Idrissa, le barde africain

 - Illustration Idrissa, le barde africain
En juin, six classes de collégiens Gwer Halou de Callac ont accueilli Idrissa. Ensemble, ils ont échangé sur l’Afrique et joué de la musique.
Le griot sénégalais a découvert la Bretagne à l’été 2018. Tombé sous le charme, il parcourt la région sans relâche pour partager sa musique.

En Bretagne, les bardes font partie de l’histoire. Ces poètes et musiciens celtiques célébraient les héros et leurs exploits. Dans la même idée, en Afrique de l’Ouest, les « griots » animent les cérémonies de mariages et baptêmes, louangent les membres des familles, racontent et chantent les généalogies. On ne devient pas griot, on l’est par le sang : le savoir passe d’une génération à une autre par transmission orale.

« D’utilité publique »

Actuellement en tournée en Bretagne, l’artiste sénégalais Idrissa Kouyaté est issu d’une de ces grandes lignées dont les racines se trouvent au Sénégal, en Gambie et en Guinée-Bissau. « Dans ma famille, les femmes chantent. Et les hommes jouent de la kora », explique-t-il en présentant son instrument. Une harpe africaine qui compte traditionnellement 21 cordes. « La mienne est un peu spéciale. C’est un luthier suisse qui l’a construite avec la calebasse que je lui ai apportée. Elle a 24 cordes et des clés demi-tons de harpe qui me permettent de changer très rapidement mon accordage », détaille le jeune homme de 27 ans. Réservé dans la vie mais personnalité solaire quand il monte sur scène, ce dernier est un joueur virtuose et créatif qui revisite les morceaux traditionnels et propose régulièrement de nouvelles compositions personnelles. Il y a quelque chose de magique dans ses mélodies qui ravient tous les publics, toutes les générations. « Ce musicien est d’utilité publique », confiait même Servane, une femme qui a traversé les Côtes d’Armor pour le revoir jouer dans une fête champêtre organisée par un éleveur d’escargots clôturant sa saison à Tonquédec (22). Un cadre qui peut paraître étonnant mais le griot est curieux et entend jouer partout, pour tous.

Jouer dans les villages pour être proches des gens

En avril 2018, pour son premier voyage en Europe, il débarque à Lyon. Deux mois plus tard, il est invité en Bretagne. Le début d’une grande histoire d’amour. En une semaine, pourtant totalement inconnu, il se produit dans un gala de danse à Châteaugiron (35), au collège de Saint-Méen-le-Grand (35), chez des habitants et à l’école Diwan de Saint-Brieuc (22)… Quelques jours suffisent pour créer des liens forts avec ce territoire qu’il découvre. Depuis, quand il est de passage en France, il séjourne dans la préfecture costarmoricaine. « Je suis passé par Lyon et Paris, mais moi, j’aime Saint-Brieuc et la Bretagne. Ici, les gens sont sincères, simples et accueillants. Il y a une nature verdoyante et de la pluie comme en Casamance, la région sud du Sénégal où vit ma mère. »

Et Idrissa sait de quoi il parle puisqu’il a écumé en 3 séjours en France le territoire breton : Plélo, Trédrez-Locquémeau, Plougrescant, Bulat-Pestivien, Pleumeur-Bodou, Etables-sur-Mer, Tonquédec, Callac, Trébry (22), Châteaugiron, Bédée (35), Peillac (56), Concarneau (29)… Au total, en 6 mois de présence, il a joué dans plus d’une cinquantaine de communes. « Bien sûr, j’apprécie de me produire sur de grandes scènes. Mais je veux jouer partout. Venir dans les petits villages me permet d’être proche des gens. Je rencontre toujours des personnes attentives et émues par ma musique. Après les concerts, elles me racontent des histoires ou leurs souvenirs d’Afrique. » Régulièrement, le Sénégalais n’hésite pas à aller vers d’autres publics en jouant auprès des collégiens de Callac, des détenus de Saint-Brieuc, de personnes handicapées en foyer à Pordic (22), de familles endeuillées lors d’enterrement à Paimpol (22) et à Concarneau (29), à la mairie de Saint-Brieuc pour un mariage et même pour fêter la transmission d’une ferme à Trébry (22)…

Devant son attachement au territoire et sa générosité, plusieurs élus comme le député Bruno Joncour, la conseillère régionale Mona Bras, la maire de Saint-Brieuc Marie-Claire Diouron ou la conseillère municipale de Langueux Soizic Allano se sont récemment mobilisés pour soutenir la prolongation de son visa. La Préfecture a finalement autorisé Idrissa Kouyaté à poursuivre sa tournée jusqu’à fin novembre. Chanceux seront les Bretons qui le rencontreront et assisteront pour ses derniers concerts (voir encadré) toujours pleins d’émotions. « En rentrant au Sénégal, je serai heureux de retrouver mes proches. Mais je sais que la Bretagne va me manquer. Nous préparons d’ailleurs une nouvelle tournée pour le printemps 2020 », lâche, tout sourire, le barde africain.

Musicien de fest-noz

L’histoire n’est pas banale. En octobre 2018, Nadine Ar Vourch, directrice de Diwan de Saint-Brieuc, invite Idrissa Kouyaté au fest-noz de l’école. Celui-ci monte sur scène avec le groupe Startijenn puis est initié aux danses traditionnelles bretonnes. Ce gardien des chants et mélodies mandingues livre son sentiment : « Les Bretons ont une culture riche, une langue, une musique traditionnelle… C’est important de la préserver et de la transmettre. J’aime voir les gens se retrouver, être unis pour danser ensemble en cercle. L’ambiance est magnifique et me rappelle les rythmes impulsés par les femmes qui dansent en cercle en frappant des mains en Casamance… »

Depuis, l’artiste a été invité à nouveau par Startijenn et Le Bour – Bodros à la Paker Noz 2 de Prat (22). Il a rencontré le joueur de uilleann pipes Yoann Ar Nedeleg à l’école Diwan de Saint-Brieuc et partagé deux morceaux avec Diane, collégienne de Callac qui joue de la harpe celtique. Dernièrement, le contrebassiste et chanteur en breton Cyrille Le Penven l’a intégré à son trio de musique du monde. Le week-end dernier, il était au fest-noz de Pleumeur-Bodou avec Hiks, groupe de drum’n breizh… Il travaille actuellement pour 2020 avec le sonneur Thomas Lotout (projet Titom)… « Je suis très impressionné par la bombarde. Un petit instrument qui sonne bien et fait danser », confie le griot sénégalais. Avant de poursuivre : « Nos deux cultures se rencontrent et s’embrassent parfaitement. Grâce aux excellents musiciens traditionnels d’ici, j’expérimente de nouveaux accordages jamais utilisés sur la kora. » Le public des fest-noz aime le sourire, l’exotisme, et l’originalité apportés par Idrissa. « Pour l’instant, je sais dire Demat et Kenavo. Mais j’espère que pour mes prochaines tournées en Bretagne, j’arriverai à dire quelques mots en langue bretonne pour saluer le public ! »


Prochains concerts

-4 / 10, trio Tilo Bota, Bonjour Minuit, Saint-Brieuc -19/10, foire aux poulains de Kerien (22) -12/10, Café Théodore, Locquémeau (22) -13 / 10, église de Trémeur (22) -20 / 10, Scènes d’automne, Plouha (22) -9 / 11, le Chenal, Melon-Pospoder (29) -16 / 11, la Grange aux Abeilles, Le Mené (22) -22/11, Chez Gaud, Ploubazlanec (22)


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