Aux États-Unis, la superficie totale plantée n’a pas changé de façon spectaculaire depuis 1925. Cependant, la ventilation des cultures est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était il y a 100 ans. En 2025, les semis de maïs ont atteint 40 M ha, soit le niveau le plus élevé depuis 1936, tandis que les sojas, inexistants il y a 100 ans, totalisent près de 33 M ha. Ajoutez à cela environ 18 M ha de blé (25 % de moins qu’en 1925) et vous obtenez plus de 90 % des surfaces cultivées. L’avoine et le coton, jadis très présents, ne représentent plus que 4,4 M ha à eux deux, soit 4 % des surfaces, en baisse de 87 % par rapport à leur sommet d’il y a un siècle. L’orge et le sorgho restent anecdotiques, tout comme le riz.
Le salut est dans plus d’utilisation locale
Maïs/soja : un binôme basique mais efficace
Pour l’avoine, la demande a fortement diminué lorsque les engins motorisés ont remplacé les chevaux[1].Pour le coton, l’émergence des fibres synthétiques[2] et la montée en puissance d’autres pays producteurs expliquent le recul de la culture aux USA. À l’inverse, le soja et le maïs ont été portés par une demande en alimentation animale basée sur ce binôme basique mais efficace. La simplification des cultures et la hausse des rendements[3] provoquées par l’adoption des OGM ont aussi poussé les farmers américains a toujours moins de rotation. La production a donc explosé, nécessitant de trouver les débouchés correspondants[4]. Or aujourd’hui, le Brésil a supplanté les États-Unis en tant que plus grand exportateur de maïs et de soja, et les importations chinoises de soja américain ont fortement diminué en raison de la guerre commerciale actuelle.
Les USA doivent gérer les invendus
En maïs, les USA ont activé un deuxième réacteur à la demande intérieure dès 1997, avec la mise en place de la filière éthanol, qui représente aujourd’hui 34 % de la demande (142 Mt). L’enjeu est non seulement de pérenniser cette activité (incitations fiscales, obligations de mélange) mais surtout de l’accroître. En passant de 10 % (taux actuel) à 15 % d’incorporation obligatoire dans l’essence, ce sont 61 Mt de plus annuellement qui pourraient être mobilisés, permettant une moindre dépendance au marché mondial, une plus grande décarbonation des transports et potentiellement un regain des cotations. Parallèlement, il convient aussi de sécuriser les exportations qui ont rapporté 14 milliards de dollars en 2024, dont 40 % grâce aux ventes vers le Mexique. On comprend que les taxes douanières soient à manier avec précaution avec ce voisin…
Pour le soja, les choses se sont compliquées plus récemment. En comptant sur les Chinois pour « sauver » leur programme d’exportation chaque année, les USA leur ont donné le bâton pour se faire battre. Car parallèlement, l’empire du Milieu a tissé des liens forts avec les deux autres exportateurs (Brésil et Argentine), alors même que ses besoins se sont stabilisés. Il n’existe pas de relai de croissance dans les années à venir aussi fort que celui qu’a représenté la Chine sur les 25 dernières années. Le salut est donc dans plus d’utilisation locale. Un pari à relever là aussi au travers des biocarburants. Cela explique l’importance des tractations réglementaires autour du biodiesel.
Patricia Le Cadre. www.cereopa.fr
[1] En 1921 aux États-Unis, on comptait plus de 24 millions de chevaux de trait et de mules.
[2] Le coton ne représente plus que 19 % de la production mondiale de fibres en 2024.
[3] Les rendements ont progressé de respectivement 66 % (de 71,5 à 118,5 q/ha) et 54 % (23,8 à 36,7 q/ha) pour le maïs et le soja entre 1995 et aujourd’hui.
[4] La demande en alimentation animale (environ 154 Mt) n’évolue plus depuis les années 2000.
[5] 28 milliards lors de la précédente guerre commerciale avec la Chine en 2018-2019
[6] Les éoliennes ont produit 10 % de l’électricité du pays en 2024. Les États-Unis se classaient en 2023 au 2e rang mondial derrière la Chine pour la production éolienne avec 18,3 % du total mondial.
L’agriculture américaine va mal
Aujourd’hui, l’agriculture US va mal et les défis sont immenses. En 2025, les pertes sont estimées à 400 $/ha en maïs et 250 $/ha en soja. C’est la troisième année consécutive de marges négatives et 2026 ne s’annonce pas meilleure. Les investissements (matériels, stockage, etc.) sont au point mort à cause des taux d’intérêt élevés, de la hausse du coût des matériaux et des intrants, et de l’incertitude entourant les tarifs douaniers.
Un emplâtre sur une jambe de bois
Le plan d’aide annoncé par l’administration Trump, de 12 milliards[5] de dollars, est un emplâtre sur une jambe de bois. Les midterms sont dans le viseur de D.Trump. Or le monde rural, qui vote plutôt républicain, est très mécontent de la guerre commerciale avec la Chine, mais aussi avec le Canada ou le Mexique, qui a poussé les prix des grains à la baisse et ceux des intrants (pièces détachées, potasse, etc.) à la hausse. Les aides ne sont qu’un réconfort à court terme conçu pour apaiser la frustration immédiate sans aborder les défis structurels plus profonds. Et le détricotage en cours du Farm Bill ne va pas dans le bon sens. Au lieu de rechercher de nouveaux marchés pour le soja et le maïs, les agriculteurs devraient être subventionnés pour adopter de nouvelles cultures plus favorables à la biodiversité et à la séquestration du carbone. Pour l’instant, on voit surtout fleurir depuis 3 ans des milliers d’éoliennes[6] dans les champs. Une diversification qui pérennise les exploitations agricoles mais dont les subventions pourraient être remises en cause par D.Trump.

