- Illustration Herbe et maïs épi au menu des hautes productrices
La ration à l’auge a été revue avec les conseils du nutritionniste Benoit Réalland : la proportion de maïs ensilage plante entière a clairement reculé au profit de l’herbe, du méteil, du maïs épi et des betteraves.

Herbe et maïs épi au menu des hautes productrices

Au Gaec Keralet, à Illifaut (22), productivité laitière et autonomie alimentaire ne sont pas incompatibles pour Maxime Pilorget. À condition de bien faire le lien entre agronomie au champ et équilibre à l’auge.

« 2014 m’a marqué. Malgré un prix du lait favorable, nous n’avons pas vraiment gagné notre vie », démarre Maxime Pilorget, installé en Gaec avec sa mère Isabelle. « Je ne me retrouvais plus dans notre conduite basée sur le maïs ensilage complété de luzerne déshydratée et de correcteur du commerce… Je me sentais même usé psychologiquement. » Le Costarmoricain aspirait à un système « plus durable », « centré sur le sol, les animaux et nous ». Cette année-là, sa petite révolution débute par l’abandon définitif de la charrue.

Cultiver sa fibre et sa protéine

En 2015, le Ceta 35 organise un voyage d’étude en Allemagne. Maxime est « carrément bluffé » par une des visites. « Le troupeau tournait à 12 000 kg de lait par vache avec une ration deux tiers herbe et un tiers maïs complétée par un peu d’orge et de tourteau de colza au robot. Le producteur était quasi autonome d’un point de vue alimentaire. Avec en complément une unité de méthanisation de 100 kg, il dégageait entre 50 et 70 000 € de revenu annuel. » De retour chez lui, il se creuse les méninges. « Produire son énergie, nous savons tous le faire grâce au maïs et aux céréales. Je me suis inspiré de cet Allemand pour cultiver et stocker désormais également ma protéine et ma fibre… »

[caption id=”attachment_45739″ align=”aligncenter” width=”720″] Maxime Pillorget présente son silo de maïs épi dont la largeur a été réduite de 8 à 4,5 m grâce à des éléments banchés.[/caption]

Prairies semées sous couvert d’avoine

Dès lors, l’assolement est bouleversé (voir tableau ci-dessous) : le maïs recule au profit de l’herbe. Les prairies réservées au pâturage – 17 ha pour les vaches et 7 ha pour les génisses – sont mises en place pour 5 ou 6 ans. Elles sont implantées au printemps, sous couvert d’avoine, pour éviter le salissement et assurer un bon démarrage. « En avril ou mai, j’emblave à raison de 70 kg d’avoine à l’hectare puis je roule. Ensuite, je sème le mélange prairial : 8 kg de RGA tétraploïde, 4 kg de RGA diploïde, 4 kg de RGH type anglais (Palmata), 5 kg de fétuque élevée pour assurer une pousse estivale, 3 kg de mélange de trèfles normal, nain et géant et 3 kg de trèfle violet. Puis je passe à nouveau le rouleau pour établir un bon contact sol – graine. »
60 à 70 jours plus tard, l’avoine qui a atteint le stade barbillon est fauchée et ramassée en foin (pour l’alimentation des génisses). Trois ou quatre semaines plus tard, les animaux peuvent entrer pâturer. « La prairie est propre car l’avoine qui s’est développée très vite au printemps a étouffé tout le non désiré. »

Cinq coupes par an sur les prairies de fauche

Par ailleurs, 17 ha sont spécifiquement destinés à la fauche. Ces prairies multi-espèces sont implantées pour trois ans. A l’hectare, Maxime associe généralement au semis 10 kg de RGH type anglais (« beaucoup de feuilles et pas de tige »), 8 kg de RGA tardif diploïde, 5 kg de fétuque élevée (« pour avoir des graminées l’été »), 8 kg de trèfle violet, 3 kg de trèfle géant et 1 kg de trèfle nain (« agressif, il bouche les trous »). Cette année, sur les 6 ha mis en place, la proportion de trèfle violet a diminué et de la luzerne a été ajoutée.
Sur ces surfaces, les récoltes fournissent environ 12 t de matière sèche par hectare et par an. Les trois premières coupes sont ensilées. « La suivante, en août, est réalisée en enrubannage ou en foin si j’ai déjà assez de “fermenté” en stock. » Début octobre, la dernière fauche est enrubannée. Pour optimiser les fenêtres météo, une faucheuse de 3,2 m, une faneuse de 8,5 m et un andaineur de 8 m sont détenus en copropriété avec un voisin producteur de lait bio. « Nous profitons ainsi d’un bon équipement avec du débit de chantier pour un prix raisonnable. Et comme nous sommes tous les deux méticuleux, nous nous faisons confiance. » En cherchant à récolter au bon stade, les valeurs nutritionnelles des coupes oscillent entre 15 et 18 % de MAT et 0,88 à 0,94 UF / kg de matière sèche.

