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Des vaches laitières par milliers

La Californie est l’état américain des grandes exploitations laitières. Très grandes. 1 000, 2 000, 4 000 vaches ou plus par « ferme » est chose courante. « Business is business ».

« Savez-vous qu’en France, un projet de 1 000 vaches fait l’objet d’une farouche opposition ? ». Evidemment que les éleveurs californiens, présents à une réunion technique à Oakdale, –  ville dont  la devise est « Cowboy Capital of the World » (Capitale cowboys du monde) – ignorent totalement l’information. « But why ? The ecologists ? », interrogent-ils, en exprimant un rire d’incrédulité quand on leur explique que l’opposition ne vient pas des écologistes, mais d’éleveurs français qui n’ont pas hésité à s’enchaîner pour manifester leur hostilité à ce type de projet.

20 % des éleveurs n’ont pas passé la crise

Aux États-Unis, si un éleveur veut passer de 1 000 à 2 000 vaches, c’est d’abord l’épaisseur de son portefeuille qui commande. Le lait est avant tout une affaire de business et les vaches, un facteur de production comme un autre. L’entrepreneur californien se lève tôt le matin pour aligner des dollars. Ou en perdre. La crise laitière de 2008-2009 a été saignante. 20 % des éleveurs californiens y ont laissé leur peau, assommés par la chute vertigineuse du prix du lait. « Quand les industriels ont besoin de lait ils payent ; quand les marchés se replient, ils baissent le prix ». La règle est simple, l’application immédiate. Là-bas, pas question de formule interprofessionnelle compliquée pour fixer le prix du lait à trois mois. Les éleveurs californiens consultent les cours du jour sur Internet. L’amplitude du prix du lait est d’autant plus forte en Californie que cette région est loin des grands centres de consommation américains et n’a d’autre choix que d’orienter ses fabrications sur les produits industriels destinés à l’export. Mais ce qui pouvait être regardé jadis comme un handicap est devenu un atout, tant le marché mondial a soif de lait.

Le regard tourné vers le Pacifique

Aujourd’hui, la Californie a le regard tourné vers l’ouest : la Chine, un pays avide de « vrai lait ». Comme le lait californien donc, si l’on en croit cette campagne de communication Real California Milk qui montre les « vaches heureuses de Californie » (« happy cows of California ») broutant de l’herbe verte alors que la plupart des bovins n’a jamais vu un brin d’herbe de sa vie. Qu’importe le lait, pourvu qu’il abreuve l’ivresse de l’imagination… Dans ce contexte porteur, les industriels américains construisent des tours de séchage à tour de bras. Hilmar Cheese Company élève actuellement une tour qui absorbera 100 camions de 6 500 gallons par jour (2,46 millions de litres). Soit environ 15 fois la capacité du projet Synutra, de Carhaix. Deux autres industriels finalisent chacun une tour de séchage, l’une d’une capacité de 20 camions par jour, l’autre, à la frontière du Nevada, traitera 26 camions par jour. Pour exporter toute cette poudre vers la Chine, la Californie dispose de trois grands ports qui ouvrent directement sur le Pacifique.

Reste que ce marché actuellement porteur est très volatil. Lors de la dernière crise laitière, les exportations ont chuté brutalement de 50 % entraînant dans leur sillage le prix payé au producteur. Mais l’entrepreneur américain sait rebondir. Naturellement confiants dans l’avenir, les farmers, sentant l’éclaircie revenir, ont profité de cette période de vaches maigres pour capitaliser dans l’élevage de génisses et préparer les laitières qui produisent à fond depuis 2013. D’autres éleveurs, qui ont fait leurs preuves de manager pendant la grande crise laitière, ont été sollicités par les banquiers pour reprendre des élevages qui avaient sombré corps et biens. Ainsi se restructure à grande vitesse l’élevage laitier californien aboutissant à des structures sur plusieurs sites qui peuvent atteindre 20 000 vaches laitières et la suite. Dans l’état du Dakota Sud, une famille d’éleveurs est même passée de 20 000 à  75 000 vaches laitières.

Des producteurs d’origine hollandaise

Les producteurs de lait installés en Californie sont majoritairement issus de l’immigration hollandaise d’après-guerre. Après s’être installées au Canada, les familles se sont déplacées vers la côte ouest des Etats-Unis. Une autre frange de producteurs est constituée de Portugais originaires des Açores. Aujourd’hui, les producteurs de lait californiens sont relativement âgés : 69 ans en moyenne.

« Le prix est très bon »

Aujourd’hui, la dernière crise laitière semble bien loin. Les yeux des éleveurs pétillent d’optimisme. « Price is very good » (le prix est très bon), se félicitent les éleveurs. Mi-février, le lait californien se vendait 23,2 $/100 livres (388 €/ 1 000 L). Et un éleveur d’avouer qu’il a gagné plus d’argent sur les deux premiers mois de l’année que sur les douze de 2013. Et de calculer que s’il avait été dans le Midwest, il aurait touché 20 % de plus. « Car la production est plus proche des consommateurs américains », dit-il en faisant ce calcul : « Avec ce prix j’aurais payé mon élevage en 5 ans ». Didier Le Du

L’avis de Garry Osmundson, éleveur californien

Depuis 10 ans, le business du lait varie beaucoup à la hausse et à la baisse. La situation future dépendra beaucoup de l’export qui représente actuellement 16-17 % du volume produit aux États-Unis. Mais je suis optimiste. La Californie laitière réagit très vite car les éleveurs s’approvisionnent à l’extérieur pour nourrir leurs bêtes. Contrairement au Midwest (NDLR : zone des grands lacs et plaines de l’ouest) qui cultive ses fourrages et doit disposer de bâtiments adaptés à la mauvaise saison. Reste que ces producteurs sont aussi nos concurrents. Plus près des consommateurs américains, ils bénéficient d’un meilleur prix du lait et sont moins exposés au marché export.


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