Entre incertitudes sanitaires et attentes économiques : Les producteurs de lait veulent des garanties

L’été a laissé des traces dans les campagnes laitières. Sécheresse, fièvre catarrhale ovine (FCO), marchés fébriles : le climat économique et sanitaire s’annonce tendu.

Un groupe de personne autour d'une table en train d'écouter un homme qui parle avec un micro à la main - Illustration Entre incertitudes sanitaires et attentes économiques : Les producteurs de lait veulent des garanties
La FNPL a tenu une conférence de presse au Space. Au micro : Pascal Nizan, président de la section lait de la FRSEA Ouest.

La FCO n’a pas encore montré toute son ampleur. Au-delà de la baisse de production immédiate, ce sont des milliers de vaches et génisses vides qui manqueront dans l’année à venir. « La déproduction n’intervient que trois à quatre mois après les premiers cas et peut durer plus d’un an », rappelle Pascal Nizan, président de la section lait de la FRSEA Ouest. Le spectre d’une chute de collecte fin 2025-début 2026 plane.

200 000 € perdus en moyenne sur sept ans pour une exploitation

Manque 50 €/1 000 L

Face à ce risque, la FNPL défend la vaccination. « On ne peut pas raisonner en disant que si l’on n’a pas été touchés hier, on ne le sera pas demain », insiste Yohann Barbe, président. L’organisation syndicale regrette un manque de cohérence entre services sanitaires, vétérinaires et terrain, et appelle la recherche à accélérer sur des vaccins plus complets (demande qui sera techniquement très atteignable selon le Cirad). « L’épreuve vécue en Savoie avec l’épizootie de DNC – 1 700 animaux abattus – rappelle qu’une vaccination massive et coordonnée reste la meilleure protection ».

Mais au-delà du sanitaire, c’est la rentabilité même du métier qui est en jeu. La FNPL dénonce une rémunération inférieure de 50 €/1 000 L par rapport aux voisins allemands, soit 200 000 € perdus en moyenne sur sept ans pour une exploitation. « Les producteurs français sont compétitifs, mais la valeur se perd entre transformateurs et distribution », martèle Yohann Barbe.

L’étiquetage d’origine constitue pour lui un levier de transparence. « Quand un consommateur achète du beurre Président, il croit acheter un morceau de territoire français. En réalité, il achète une partie d’importation », fustige-t-il.

Marie-Andrée Luherne, membre du bureau, enfonce le clou : « L’origine, c’est un acte citoyen. Privilégier le 100 % France, c’est soutenir nos emplois et nos territoires. » La FNPL dénonce l’usage trompeur du drapeau tricolore sur des produits fabriqués à partir de matière grasse importée, citant notamment Lactalis.

Blocage à l’interprofession

L’organisation exprime aussi son exaspération devant l’inaction de l’interprofession. « Cela fait deux ans que l’indicateur beurre-poudre est bloqué. Si rien n’avance, nous outillerons directement les organisations de producteurs », prévient Benoît Gavelle, secrétaire général adjoint. Les indicateurs de coûts de production sont aussi jugés obsolètes, incapables d’intégrer la flambée du prix des vaches ou les besoins d’investissement pour répondre aux attentes sociétales.

À ces difficultés s’ajoutent les dossiers européens. Les producteurs dénoncent les traités de libre-échange, à commencer par le Mercosur, accusé de fragiliser à terme la viande de réforme, essentielle au revenu laitier. La renationalisation de la Pac inquiète également, avec le risque de distorsions entre États membres.

Des assises pour tracer le cap

Pour la FNPL, l’enjeu dépasse les querelles de filière. « En lait, nous avons encore une autonomie alimentaire. Fruits, légumes, volailles : ce n’est plus le cas. Si on n’agit pas maintenant, nous vivrons une crise de souveraineté alimentaire comme celle de l’énergie », alerte Stéphane Le Nezet, vice-président.

Les attentes sont claires : transparence, juste retour de la valeur, accompagnement en cas de crise. « Nous voulons maintenir 24 milliards de litres de production laitière en France. Ce n’est pas seulement une question de revenus pour nos fermes, c’est une question de souveraineté alimentaire et de vitalité des territoires », rappelle la FNPL.

Les assises prévues à Saint-Malo en décembre devront tracer ce cap. Entre crises sanitaires, bataille de compétitivité et pressions sociétales, l’avenir du lait se jouera sur la capacité de la filière à offrir visibilité et perspectives aux générations prêtes à s’installer.

Didier Le Du

« Produire du lait, c’est un acte de souveraineté »

Opinion – Yohann Barbe – président FNPL

L’avenir de la production laitière française ne se joue pas seulement dans les cours de ferme. Il se décide aussi dans les négociations commerciales et européennes. Quand les écarts de rémunération atteignent 50 €/1 000 L avec l’Allemagne, c’est toute la compétitivité de la filière qui est en cause. Nous n’avons pas le droit de laisser filer cette autonomie alimentaire que nous détenons encore en lait. Produire du lait en France, c’est produire de l’emploi, de la vitalité rurale et de la souveraineté. C’est un choix politique autant qu’économique.


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