La première mécanisation a libéré les agriculteurs des tâches les plus pénibles, celles qui éreintaient les corps. La seconde vague, augmentée par l’électromécanique, a simplifié les gestes, fluidifié le quotidien, assoupli le caractère répétitif du labeur. Aujourd’hui, la troisième vague – numérique celle-ci – promet d’accompagner la décision, de lever l’astreinte.
Mais au bout du compte tous ces progrès techniques ont-ils réellement libéré l’Homme ? Chaque fois qu’une machine a permis de gagner du temps, ce temps s’est aussitôt trouvé absorbé ailleurs. Plus d’hectares. Plus d’animaux. Plus de matériel. Plus de dossiers administratifs aussi. Pendant que la société en général réduisait ses heures de travail, les agriculteurs, eux, ont souvent fait le chemin inverse en l’intensifiant. Ils travaillent certes différemment que par le passé, mais pas moins. Et surtout, ils s’accordent souvent moins de temps au cours de la journée, pour discuter avec un voisin, échanger un peu après une réunion, nourrir ce lien social qui oxygène les métiers exigeants.
La mécanisation a beaucoup donné. Elle a aussi, parfois, trop demandé
La mécanisation a beaucoup donné. Elle a aussi, parfois, trop demandé. Une course silencieuse s’est installée. Une course aux volumes faite de vitesse et de journées saturées. Sauf que les limites physiques, psychologiques, elles, ne s’étirent pas indéfiniment. Sans convoquer le mythe des 70 heures hebdomadaires, il suffit d’arpenter les campagnes pour croiser trop de regards tirés, trop de visages qui ne s’illuminent plus de cette petite satisfaction du travail bien fait. Trop d’expressions qui ne rayonnent plus de cette alchimie si singulière entre l’agriculteur, le vivant et la terre nourricière.
Aujourd’hui, l’enjeu est de remettre l’agriculteur au centre, en lui rendant du temps à hauteur d’homme. C’était, au fond, la promesse initiale de la mécanisation.
