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Porc : nous attendons un signe fort des acheteurs au prochain marché

Didier Lucas, président de la FDSEA, donne son sentiment à la sortie de la rencontre organisée par le préfet ce mardi entre GMS, abatteurs et éleveurs. Le responsable tire encore la sonnette d’alarme.  

Deux heures et demi de discussions chez le préfet… Rassembler tous ces acteurs autour d’une table est peu fréquent localement.

En effet, c’est très rare. Mais la situation dramatique l’exigeait. Les Côtes d’Armor tient le premier rang en France pour la production porcine, la filière est un pan important de l’économie départementale. J’ai le sentiment qu’il y a eu de l’écoute de la part de nos interlocuteurs. Nous nous sommes surtout rendus compte de la méconnaissance totale de l’état de la filière de la part des GMS. Même les abatteurs ne sont pas totalement conscients de ce qui pourrait arriver très prochainement…

Vous avanciez ainsi que « 50 % d’élevages de porc bretons sont sur la sellette, aux portes du dépôt de bilan à l’échéance de fin mars. » Vous l’avez répété ?

Nous avons décrit à nos interlocuteurs la réalité. Depuis 2008, sur la zone Uniporc, 1163 exploitations (16 %) ont disparu et la production a baissé de 8 %. En porc, ça va très vite. Alors qu’on espérait une année 2014 rémunératrice pour éponger les mises aux normes bien être, nous en sortons la tête au fond du seau. D’ailleurs, d’autres que nous en sont conscients : Emmanuel Commault, directeur de la Cooperl, a parlé de 30 à 40 % d’éleveurs qui ne tiendraient pas à l’issue de cette crise sans un véritable rebond dans les prochains jours.

Aujourd’hui, au prix du dernier cadran et avec un prix de l’aliment qui vient de repartir à la hausse, un atelier de 200 truies perd en moyenne 27 € par porc. Soit 11 500 € par mois. Nous n’avons jamais perdu autant. La production n’a jamais été aussi décalée par rapport au prix de revient.

Qu’est-ce qui vous fait dire que le cochon « n’a jamais connu ça auparavant » ?

Les producteurs étaient habitués à des cycles d’alternance de bonnes années qui venaient compenser les pertes des mauvaises. Mais le bilan des 12 dernières années, c’est une perte de trésorerie moyenne de 12 ct € / kg carcasse. Depuis 2006, que des années avec des pertes ou au mieux à l’équilibre. Impossible de se refaire. Seuls 10 % des éleveurs arrivent à équilibrer. Et qui des jeunes installés depuis moins de 10 ans, sans réserve, pour passer cette crise ?

Les banques ont financé de la trésorerie pour payer l’aliment, les dettes à court terme… Mais aujourd’hui, ces lignes à rallonge sont ouvertes au maximum. Chaque éleveur essaie de se faire financer sa dette. Mais aucun signe de reprise à l’horizon ne permet aux organismes financiers de s’engager davantage pour arrêter l’hémorragie des exploitations…

La mention de l’origine reste une priorité

« En plus du prix de base, la priorité est aussi l’étiquetage de l’origine de la viande dans les GMS et la promotion des produits français. Les distributeurs arguent qu’ils ne peuvent pas intervenir sur l’approvisionnement de leurs fournisseurs salaisonniers. Mais ce n’est pas vrai, dans leurs cahiers des charges, ils peuvent demander de l’origine France. Allemands et Espagnols, eux, savent protéger leurs marchés grâce à du patriotisme à travers les circuits de distribution et notre viande ne pénètre pas ces marchés. Par contre, chez nous, la bagarre entre distributeurs pour s’approvisionner moins cher fait rage et nous étouffe. »

Quelle est la priorité absolue aujourd’hui ?

Remonter le prix de base pour que tous les éleveurs en profitent, c’est l’urgence, l’urgence, l’urgence… Certains distributeurs avancent leurs cahiers des charges qui distribuent des plus values. Mais ces dernières ne compensent rien face à un marché aussi dégradé. Ces plus values ne pèsent pas assez dans un système social français qui entrave notre compétitivité : Emmanuel Commault a répété qu’un salarié en Allemagne coûte aujourd’hui 15 € de l’heure, contre 25 € et bientôt 27 € en France… Il faudrait déconnecter le cours français du porc du prix européen car nous ne pouvons suivre.

Quels leviers peuvent actionner industriels et distributeurs ?

GMS et abattoirs ont la possibilité d’influer pour une cotation à la hausse. C’est d’abord une question de volonté. Aux acheteurs de Kermené, SVA ou Cooperl de mettre 5 ct € de plus au cadran pour faire remonter le prix de base dès cette semaine. Il faut également imaginer rapidement une vraie contractualisation prenant en compte le prix de revient pour un prix décent et rémunérateur du travail des éleveurs.

Quelles sont les prochaines étapes ?

D’abord, s’il n’y a pas un signe fort des acheteurs au prochain marché à Plérin, nous réunirons tous les éleveurs et les groupements la semaine prochaine. La suite immédiate ? Les GMS de la région seront le lieu d’action. Actions coordonnées ou désordonnées. Il faut comprendre que les éleveurs n’ont plus rien à perdre puisqu’ils s’endettent tous les jours.

Ensuite, au niveau national, la FNP et tous les groupes de GMS ont rendez-vous dans les prochaines semaines… Si les distributeurs bretons commencent à comprendre qu’en laissant mourir l’élevage, ils détruisent l’économie locale et donc le pouvoir d’achat de leur clientèle, dans d’autres régions, les commerçants ne s’en préoccupent pas du tout. Propos recueillis par Toma Dagorn


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