Si l’on retire la dernière vague de froid des jours passés, le début de l’automne a été très doux et bien arrosé, la récolte des pommes « est abondante, 20 jours d’avance ont été constatés sur les taux de chute par rapport aux autres années. Les pommes sont belles, la qualité et le taux de sucre sont au rendez-vous », observe Dominique Biche, conseiller technique en arboriculture fruitière en Bretagne pour la Chambre d’agriculture. Mais toutes les variétés ne sont pas encore tombées au sol, et surtout certains secteurs géographiques, plus froids et tardifs, n’ont pas terminé le ramassage de leurs fruits. C’est le cas du secteur situé dans le sud de Saint-Brieuc (22), plus tardif que la vallée de la Rance. Si les producteurs fermiers autogèrent cette récolte, les arboriculteurs alimentant les 2 grands groupes que compte la Bretagne sont tributaires de la cadence de ces usines, qui ont freiné les tickets de livraison. Des pommes restent alors par terre avant d’être ramassées, « certaines variétés se gardent très bien au sol quelques jours. D’autres pourrissent et nécessitent davantage de triage avant leur livraison ». Parmi les variétés très tardives utilisées pour le jus ou pour le cidre, citons Jurella, dont le taux de chute au début de la semaine dernière n’était que de 40 % au sud de Saint-Brieuc.
Il reste encore 3 semaines
Cette collecte tardive des pommes dans une partie des Côtes-d’Armor coïncide avec les semis de céréales à paille, qui peuvent être désherbées chimiquement notamment par des spécialités à base de prosulfocarbe. « Certains agriculteurs ne sont pas au courant de ces récoltes tardives ; ils pensent que les arboriculteurs ont terminé leur saison ». Cette molécule utilisée entre autres contre les ray-grass ne doit pas être pulvérisée à moins de 500 m d’un verger non récolté.
Pas de prosulfocarbe à moins de 500 m d’un verger
Simon Hart fait partie de ces arboriculteurs qui n’ont pas encore terminé leur saison. Sur ses 2 700 pommiers couvrant 4,5 ha sur Plédran (22), « il nous reste encore 3 semaines de récolte avant de finir l’année ». La saison a démarré chez lui à la mi-septembre, soit avec une quinzaine de jours d’avance par rapport à une année « normale ». Conduits en agriculture biologique, ses pommiers sont très sujets à l’alternance, « nous avons une grosse récolte une année sur 2 ». Pour 2025, 150 t de pommes vont être ramassées, sans doute autour de 2 ou 3 t l’année prochaine. L’arboriculteur pose des panneaux informatifs pour annoncer que « la campagne n’est pas terminée, les caissons de récolte sont également très visibles. Il ne faut pas de désherbage au prosulfocarbe à moins de 500 m », insiste-t-il. « Nos pommes sont classées ‘non-traitées’. Nous n’avons pour l’instant eu aucune répercussion, mais le risque est fort de perdre notre label et notre classification ».
Échanger avec ses voisins
Suite au durcissement des conditions d’emploi des produits contenant ce prosulfocarbe (imposant notamment l’emploi de buses réduisant la dérive de pulvérisation d’au moins 66 %), l’Anses constate que « la présence indésirable de prosulfocarbe sur des cultures non-cibles est toujours observée. Les niveaux de concentration mesurés dans les denrées ne dépassent pas les seuils de risque pour le consommateur. En revanche, en raison de la présence anormale de tels résidus sur des cultures non-cibles, certaines productions sont déclassées et ne peuvent plus être commercialisées ».
Le conseil de Dominique Biche est de « se mettre en relation entre producteurs. llez voir vos voisins ». Une solution de bon sens qui évitera les déclassements de lots de pommes en cas de présence de cet herbicide sur les fruits.
Fanch Paranthoën
