18114.hr - Illustration Une démarche qui ne manque pas de crédit 
Hélène Descloux, directrice du Ceta 35 et Maëlle Gédouin, ingénieure conseil au sein de l’association, aux côtés de Didier Besnard, éleveur laitier d’Iffendic qui s’est lancé dans une démarche de décarbonation.

Une démarche qui ne manque pas de crédit 

Le constat est factuel : l’agriculture est aujourd’hui à l’origine de près de 20 % des gaz à effet de serre émis en France. Ce qui en fait le deuxième secteur émetteur, derrière les transports. Si on ajoute à cela que la profession agricole figure parmi les plus sensibles aux effets du dérèglement climatique, chacun comprend bien tout l’intérêt de se pencher sur la question de la décarbonation ! C’est ce qu’a entrepris avec détermination le Ceta 35.

Recrutée par le Centre d’études techniques agricoles (Ceta) d’Ille-et-Vilaine en janvier 2019, Maëlle Gédouin, ingénieure conseil, a vu la thématique de la réduction de l’empreinte carbone monter en puissance au sein des exploitations. Notamment dans le secteur de l’élevage de ruminants. Pour pouvoir y répondre avec méthode, un groupe de 14 agriculteurs du Ceta 35 s’est organisé afin de tester une dizaine d’outils de diagnostic. « Ensemble, nous avons évalué les différents dispositifs et c’est le Cap’2ER* proposé par l’Institut de l’élevage (Idele) qui nous a semblé le plus pertinent et le mieux adapté pour nos adhérents ». 

Clin d’œil du destin, « c’est au moment où l’on s’est rapproché de l’Idele que nous avons appris qu’ils travaillaient sur le dossier du marché du carbone volontaire ». En clair, ce marché a pour but de faciliter le financement de projets de lutte contre le réchauffement climatique. Et ce, en permettant à des entreprises, privées comme publiques, d’acheter de manière volontaire des crédits carbone (un crédit carbone étant l’équivalent d’une tonne de CO2 évitée ou séquestrée). Pour les agriculteurs, via la méthode Carbon Agri de l’Idele qui a été certifiée dans le cadre du label bas carbone instauré par le ministère de la Transition écologique, l’accès au marché volontaire ouvre donc une perspective de rémunération des efforts entrepris.

Des plans d’actions personnalisés   

En 2020, lors du lancement du premier appel d’offres de France Carbon Agri Association – entité créée par les représentants des éleveurs afin de valoriser les projets de réduction de carbone –, un groupe de quelque 35 agriculteurs membres du Ceta 35 s’est constitué. Parmi eux : Didier Besnard, éleveur laitier installé sur la commune d’Iffendic depuis 1995. 

« Un diagnostic initial Cap’2ER a été réalisé dans toutes les exploitations, explique l’agriculteur bretillien. Puis, avec le concours de Maëlle, chacun d’entre nous a fixé ses objectifs à l’horizon de 5 ans et établi un plan d’actions personnalisé pour y parvenir ». En effet, la démarche Carbon Agri recense et évalue différentes mesures permettant d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre ou d’accroître le stockage du carbone dans les sols et la biomasse. « Cela va de la gestion du troupeau à son alimentation, en passant par la gestion des déjections animales. Il y a aussi les consommations d’engrais et d’énergie, ainsi que la gestion des surfaces cultivées et celle des infrastructures agro-écologiques », souligne Maëlle Gédouin.

Didier Besnard s’est ainsi rendu compte qu’il surestimait l’impact de sa consommation d’énergie. « Dans mon cas, le principal levier de réduction était la gestion et l’alimentation du troupeau. Globalement, on s’aperçoit que plus on est efficace et autonome, meilleur on est en termes de gaz à effet de serre comme de résultat économique ! » 

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« Plus on est efficace et autonome, meilleur on est en termes de gaz à effet de serre comme de résultat économique ! », résume Didier Besnard.

Concrètement, chez l’éleveur, le changement s’est en particulier traduit par la diminution du nombre d’animaux improductifs sur la ferme. « J’ai moins de génisses désormais, je pratique des vêlages plus précoces et des réformes plus tardives ». Un travail a également été mené sur la fertilisation des sols – « mes achats de minéraux ont baissé de plus de 30 % » –, ainsi que sur l’autonomie protéique de l’exploitation où le tourteau de colza a remplacé le tourteau de soja, tandis qu’un méteil précoce a été introduit. 

Une dynamique de groupe

Deux ans et demi après le lancement de l’initiative, un bilan à mi-parcours a montré que tous les membres du groupe, forts de la dynamique créée, avaient atteint au moins 40 % de leur objectif de réduction. Ce qui a ouvert la voie, pour ceux qui le souhaitaient, au versement d’un acompte de 40 % du montant du crédit carbone estimé au terme du projet. Le solde interviendra après la réalisation d’un diagnostic final, à l’issue des cinq années, certifiant l’économie réalisée.

« La synergie de groupe a été gagnante car seuls, beaucoup ne se seraient pas lancés, analyse Hélène Descloux, directrice du Ceta 35. En moyenne, nous avons constaté, pour chaque exploitation de ce groupe, une réduction de 120 tonnes de carbone par an ». Sachant que, sur le marché volontaire en France, le prix du crédit carbone est stable aux alentours de 30 euros, cela représente un complément de revenu non négligeable. « Nous avons aujourd’hui plus de 60 éleveurs engagés dans la décarbonation et d’autres projets sont en cours. La prévision est de 35 000 tonnes d’équivalent CO2 évitées, soit 1 million d’euros redistribués aux agriculteurs ».

Aux yeux de Didier Besnard, « cette rémunération est une reconnaissance bienvenue. Avec cette démarche pragmatique de décarbonation, on va vers du mieux pour la planète tout en améliorant les performances des exploitations laitières. C’est intéressant pour l’image de la profession ». De l’art de transformer une faiblesse en une force… 

Jean-Yves Nicolas

*Calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants

« Par les agriculteurs, pour les agriculteurs »

« Je me suis installé en 1986 et j’ai rejoint le Ceta dès que j’ai pu, trois ans plus tard. C’est une structure qui est gérée par les agriculteurs, pour les agriculteurs. Il me paraît important d’appartenir à un collectif, de ne pas rester isolé. Lorsque l’on traverse des périodes plus délicates sur son exploitation, et il y en a toujours, cela offre la possibilité de discuter avec d’autres personnes qui ont pu connaître les mêmes difficultés. On apprend toujours des autres. Participer aux groupes de travail du Ceta vous pousse à progresser, vous avez l’œil critique de vos pairs et de spécialistes qui sont là pour vous conseiller. Pour moi, tout jeune qui s’installe devrait adhérer à un groupe de réflexion et d’échange, quel qu’il soit ».

 


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