a six ans

Installé en 1996, Stéphane Quémeneur commercialise aujourd’hui 660 000 L de lait et emploie une salariée sur son exploitation. Le producteur s’est équipé d’un premier robot de traite il y a un peu plus de six ans, renouvelé il y a trois ans. Il dispose également sur l’exploitation d’un robot repousse-fourrages et d’un racleur automatique. « Quand j’avais une salle de traite auparavant, les mouches rendaient la traite extrêmement énervante, pour moi et les animaux. Le temps passé était beaucoup plus long… », témoigne l’éleveur, satisfait de son système actuel.

Beaucoup moins d’alarmes

Six buses placées de chaque côté du robot pulvérisent des micro-gouttelettes sur l’animal, surtout vers le dessous. Le brouillard instantané et le rafraîchissement font fuir les mouches. « Aujourd’hui, les alarmes sont beaucoup moins nombreuses sur le robot et la fréquentation des vaches est plus régulière sur la journée. Avec les mouches, les vaches avaient tendance à venir se faire traire la nuit. » Une homogénéisation bienvenue sur l’élevage qui trait environ 70 VL.

« Auparavant, j’avais essayé de mettre en place un système de brumisation que j’avais moi-même bricolé, mais il apportait trop d’humidité… », précise l’éleveur. Équipé d’une pompe haute pression et de buses de très petite section, le système Le Roux pulvérise de très faibles quantités d’eau, créant des gouttelettes très fines. « Composé de filtres, de la pompe, de tuyaux et de buses, l’équipement est très simple à installer. Il suffit d’une prise électrique et d’une arrivée d’eau », explique Stéphane Quémeneur qui l’a lui-même mis en place.

[caption id=”attachment_720″ align=”aligncenter” width=”300″]brumisation-pattes-bovin Le producteur privilégie une brumisation au niveau des pattes.[/caption]

Une temporisation est intégrée au système. « Je l’ai réglée sur une durée de 5 secondes toutes les minutes. La brumisation fonctionne la journée de 9 h 30 à 19 h 30, quand il y a des mouches. »
Avant la mise en place de la brumisation, le producteur traitait les vaches une à deux fois par an avec un insecticide. « Ça limitait les mouches, mais elles revenaient. Et cela représente un coût… Aujourd’hui, en plus de la brumisation, j’applique un larvicide dans la préfosse du robot. Cela permet de réguler un peu. » Agnès Cussonneau

[nextpage title=”Contrôle des mouches au pâturage”]

Illusoire d’espérer éliminer toutes les mouches au pâturage. Outre l’arsenal chimique, des pistes trop peu explorées pour atténuer l’invasion existent. Petit tour d’horizon.

La solution la plus simple pour abaisser la pression des mouches au pâturage consiste à utiliser les produits insecticides Pour-on. Une dose déposée sur le dos en partant de la pointe de l’épaule, et voilà le bovin (et l’éleveur) tranquille pour 4 à 6 semaines. Théoriquement car certains diptères sont plus coriaces que d’autres. Et le cycle très court des insectes par temps chaud envoie de nouveaux bataillons de mouches chaque jour d’été. Interrogés, des éleveurs disent renouveler le traitement au bout de 3 semaines. Sans perdre de vue que pour ce type de traitement Pour-on le délai d’interdiction de commercialisation de la viande court sur 18 jours.

Effet sur les insectes utiles

Le revers de cette lutte chimique c’est que, par cascade, les autres insectes présents dans les champs sont détruits : comme les abeilles sensibles, entre autres, au pyréthrinoïdes. Sans oublier l’effet sur les bousiers qui périssent en ingurgitant des résidus d’insecticide présents dans les bouses des animaux traités ; pour certains produits, la rémanence est de 20 semaines.
Dans ces conditions, les coléoptères coprophages qui participent activement à la dégradation des bouses ne contribuent plus au contrôle des mouches en détruisant leur gîte larvaire que sont les bouses. À noter qu’un coléoptère peut consommer plusieurs dizaines d’œufs ou de larves par jour. Des acariens, des nématodes, participent également à cette lutte naturelle contre les mouches. À l’image des plantes compagnes qui permettent à d’autres plantes de mieux pousser, il est donc intéressant d’encourager la diversité des populations naturelles d’insectes.

