Quand la passion d’éleveur se raconte

Leïla Le Caro, éleveuse à Gévézé (35), donne la parole à neuf éleveurs de chèvres à travers la France. Des témoignages sincères et émouvants qui dévoilent le quotidien d’un métier passionnant et d’une production méconnue.

Une éleveuse parmi ses chèvres dans un bâtiment d'élevage de chèvres - Illustration Quand la passion d’éleveur se raconte
Installée à Gévezé (35) depuis 2020, Leila Le Caro a créé La Chèvre Rit, sa propre exploitation laitière avec 280 chèvres de race alpine chamoisée. | © Paysan Breton

Gévezé (35)

Le parfum de foin, le bêlement des chèvres, la douceur du regard de l’animal… Pour Leïla Le Caro, c’est un quotidien qu’elle connaît bien. Installée à Gévezé (35) depuis 2020, cette ancienne technicienne caprine a créé La Chèvre Rit, sa propre exploitation laitière. Elle connaît donc bien les joies… et mais aussi les drames de l’élevage. Car le rêve peut parfois basculer : en juillet 2022, un incendie a ravagé son bâtiment, emportant avec lui son troupeau de 220 chèvres et ses deux premières années de travail acharné. Une épreuve qui aurait pu décourager n’importe qui. Pas Leïla, déterminée à partager sa passion pour le monde caprin.

Une plongée authentique dans un univers exigeant

Alors elle rebâtit tout. Reconstitue son troupeau. Et l’ingénieur agronome se remet aussi à l’écriture de plusieurs portraits d’éleveurs collectés avant son installation. « À cette période, je me demandais si j’étais vraiment faite pour ce métier d’éleveur. Sauter le pas me faisait peur… », se remémore-t-elle. Alors, équipée d’un dictaphone et d’un appareil photo, elle est partie questionner des chevriers non pas sur des aspects techniques – son système était déjà bien ficelé dans sa tête – mais avec une approche humaine. « Sans me vendre du rêve, je revenais de mes visites sur un petit nuage : ils m’ont parlé de leur quotidien. On était dans le réel, le pragmatisme… Des phrases ont raisonné en moi. Cela qui m’a permis de prendre ma décision d’aller de l’avant et de donner vie à mon projet professionnel d’installation. »

Gros plan sur la tête d'une chèvre dans un bâtiment d'élevage
Chaque chèvre a son caractère et cherche l’échange. « Pots de colle, elles sont aussi fatigantes, à faire tout le temps des bêtises. »

Une nouvelle vie, sans “blues du dimanche soir”

Le déclic ? Quand une éleveuse lui raconte sa « chance » d’aller au travail chaque jour et de ne pas avoir hâte comme certains salariés d’arriver au plus vite au vendredi soir. « Une vie où le train-train n’est jamais le même », avec des journées pleines de rebondissements et son lot de surprises… Car pour cela, on peut compter sur les chèvres ! « Avec la chèvre, on vit une relation très intense. Elles ont chacune leur caractère et viennent chercher l’échange. Pots de colle, elles sont aussi fatigantes, à faire tout le temps des bêtises. Elles trouvent la moindre petite faille dans le bâtiment… »

Alors, depuis qu’elle s’est installée, son quotidien a changé. Sa relation au travail aussi. « Je n’ai en effet plus ressenti le blues du dimanche soir. On est au taquet 7 jours sur 7 et pourtant les 39 heures par semaine, les vacances… cela ne me manque pas tant que cela, même si de temps en temps cela ferait du bien quand même ! »

Un livre à neuf voix

Couverture du livre "Un amour de chèvre... et de fromages"

Ses recueils d’expérience, elle a voulu en faire profiter d’autres. De fil en aiguille, les portraits ont donné vie à un livre qui s’intitulera « Un amour de chèvre », à la suite d’une rencontre fortuite avec Yvon Lechevestrier, de chez Ar Collection éditions, éditeur breton. Avec l’aide de Sophie Launay, professeure d’éducation socioculturelle au lycée agricole de Redon, elle a retranscrit les témoignages recueillis sur 7 exploitations de toute la France. Du gros troupeau en bâtiment aux chèvres de Rove en quasi-liberté, tous racontent leur quotidien, leurs motivations et leurs défis. Chaque témoignage révèle une relation unique avec les animaux et une réflexion sincère sur leur métier.

Au fil des pages, le lecteur découvre des confidences touchantes et parfois émouvantes : le lien avec le troupeau, le respect du territoire, la passion pour le travail bien fait… mais aussi la réalité économique d’un métier où il faut savoir conjuguer amour des animaux et viabilité de l’exploitation. Pas de tabous, tous les sujets sont abordés : des soucis financiers à la charge de travail, la mort des animaux… « La chèvre est un prétexte pour parler de notre métier. Ces témoignages sont transposables à d’autres productions. Comme tout éleveur laitier, notre métier implique un engagement à 100 %. C’est toujours la ferme qui passe en priorité. Et en chèvre, on y ajoute la rigueur indispensable, par la fragilité de l’animal et la technicité de la conduite des grands lots, où la moindre erreur technique se paie cash. Cela en fait une production avec beaucoup de challenge. »

Alors en 5 ans, entre les travaux, la constitution du cheptel, l’implication dans le milieu professionnel au sein de la Cuma locale, la naissance de sa deuxième fille, l’arrivée de son conjoint sur l’exploitation, l’élaboration d’un livre… son emploi du temps a été bien chargé. Mais c’est avec une grande conviction qu’elle veut partager, au nom de tous, les réalités de son métier. Sans surprise, Leila Le Caro a assuré le 9e témoignage de ce livre, avec une plongée authentique dans son univers, un brin exigeant mais profondément vivant.

Carole David

Pour commander ; Publié chez Ar Collection éditions, le livre « Un amour de chèvre » compte 84 pages et est proposé à 18 € (frais de port en sus). À commander sur : https://www.arcollectioneditions.com/


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