Sans Titre 1 - Illustration Connaissance contre décroissance
Jérôme, salarié chez Bernard de la Morinière, devant un couvert semé sur mulch le 3 juillet : en 90 jours de végétation il atteint 2-2,50 m de haut soit 9-10 t MS/ha.

Connaissance contre décroissance

Face aux marchands de décroissance, les membres du Pacte de Montmuran lèvent le noble bouclier de la connaissance. Dans cette bataille idéologique, l’agriculture n’a pas brandi sa dernière arme.

En 1354, Duguesclin a repoussé les Anglais qui attaquaient le château de Montmuran sur la commune des Iffs (35). Sans jamais imaginer abandonner, ni abdiquer (lire reportage “Dans les pas de Bertrand du Guesclin”) Sept siècles plus tard, l’alliance du Pacte de Montmuran entend cette fois faire taire les ennemis de la décroissance. Sans arme. « Simplement en ‘monstrant’, comme on disait au Moyen-Âge », s’amuse Jean-Yves Delaune instigateur du Pacte « pour le territoire qui rassemble les personnes qui veulent avancer ensemble ». Comprendre : sans les forces publiques, qu’elles soient politiques ou scientifiques. Pour être courtois, Jean-Yves Delaune évoque certaines « réalités sociologiques françaises » qui perpétuent la danse préférée du pays : le « tourner en rond », guère plus entraînant que « l’immobilisme ».

Tenter de maîtriser le monde du vivant

Au sein de cette alliance de « savanturiers » scellée en 2018 dans l’enceinte du château de Montmuran, un agriculteur : Bernard de La Morinière. Sur sa ferme, à Saint-Brieuc-des-Iffs, ce militant actif de l’association Base pratique l’agriculture de conservation depuis 20 ans. Un travail de long cours car, faute de références sur le sujet, il « faut être très à l’affût » pour tenter de « maîtriser le monde du vivant ». Un domaine par nature complexe qui fait que, plus l’on croit savoir moins l’on en sait ; mais où toutefois rien n’est impossible quand on veut bien s’intéresser aux interactions physiques, biologiques et chimiques d’un sol, par exemple. En témoigne ce couvert végétal après pois que fait découvrir Bernard de la Morinière : « Il s’agit ici d’un mélange de sorgho, niger, phacélie, tournesol semé le 3 juillet sur mulch après scalpage au Dyna-drive, un outil qui travaille par arrachement sur 5 cm. Ainsi, en intervenant tôt après récolte sur une faible profondeur vous n’altérez pas l’humidité sous-jacente. Aujourd’hui, après 100 mm de pluie, ce couvert implanté sur terre séchante atteint 2-2,50 m de haut soit 9-10 t MS/ha en 90 jours de végétation ».

S’inscrire dans le temps long

Plus en profondeur – dans le domaine de l’accumulation des connaissances cette fois – ce monde secret du vivant dévoile peu à peu les interdépendances entre les différents composants qui font la richesse d’une terre agricole fertile et permettent d’exprimer son potentiel. Des interactions que l’on peut mesurer : « Je suis adepte de la cartographie de rendement. L’entrepreneur qui intervient chez moi a d’ailleurs équipé sa moissonneuse d’une carte électronique qui permet de tout mesurer… et à moi d’agir par la suite. Cette année, en partenariat avec Limagrain et Eureden, je conduis par ailleurs un essai sur maïs avec cartographie fine du rendement. Avec cet objectif : comment rendre le maïs plus vigoureux au démarrage en se servant du vivant ».
« Se servir du vivant pour améliorer les rendements en ayant une approche globale qui s’inscrit dans le temps long ». Ainsi pourraient se résumer les pratiques mises en œuvre par Bernard de la Morinière. Et d’expliquer que semer pour 50 €/ha de semence en couvert ne doit pas être entrevu comme un coût sur-le-champ mais comme un investissement dans le temps. « C’est un moyen de capitaliser de la matière organique et de la vie dans le sol. Avec pour récompense de pouvoir apporter moins d’azote à la culture suivante. Pour ma part, j’emploie 40 u/ha d’azote en moins que les itinéraires classiques pour des rendements dans la moyenne ». Et l’agriculteur de prendre en référence ses récoltes 2020 : 74 q/ha en orge d’hiver ; 72 q/ha en blé ; 34 q/ha en colza et entre 67 et 80 q/ha en orge de printemps selon les parcelles.

Une croissance écolo

Cette gestion agronomique sur plusieurs années a aussi des effets sur la résistance des cultures aux maladies. « En ayant une approche qui vise l’équilibre entre bactéries, champignons et autres organismes du sol, on fragilise le développement des champignons pathogènes », explique Jean-Yves Delaune, interloculteur passionné de la société Gaïago. Et de poursuivre : « Par un apport de sucres, d’acides aminés, etc., nous travaillons sur l’équivalent du système immunitaire de la plante en stimulant la photosynthèse ». Objectif ultime : que la plante fabrique un maximum de sucres à partir de cette énergie gratuite qu’est le soleil. Pas écolo, cette croissance ?

Accompagner l’économie du vivant

Le pacte de Montmuran a été mis sur pied en 2018 par une communauté d’hommes volontaires. Volontaires et curieux. Le monde du vivant pour lequel je me suis passionné offre à cet égard un horizon de travail infini. D’autant plus que la vocation de l’agriculture est de nourrir l’humanité, mais avec de nouveaux défis qui se présentent à nous. C’est pourquoi à tous ceux qui prônent le « sans », nous répondons « avec ». Notre mission est d’imaginer une nouvelle approche en nous appuyant sur l’économie du vivant en pensant chaîne de valeur : nourrir le sol pour nourrir les animaux pour nourrir l’humanité.Jean-Yves Delaune, président de l’association Entre Terre et Mer, des gens de caractère


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