Un méteil riche en MAT à la place du RGI en dérobé

Auparavant, Maxime implantait 15 ha de ray-grass italien en dérobé. « C’était très compliqué en semis direct et simplifié. Et d’un point de vue alimentaire, si l’ensilage pouvait atteindre 0,92 UF / kg de matière sèche, il plafonnait à maximum 15 % de MAT. » Désormais, il cultive un méteil riche en protéines (voir encadré) intercalé entre une prairie et un maïs. Ce fourrage est distribué aux génisses de 7 mois au vêlage et aux vaches, aussi bien en ration hivernale (voir tableau page 17) qu’au pâturage « à raison de 4 kg par jour pour atténuer l’effet laxatif de l’herbe sur le transit. ».

Face à l’encombrement, le maïs épi à la rescousse

Pour le Costarmoricain, les éleveurs de porc qui s’en sortent le mieux sont ceux qui cultivent leurs propres céréales pour les transformer en viande. « En production laitière en Bretagne, pour devenir “fafeur”, il faut valoriser l’herbe au maximum. » Sauf qu’à force d’augmenter la proportion d’herbe dans le régime, « ça a coincé », confie-t-il. « À un moment, la vache est saturée par l’encombrement des fibres de l’herbe et de la cellulose du maïs ensilage. Et la ration déconcentrée oblige à corriger avec des concentrés… » Mais le producteur de lait a trouvé une parade alliant autonomie alimentaire, production fourragère et performance laitière. « J’ai conservé l’herbe comme principal apport de fibre mécanique et de protéines. Pour le maïs, je n’ai conservé que ce qui m’intéressait, l’énergie de l’amidon, en n’ensilant plus que les épis. J’ai laissé ce qui m’embêtait, tige et feuilles, retourner au sol pour nourrir mes vers de terre. »

En avant, marge !

« Aujourd’hui, les animaux ruminent bien. Depuis que le maïs ensilage a diminué, je ne fais plus de cures d’hépato-protecteurs et je n’utilise du bicarbonate que pour les transitions alimentaires. Les problèmes métaboliques sont plus rares et les frais vétérinaires ont baissé », rapporte Maxime. Il livre en moyenne 31,6 L de lait par vache et par jour, à 34,6 de TP et 43,1 de TB (contre 32 et 39 auparavant). « Par rapport à l’ancienne conduite basée sur le maïs ensilage, le niveau d’étable est resté relativement stable. Mais les taux ont grimpé. »
Parallèlement au recul du maïs, la consommation de tourteau de soja a baissé de plus de 120 t à 70 t par an. « Dans les chiffres, si le coût de correcteur a diminué, le coût fourrager a augmenté. Mais en favorisant la production de protéines sur la ferme et l’achat de matières premières, au final, je constate que nous mobilisons beaucoup moins de trésorerie pour produire autant de lait. Le changement de système a permis d’abaisser de 7 € / 1 000 L le coût alimentaire. Il faut juger cette amélioration dans un contexte où les charges opérationnelles ne cessent, par ailleurs, d’augmenter dans les ateliers laitiers. »

Sur la campagne 2018 – 2019 (clôture au 30 juin), le coût alimentaire moyen était ainsi de 84 € / 1 000 L pour une marge de 256 € / 1 000 L « contre 230 € avant l’évolution ». Cet hiver, le coût alimentaire tournait autour de 104 €. « Pour une marge de 270 € / 1000 L, soit 8,41 € par vache et par jour », apprécie le producteur. Depuis, l’atelier profite des bienfaits économiques du pâturage de printemps, mais le prix du lait est en baisse. 

La recette du méteil protéique en dérobé

Après l’abandon du RGI en dérobé, Maxime Pillorget a opté pour le « méteil protéique » afin de continuer à produire des stocks grâce à une interculture. Aux alentours du 10 octobre, derrière un précédent prairie ou colza fourrager, il en sème entre 22 et 24 ha à l’aide d’un distributeur à engrais. Voici le détail de son mélange de semences pour un hectare : 65 kg de féverole, 40 kg de pois fourrager d’hiver, 25 kg de vesce, 15 kg d’avoine, 10 kg de triticale et 5 kg de trèfle squarrosum (montant et non gélif). Ce méteil est récolté vers le 10 mai, « dès qu’il y a une fenêtre météo favorable ». Après la fauche, une bonne journée de séchage au sol est nécessaire. Puis, une fois andainé, le fourrage peut être ramassé à l’ensileuse. « Comptez donc un créneau de 4 jours pour mener le chantier. » Ensuite, derrière ce précédent « qui structure le sol », un épandage de lisier et un passage d’outil à disques sont effectués avant de semer un maïs. Pour s’assurer d’une bonne conservation de ce méteil, Maxime Pillorget juge l’ajout d’un conservateur « indispensable ». À l’arrivée, il obtient un fourrage aux valeurs nutritionnelles intéressantes : 28 à 35 % de taux de matière sèche, 16 à 18 % de MAT, 0,84 à 0,88 UF / kg de MS, 108 g de PDIN, 88 g de PDIE et 34 g de PDIA / kg de MS.


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