vache-langue-mouchesLes animaux chétifs plus sensibles

Cette activité des insectes auxiliaires est par ailleurs favorisée dans les sols bien structurés ; des sols bien fertilisés et amendés favorables au développement des cultures. Des chercheurs ont également montré que le pâturage rotatif participe à contenir l’explosion du nombre de mouches ; sans doute, expliquent-ils, en perturbant le cycle des insectes qui ne trouvent pas l’animal hôte au bon moment. Tout comme la pratique de l’ébousage, particulièrement en période sèche et chaude, disperse et expose au soleil assassin les œufs de mouches présents dans les bouses.
De même, tout éleveur bon observateur a également remarqué que les mouches s’attaquent préférentiellement aux animaux chétifs ou affaiblis. Autrement dit, les animaux bien nourris et en bonne santé sont moins sujets aux mouches. Reste que l’année climatique peut être favorable à l’explosion des colonies de mouches. Dans ce cas, le recours à l’arsenal chimique s’avère bien souvent incontournable.

Quelques conseils et astuces

À expérimenter :

  • Placer des pièges aux endroits où le bétail circule : entrée de champ, près des abreuvoirs.
  • Diluer de l’huile essentielle de lavande dans du savon neutre et de l’eau : pulvériser la solution sur le dos de l’animal.
  • Décoction de feuilles de noyer : 2 poignées de feuilles dans 2 litres d’eau. Laisser bouillir 15 mn. Pulvériser sur l’animal.

Des boucles auriculaires insecticides :

Une boucle auriculaire imprégnée d’insecticide (Cyperméthrine) et voilà l’animal tranquille pour 5 mois, dit le fabricant. Avec ce principe simple : « Le produit fragilise le plastique qui libère progressivement la matière active ». Condition d’efficacité rappelée par les prescripteurs : « Il faut placer une boucle sur l’oreille de tous les animaux du troupeau car c’est le frottement des animaux les uns contre les autres qui assure la diffusion du produit sur les congénères ». Bref, une vache seule avec sa boucle d’insecticide, c’est effet zéro.
Reste le prix du traitement : plus de 7 €/animal. Ce qui conduit les éleveurs à oublier volontairement une partie des animaux pour abaisser la facture. Ainsi André Riou, éleveur à Guiclan (29), avait bouclé un animal sur 4 en 2013. « Avec de bons résultats notamment dans les prairies permanentes où les mouches piqueuses sont un vrai problème. Nous avions posé les boucles en juin et avons été tranquilles tout l’été. En 2014, nous n’avons pas traité car les mouches étaient moins présentes ».

Effet des huiles essentielles

Certaines huiles essentielles de plantes ont une activité biologique importante contre les insectes. Trois essais menés sur bovins au Centre de recherche en production laitière biologique de l’Université de Guelph (Canada) ont montré que les huiles essentielles de basilic, géranium, lavande, citronnelle, menthe poivrée, pin, diluées dans de l’huile de tournesol biologique à une concentration de 5 % et appliquées sur le flanc permettent de repousser 75 % des mouches sur les zones traitées. Le géranium, la citronnelle et la menthe poivrée sont restés efficaces jusqu’à 24 h après application. Ce qui reste tout de même court… Les recherches futures devraient porter sur les effets à long terme des traitements aux huiles essentielles. D. Le Du

[nextpage title=”Lutter contre les mouches et moucherons en porc”]

Paul Boedec, éleveur de porc à Landrevarzec (29), utilise des larvicides et adulticides chimiques, combinés à des actions préventives et curatives mécaniques pour lutter contre les insectes en élevage porcin.

« En production porcine, on est confronté à deux problèmes. Si la mouche est surtout présente en post-sevrage et engraissement, le moucheron est aussi un fléau en maternité, où ce dernier se développe sur des lisiers plus humides », présente Paul Boedec, producteur à Landrévarzec (29). Aussi, pour lutter contre ces deux insectes, la SCEA de Ligen allie traitements mécaniques et chimiques, « car les mouches étant des vecteurs de microbes, dès qu’on en voit, on intervient », décrit l’éleveur qui rêve d’un seuil de tolérance zéro face à ces indésirables.

