Dans un monde en mutation : «Prévoir l’avenir avec des données du passé»

Mehdi Siné, directeur général de l’Acta*, partage sa vision des opportunités et des limites de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde agricole.

Projet Supprimer un arrière-plan.jpg - Illustration Dans un monde en mutation : «Prévoir l’avenir avec des données du passé»
Mehdi Siné, directeur général de l’Acta

Qu’est-ce que l’IA et s’applique- t-elle à l’agriculture ?

Pour commencer, il est important de rappeler qu’il n’y a pas d’IA sans données. Et les données ne sont pas une nouveauté dans le secteur agricole. Depuis toujours, l’agriculture collecte et échange des données pour en extraire des informations et des connaissances. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’ampleur et la vitesse de ces flux de données. L’intelligence artificielle (IA) permet de les exploiter plus rapidement. Le concept d’IA ne date pas d’hier, lui non plus : il remonte à 1956, et ses usages n’ont cessé d’évoluer, notamment dans le monde scientifique.

On en parle beaucoup plus largement depuis que les algorithmes ont commencé à dépasser certaines capacités humaines. Mais l’IA ne se limite pas à ChatGPT : ce dernier n’est qu’un exemple parmi d’autres d’une technologie fondée sur des modèles de langage qui sont eux-mêmes une sous-famille de l’IA.

Ne pas déléguer notre capacité de penser

Dans le secteur agricole, IA et data sont déjà au cœur de nombreux outils, comme les OAD (outils d’aide à la décision) ou la robotique, et de nouvelles applications sont en plein développement. Il ne faut pas perdre de vue que ces technologies reposent sur des données historiques de masse. Une IA efficace et pertinente s’appuie sur des jeux de données de grande qualité, d’où l’importance de disposer de données de références.

L’IA peut-elle répondre aux enjeux climatiques, environnementaux et sociétaux ?

C’est déjà en partie le cas. Prenons le domaine de la météo et du climat : les prévisions météorologiques font appel depuis longtemps à des modèles d’intelligence artificielle. Et les progrès sont rapides.

Demain, on pourrait imaginer des prévisions saisonnières fiables, et une gestion des aléas plus pertinente malgré le changement climatique avec des impacts directs sur les choix techniques des agriculteurs, la gestion de l’eau ou encore la commercialisation des récoltes.

Sur un autre plan, l’IA pourrait aussi permettre de mieux anticiper les problèmes sanitaires, pour réduire l’usage des antibiotiques en élevage ou des produits phytosanitaires dans les cultures. La R&D active aussi l’IA pour découvrir de nouvelles solutions comme dans le domaine de la génétique ou du biocontrôle.

Quels sont les points de vigilance à garder en tête ?

Même si l’IA promet de simplifier certaines tâches agricoles, elle reste un outil, pas une solution miracle. Il est essentiel de ne pas lui confier aveuglément nos décisions, ni de perdre notre esprit critique. Ces systèmes, aussi sophistiqués soient-ils, commettent encore des erreurs. Et bien souvent, la qualité et la neutralité des données utilisées ne sont pas garanties.

« La prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir », disait Pierre Dac et dans le monde agricole, l’imprévu est fréquent. Attention donc à ne pas totalement faire confiance à une IA pour ses choix stratégiques. Et de manière générale, le risque de céder à une forme de paresse cognitive est préoccupant.

Autre enjeu de taille : la dépendance technologique. Aujourd’hui, nous sommes très dépendants de la high-tech américaine ou chinoise. La souveraineté technologique nationale et européenne devient un vrai sujet.

Enfin, n’oublions pas que ces outils consomment énormément de ressources (énergie, eau, etc.). Leur déploiement doit donc toujours être évalué selon un vrai bilan bénéfice/risque.

Propos recueillis par Carole David

*L’Acta (Association de coordination technique agricole) coordonne les travaux des instituts techniques agricoles.

L’innovation agricole, un travail d’équipe

Pour réussir cette transition, il faut renforcer les liens entre recherche fondamentale, recherche appliquée, transfert et l’ensemble du monde agricole.« Les instituts servent de pont entre les innovations et leur déploiement sur le terrain. Ils remontent les besoins du terrain et accélèrent le transfert des technologies pour produire des solutions concrètes pour les agriculteurs », explique Mehdi Siné, directeur de l’Acta. Avant de préciser : « Il est aussi crucial de collaborer avec les start-up, expertes dans le traitement massif de données. Car le moteur de cette transformation, ce sont bien les données, qui permettront de proposer des services vraiment utiles aux agriculteurs. »


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article