On dit que les voyages forment la jeunesse, ils servent aussi aux sujets techniques. L’an passé, le conseil d’administration de la station de recherche du Caté de Saint-Pol-de-Léon (29), accompagné de leurs partenaires historiques régionaux (Vegenov, Terre d’Essais, OBS, Cerafel, Chambre d’agriculture et Terres de Saint-Malo) s’est rendu outre-Atlantique, au Québec. Le choix de cette destination n’est pas le fruit du hasard. La contrée est « lointaine, mais en même temps proche, par la langue et la culture, les problématiques rencontrées par les producteurs », résume Damien Penguilly, directeur du Caté.
Faire venir des légumes en camion à 5 000 km n’effraie personne
Dans cette province du Canada, la fenêtre de production est courte, elle coule entre les hivers et dure seulement 4 à 5 mois, il n’y a qu’une seule culture annuelle de possible. Le Québec importe 4 fois plus de légumes qu’il n’en exporte, le potentiel de production est très important.
Les Terres Noires, terres de labeur
Le groupe a pu visiter la région dite des Terres Noires, région défrichée par des paysans néerlandais, et où l’État a lancé un plan de drainage. Ces terres, à l’origine incultivables, donnent aujourd’hui des sols très fertiles « très riches en matière organique et d’une profondeur de plusieurs mètres. Dans la texture de la terre, on a l’impression de toucher du terreau ». Mais cette structure est aussi fragile, l’érosion emporte chaque année 1 à 2 cm. C’est dans cette zone que l’entreprise Delfland cultive 900 ha, avec de l’échalote, de la laitue, de la carotte, des radis ou encore du yucon. « Il y a une diversité de structures, avec des gros et des petits maraîchers. Tous sont très spécialisés et mécanisés, et utilisent des outils pour lesquels nous ne sommes qu’en phase d’expérimentation. Il y a des grosses avancées en termes de machinisme. » Citons en exemple le pulvérisateur ultra-localisé Ecorobotix, dont cette ferme Delfland possède en propre plusieurs exemplaires.
Une main-d’œuvre d’Amérique Centrale
Nerf de la guerre aussi bien en Bretagne qu’au Québec, le sujet de la main-d’œuvre. Mais dans la Belle Province, la solution semble avoir été trouvée en embauchant des Mexicains et surtout des salariés en provenance du Guatemala. Accueillis par avion complet, ces travailleurs viennent pour la saison entière et sont logés sur place, dans les exploitations. « Sans cette main-d’œuvre, pas de production », fait remarquer Damien Penguilly. Mais les choses semblent bien s’organiser, ces personnes reviennent travailler dans les champs tous les ans et ce, pour certains, depuis plus de 30 ans.
Autre visite, celle des jardins Cousineau, où le rendement prime. Les 400 ha de brocolis plantés à 63 000 pièces par hectare, contre 25 000 en moyenne en Bretagne, ont un objectif de rendement par tête de 600 grammes, ce qui représente 16 t/ha. Pour mener à bien cette culture, l’IFT (Indice de fréquence de traitement) est de 10, quand les Bretons en utilisent 3 fois moins… Cette entreprise de 1 400 ha possède aussi un site en Californie. « Faire venir des légumes en camion à 5 000 km n’effraie personne ».
À leur retour en Bretagne, les participants ont chacun noté les forces et faiblesses de la province. Sont ressortis des aspects positifs comme la forte ressource en eau grâce au Saint-Laurent et aux abondantes fontes des neiges, un gouvernement à l’écoute pour aider au développement. En points faibles, peu de liens existent entre les centres de recherche et l’amont, ainsi que l’absence de groupement de producteurs. Enfin, à l’avenir, « on ne sait pas ce que seront les droits de douane du gouvernement Trump, et quels seront leurs conséquences », conclut le Finistérien.
Fanch Paranthoën
Des Québécois pragmatiques
Opinion – Jean-Denis Crenn – Président du Caté
Nous rencontrons les mêmes problématiques que les Québécois sur des sujets comme l’usage des produits phytosanitaires, la fertilisation, le sol, les rotations, le conditionnement ou encore la consommation des légumes. Sur des soucis techniques précis comme les attaques de cécidomyies, la Chambre d’agriculture de Bretagne a apporté sa contribution pour trouver une solution au Québec chez un producteur qui se retrouvait dans une impasse. Les Québécois sont très pragmatiques, chaque problème doit trouver sa solution. Enfin, ce voyage nous a fédérés, et sert à l’ensemble de la filière.