Vidange des préfosses 2 fois par an

Les bonnes pratiques d’hygiène sont un prérequis pour une lutte efficace contre les mouches. « Pour cela, outre ses avantages sanitaires, le lavage à la lance incendie des préfosses est réalisé deux fois par an, en tant qu’action préventive contre la mouche domestique », décrit l’agriculteur. En maternité, les lavages sont plus fréquents. L’objectif est d’éviter la formation de croûtes dans les préfosses, lieu de dépôt des œufs de la mouche domestique. « Travaillant avec du maïs humide, on retrouve plus de résidus dans le lisier. Le risque de formation de croûte est donc plus important, cette pratique nous impose d’être plus vigilants. »

Du Neporex en granulé, contenant de la cyromazine comme matière active, est ensuite déposé sur les caillebotis. Ce régulateur de croissance agit comme un larvicide en interrompant la mue des larves. Avec une longue rémanence, le produit est renouvelé toutes les six semaines. Les applications commencent après épandage du lisier sur les parcelles de maïs. 
Des granulés adulticides sont aussi présents, au bord des fenêtres. « Mais l’efficacité est moins visible, car on intervient après la ponte », ajoute l’éleveur.

[caption id=”attachment_724″ align=”aligncenter” width=”300″]Paul-Boedec-desinsectiseur-electrique Paul Boedec installe deux désinsectiseurs électriques d’insectes volants sont installés dans les salles de maternité, pour limiter le stress des truies.[/caption]

Des désinsectiseurs électriques en maternité

Des destructeurs d’insectes DEIV (désinsectiseurs électriques d’insectes volants) sont installés dans les endroits stratégiques, en particulier en maternité et jusque dans la maison d’habitation. Efficaces et mobiles, deux appareils sont placés par salle de 40 truies. « Un outil efficace, car depuis la rénovation des bâtiments, les mouches semblent plus nombreuses dans les bâtiments plus éclairés, aux murs blancs. » Ces prochaines semaines, un suivi particulier va être mis en place sur les premiers lots sur paille, en gestante et quarantaine, où du larvicide a été déposé sous la paille, après désinfection du bâtiment.

 Carole David

[nextpage title=”Un protocole de lutte qui fait mouche”]

En appliquant le protocole de lutte contre les mouches en élevage de pondeuses testé par le GDS et un Laboratoire fabricant d’insecticides, le Gaec de kerguinerrien, à Lanrodec (22), n’a plus de mouches dans les poulaillers. Les œufs ne sont plus déclassés et le coût de la lutte a été divisé par deux.

« Il y a une dizaine d’années, nous avons contacté Félix Mahé du GDS (Groupement de défense sanitaire) pour nous aider à résoudre un problème récurrent de mouches sur notre élevage de pondeuses plein air », raconte Jean-Pierre Le Roux, salarié sur la partie avicole du Gaec de Kerguinerrien, à Lanrodec (22). Les mouches n’ont pas vraiment d’incidences sur le comportement des volailles. Par contre, elles se nichent sous les pondoirs et souillent les œufs avec leurs excréments. « On atteint très vite 10 à 15 % de la ponte qui est déclassée à cause de ces salissures », estime Jean-Pierre Le Roux. Lorsque la population est importante dans le poulailler, cela devient particulièrement désagréable pour l’éleveur. Cela peut aussi causer des gênes chez les riverains habitant à proximité de l’élevage.

[caption id=”attachment_726″ align=”aligncenter” width=”300″]Jean-Pierre-Le-Roux-Felix-Mahe-GDS-Bretagne Jean-Pierre Le Roux, salarié de l’atelier pondeuses du Gaec et Félix Mahé, GDS Bretagne[/caption]

Traiter avant de voir des mouches dans le poulailler

« Avant, je traitais lorsque je commençais à voir des mouches. Il fallait alors intervenir en combinant un adulticide à un larvicide et traiter 6 à 7 fois », confie le salarié de l’élevage. Et Félix Mahé du GDS, d’ajouter : « Si on voit les mouches c’est qu’il est déjà trop tard et que leur élimination va prendre un certains temps. Il faut environ trois semaines pour commencer à maîtriser les populations de larves et d’adultes. On sait que le traitement a échoué lorsque l’on trouve des pupes rouges dans les fientes. De cette pupe sortira une mouche quoi que l’on fasse. »  Les problèmes sont apparus en 2003 lorsque le larvicide qui était incorporé à l’aliment des pondeuses a perdu son autorisation de mise sur le marché (AMM)

Les mouches aiment se nicher sous les pondoirs et souillent les œufs avec leurs excréments.

