Le danger d’une pac à la carte

 - Illustration Le danger d’une pac à la carte
La Commission penche en faveur d’une Pac offrant plus de pouvoirs aux États. Il faudra néanmoins des exigences environnementales communes pour ne pas créer de distorsions de concurrence.
L’Union européenne devrait offrir de la latitude aux États membres pour définir une stratégie agricole nationale, au risque d’effacer plus ou moins le « c » de la Pac.

Elle devait s’appliquer dès 2021. La nouvelle Pac ne prendra pas effet avant 2023 ou 2024, selon Yves Madre, de Farm Europe, intervenant à l’assemblée générale du syndicat des propriétaires privés ruraux du Morbihan. Un retard dû aux incertitudes liées au Brexit, au montant du futur budget et à la prise de fonction des nouveaux députés européens qui voudront imposer leurs idées, via de nombreux amendements. La nouvelle politique conditionnera donc l’agriculture européenne au-delà de 2030. Autant ne pas se tromper. Les discussions entre États membres, ou désaccords, portent sur les coupes budgétaires éventuelles, le plafonnement obligatoire des aides, jugé trop contraignant pour certains États, plutôt favorables à une solution facultative, et sur le niveau et la portée des plans stratégiques nationaux. Ces plans, définis selon les priorités du pays, pourraient être très différents et ne pas remplir les objectifs fixés au niveau européen, surtout au niveau environnemental.

Risque de distorsions de concurrence

Les différentes orientations de chacun des États devront être validées par la Commission qui sera, en théorie, superviseur du « c » de la Pac. « Le risque est de se retrouver avec 27 Pac différentes, voire plus si elles sont déclinées au niveau des régions. Laisser aux capitales le soin de concevoir leurs propres paiements directs et programmes environnementaux mènera inévitablement à une politique de concurrence entre voisins ». Elles seront, de plus, révisables régulièrement et pourraient donc varier en fonction d’échéances électorales ou de changement de majorité. « Les grands pays feront pression pour faire accepter tel ou tel choix, non validé au départ. On imagine aisément les conséquences d’une telle flexibilité ». La prise en compte de certaines exigences environnementales comme le changement climatique ou la neutralité carbone est désormais impérative dans l’orientation des politiques européennes. « Les plans nationaux devront donc être balisés pour qu’il y ait de la cohérence, suffisamment de paramètres communs dans tous les pays ».

Des outils de gestion des risques à consolider

La future Pac devra assurer un environnement stable sur des marchés volatils. « Les outils de gestion des risques doivent être consolidés. L’Union européenne est un peu faiblarde au niveau des assurances climatiques ; 10% des surfaces seulement. Les pays d’Amérique (Nord et Sud) ont une vraie couverture des aléas. La Pac doit également prévoir une réserve de crise, convenablement financée pour agir rapidement en cas de grave perturbation des marchés. Cette réserve prendrait le relais des outils privés et pourrait financer, par exemple, une diminution volontaire de production, bien plus facile à gérer que des surplus qui pénalisent le marché sur une longue durée (période d’écoulement des stocks) ». L’économiste évoque un montant d’1,5 milliard d’euros de réserve. « La crise laitière de 2015 a coûté beaucoup plus pour financer des mesures peu efficaces ».

Développer l’agriculture digitale

Yves Madre rejette un système d’aides à l’actif : « Les agriculteurs ne feront plus ce que l’on attend d’eux, à savoir produire ». Il défend une Pac incitative, de transition vers la double performance environnementale et économique et regrette que l’agriculture digitale, de précision, ne soit pas plus développée en Europe. « C’est l’innovation qui protégera les filières européennes. Il sera difficile de protéger nos marchés en invoquant des normes sociales et environnementales supérieures. Une telle politique de fermeture aux frontières se prête à la réciprocité ce qui peut fermer l’accès de nos produits à certains marchés ». Le fonds européen dédié à l’innovation, de 10 milliards d’euros, peut, selon lui, être affecté à cette agriculture de précision. « Financer la recherche, certes, mais surtout les initiatives nouvelles dans les fermes ». Dans l’immédiat, il s’agit, selon l’économiste, de négocier un réglement de transition pour la période 2021-2024, puis, de définir le modèle agricole des 15 prochaines années.

Budget en hausse pour la sécurité...

Les États membres ne veulent pas augmenter le budget global de la Pac qui ne représente que 1,114 % du revenu national brut. Pourtant, quelques hausses budgétaires sont prévues dans des domaines jugés prioritaires (migration, sécurité, défense, numérique…). Cette politique sera- t-elle financée aux dépens de l’agriculture ? La commission annonce une baisse de 5 % du budget agricole mais celle-ci est bien supérieure en euros constants (12 %). Pour la France, cela représente une baisse de 9 % d’aides directes et de 23 % du soutien au développement rural en euros constants. Pour le revenu agricole, cela représente moins 9 % environ en 2027, lié à cette baisse du budget, tout étant constant par ailleurs.


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