Lait : embaucher à proximité

Sylvie le Clec’h-Ropers, directrice du Sdaec et de Terralliance, et Jeltsje Algera, productrice de lait, élue Crab, CA 22, et membre du Comité de pilotage du Plan lait 2020 parlent du besoin de main-d’œuvre.

Pour vous, le principal défi de l’après-quotas est humain…

Jeunes Agriculteurs : Le plus dur à appréhender sera la relation employeur-employé : nous n’avons appris nulle part comment manager, comment donner correctement des consignes… C’est presque un nouveau métier. Les agriculteurs devront se former en relations humaines. Le groupement d’employeurs sera aussi un outil intéressant pour apprendre à travailler avec un salarié, un passage facilité avant peut-être l’emploi en direct.

Sylvie le Clec’h-Ropers : Oui, l’arrivée de la main-d’œuvre en lait doit s’accompagner d’une évolution structurelle du rôle de chef d’exploitation devenant chef d’entreprise : être moins dans l’opérationnel, plus dans le management. Cela peut procurer des craintes : « Si je lâche prise sur l’opérationnel, que je me situe plus loin du troupeau en déléguant la traite, comment garder le contrôle ? » Certains auront l’envie et la capacité de travailler avec des salariés. D’autres moins et devront se tourner davantage vers des moyens techniques (Dac, Dal, robots, roto…).

Qu’imaginez-vous demain, salarié spécialisé ou polyvalent ?

Jeunes Agriculteurs : Il y a débat. Certains éleveurs adorent la traite et préféreront déléguer les cultures en évitant les charges liées à des matériels utilisés sur de courtes périodes. Pour de véritables agents de traite, la formation à l’hygiène de traite et à la qualité du lait sera indispensable. S’il n’y a pas encore pénurie de salariés en lait, il faudra aussi accepter qu’un jeune qui sort de l’école ne soit pas 100 % opérationnel. Nous devrons être capables de transmettre, de faire de la post-formation.

Sylvie le Clec’h-Ropers : En fait, pour atteindre l’objectif du Plan, il y a besoin d’un ensemble de solutions, moyens techniques et humains. Par exemple, nous travaillons depuis un moment sur la notion d’opérateur de traite qui viendra en soutien d’éleveurs qui jugent la tâche routinière, récurrente, pénible. En déléguant la traite du soir par exemple, ils retrouveront de la continuité dans le travail quand ils partent au champ. Sinon, les traites à heure fixe créent des ruptures dans les journées en période de chantier.

Il y aura aussi d’autres modèles où on délègue le travail de la terre (Cuma, ETA, salarié cultures…) qui est à moins forte valeur ajoutée. L’éleveur conservera le poste lait, notamment la traite, une tâche sensible sur laquelle s’appuie le revenu de l’exploitation.

Mais où trouver toute cette ressource humaine ?

Jeunes Agriculteurs : La main-d’œuvre existe près de nos exploitations, à nous de savoir l’accueillir. Ce serait dommage d’en arriver comme aux Pays-Bas, mon pays d’origine, à un site internet pour le remplacement en deux langues (hollandais et polonais) alors qu’il y a tant de demandeurs d’emploi ici.

Sylvie le Clec’h-Ropers : Pour développer ces emplois, il faut capter la ressource locale. Cette proximité est un gage de réussite. L’opérateur de traite pourrait être un pluriactif à l’échelle d’un canton. En usine, dans les grandes surfaces, il y a des temps partiels subis avec parfois des horaires décalés complémentaires de la traite. Nous allons d’ailleurs bientôt démarrer un test à l’échelle d’un canton pour expérimenter.

Évidemment, il faudra former et formaliser : la qualité de délégation et les protocoles de consignes et de contrôle seront essentiels. Les exploitations qui doivent s’ouvrir aux personnes venant d’autres secteurs seront inviter à revisiter l’amplitude horaire des traites pour éviter de terminer après 19 heures.

Propos recueillis par Toma Dagorn


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