« Les éleveurs se sont alors trouvés désarmés pour lutter contre les mouches. » Le protocole d’un laboratoire (1) a été testé par le GDS en 2005, Jean-Pierre Le Roux devait alors appliquer tous les mois un adulticide sur les parois du bâtiment et un larvicide sur les caillebotis. Des pièges étaient disposés dans le poulailler pour pouvoir surveiller l’évolution de la population de mouches. « À la fin du premier mois, le niveau de mouches était très bas, on avait donc trouvé la méthode. En mai, on comptait plus de 400 mouches sur le piège. Pour le mois de juillet, ce chiffre était tombé à 40. L’objectif est de toujours rester en dessous des 50 ; au-dessus il faut traiter. »

[caption id=”attachment_725″ align=”aligncenter” width=”300″]mouche-pupe-rouge On sait que le traitement a échoué lorsque l’on trouve des pupes rouges dans les fientes.[/caption]

Un coût de traitement divisé par deux

Cela fait maintenant 10 ans que Jean-Pierre Le Roux suit le protocole et cela fait mouche à tous les coups. « Cette année, j’ai traité début avril. Dès que les températures commencent à remonter, je me méfie. Je regarde alors tous les jours dans la fosse et dès que j’y vois quelques mouches, je traite les bâtiments. » La méthode est la même qu’au début : il applique un adulticide sur les parois du poulailler et le plafond puis il traite les fientes à travers les caillebotis avec un larvicide. « La rémanence de ces produits est de deux mois, il faudra donc traiter à nouveau début juin puis début septembre », témoigne l’éleveur.

Depuis que le salarié du Gaec suit ce protocole, le coût de cette lutte contre les mouches a été divisé par deux : « Je suis passé de 0,15 € par poule il y a 10 ans à 0,07 € par poule aujourd’hui. » Le traitement reste indispensable car la présence de fientes humides dans le bâtiment crée un environnement idéal au développement des mouches. « Le conseil à donner est de s’y prendre très tôt avant que les mouches ne s’installent. Nous avons parlé de ce mode de lutte chimique car c’est le plus simple et le moins coûteux. Il est bon de préciser que les éleveurs en bio luttent contre les mouches avec des prédateurs comme la mouche tueuse ou la mini-guêpe », conclut Félix Mahé. Nicolas Goualan

(1) Laboratoire Bayer santé animale – Saint-Avé (56)

[nextpage title=”Réguler deux populations de mouches”]

La lutte biologique avec la mouche tueuse repose sur un apport régulier du prédateur qui assure le développement de ses œufs au détriment de ceux de la mouche domestique.

[caption id=”attachment_728″ align=”aligncenter” width=”300″]Fernande-Guillomon-lutte-mouche Fernande Guillomon, à Domloup (35), pratique la lutte biologique depuis 15 ans pour limiter l’usage des insecticides et éviter de sélectionner des mouches domestiques résistantes.[/caption]

Au Gaec Guillomon, à Domloup (35), si les chèvres laitières et les brebis viande ont une place de choix, on y élève aussi des mouches depuis 15 ans. Mais pas n’importe lesquelles : il s’agit de Ophyra aenescens, encore appelée la mouche tueuse pour lutter contre la mouche domestique. Sa particularité ? Chaque larve de cette mouche pouvant tuer en moyenne 60 asticots de la mouche domestique, d’où son nom commercial X60, se révèle être un larvicide biologique efficace. « On n’est jamais sans mouche dans les bâtiments d’élevage », précise Fernande Guillomon. Et elle insiste : « Mais il n’y a jamais de pics d’invasion de mouches domestiques qui nécessiterait de déclencher un autre traitement. » C’est un système qui repose sur la régulation de ces deux populations de mouches, les larves de l’une étant prédatrices des asticots de la mouche nuisible.

Apporter régulièrement des mouches tueuses

Avec l’augmentation des températures, les mouches domestiques vont arriver. Aussi, les mouches tueuses sont déjà dans l’élevage sous forme d’asticots prêts à puper. Discrètes, elles le sont toujours. Durant deux semaines, elles ont poursuivi leur transformation sous forme de pupe, dans une pièce chaude, à température stable. Depuis quelques jours, juste avant l’éclosion, quand la pupe est devenue plus noire, les 10 boîtes qui contiennent chacune 3 000 pupes ont été disposées dans les différents bâtiments, en hauteur dans des supports grillagés, pour les protéger des volatiles qui seraient attirés par les larves de la mouche tueuse. « Dès le vol effectué, la mouche reste quasi invisible.

[caption id=”attachment_729″ align=”aligncenter” width=”300″]Juste avant l’éclosion, quand la pupe devient plus noire, la boîte de X60 est disposée en hauteur dans des supports grillagés, pour les protéger des volatiles. De cet endroit, elles s’envoleront vers la surface paillée.
 Juste avant l’éclosion, quand la pupe devient plus noire, la boîte de X60 est disposée en hauteur dans des supports grillagés, pour les protéger des volatiles. De cet endroit, elles s’envoleront vers la surface paillée.[/caption]

Elle pond au même endroit que la mouche domestique, près des abreuvoirs, où le fumier n’est pas trop tassé. Elle ne tourne pas autour des animaux », explique l’agricultrice. Les œufs produisent des larves qui, grâce à des mandibules en forme de râteaux, déchirent les asticots nuisibles et elles aspirent le contenu, pour assurer leur transformation en future mouche tueuse. De ce fait, la population de mouche tueuse diminue lorsque les asticots nuisibles se raréfient. Le traitement biologique est renouvelé en moyenne 5 fois dans l’année, d’avril à septembre, ce qui représente un investissement de près de 1 500 euros HT/an pour 1 200 m² de surface paillée.

Des mini-guêpes arrêtent aussi le cycle de développement des mouches

Une association de prédateurs d’hyménoptères Muscidifurax et de Spalangia, élevés dans des laboratoires agréés, appelés communément des « mini-guêpes », peuvent intervenir aussi dans la lutte biologique dans les élevages sur paille ou à fientes sèches. Elles ne piquent pas et ne présentent aucun risque pour l’homme ni pour les animaux. Ces prédateurs utilisent le stade pupe des mouches domestiques pour leur développement. Les femelles percent et pondent leurs œufs dans les pupes des mouches. Lorsque leurs larves grandissent, elles se nourrissent du contenu de la pupe, arrêtant ainsi le cycle de développement de la mouche et assurant leur propre renouvellement deux à trois semaines plus tard.

[caption id=”attachment_730″ align=”aligncenter” width=”259″]mini-guepe-muscidifurax-pupe Mini-guêpe Muscidifurax en train de pondre dans une pupe de mouche.[/caption]

Être toujours dans l’anticipation

Mais quel est le secret de la réussite de cette lutte intégrée ? « L’objectif est de maintenir toujours un déséquilibre entre la mouche domestique et la mouche tueuse, à l’avantage de cette dernière », analyse Fernande Guillomon. S’il y a des prévisions de fortes chaleurs et des mouches domestiques, il faut apporter le prédateur. Mais vu que l’asticot a besoin environ de 15 jours pour terminer ses métamorphoses, il faut toujours être dans l’anticipation. « Si on se laisse dépasser, on a le sentiment que cela ne marche pas. Lorsqu’on est en surpopulation de mouches domestiques, il faut supporter une “invasion de mouches” durant 1,5 mois avant que la mouche tueuse ait de nouveau le dessus », décrit l’éleveur. Une situation peu enviable et qui repose sur la patience, car tout traitement chimique est exclu, il détruirait aussi la X60. D’où l’intérêt d’un apport régulier de ces prédateurs. 
Carole David



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