Un marché encombré par la sécheresse et des consommateurs toujours plus attirés par le haché génèrent une forte tension sur les prix des bovins. - Illustration Marasme économique en viande bovine
Un marché encombré par la sécheresse et des consommateurs toujours plus attirés par le haché génèrent une forte tension sur les prix des bovins.

Marasme économique en viande bovine

Sécheresse, pression internationale, progression du haché… Plusieurs facteurs se cumulent, entraînant une année extrêmement tendue pour les éleveurs en viande bovine.

En production bovine aussi, faire des prévisions économiques est un exercice compliqué. Alors qu’en 2013 les spécialistes envisageaient la poursuite de l’érosion du cheptel allaitant français, celui-ci a rebondi jusqu’en 2016. Plusieurs explications à cela : les incertitudes liées à la Pac, la fin des références PMTVA en lien avec la mise en place de l’Aide aux bovins allaitants (ABA) ou encore le rattrapage suite à la sécheresse de 2013. Mais depuis fin 2016, les effectifs chutent brutalement », a précisé Éva Groshens, du Groupe économie du bétail – Institut de l’élevage (Geb – Idele), lors de la journée Grand Angle Viande qui s’est tenue le 13 novembre à Paris, avec une retransmission en direct sur quatre sites en province (dont l’Inra du Rheu en Bretagne).

Cessations en hausse

« Après une capitalisation de 110 000 vaches allaitantes (VA) d’octobre 2013 à octobre 2016, la perte est de 140 000 têtes d’octobre 2016 à octobre 2018. Des prix médiocres sont en cause. Il y a eu un coup de frein dans les agrandissements et une accélération des arrêts d’exploitation. » Alors que sur les dix dernières années, 800 fermes de plus de 20 VA cessaient leur activité annuellement, entre 2017 et 2018, le nombre chute de 1 500 exploitations.

Par ailleurs, la sécheresse a fortement pénalisé le rendement des prairies, en Europe du Nord notamment. Les abattages de vaches sont en forte hausse, notamment laitières : + 3 % sur les 7 premiers mois de l’année sur l’Union européenne. D’août à octobre, ce sont 50 000 vaches de plus qu’en 2017 qui ont été abattues par l’Irlande, les Pays-Bas et l’Allemagne, les trois principaux pays fournisseurs de la France. « Les prix des vaches O sont en chute partout en Europe », souligne Caroline Monniot, du Geb – Idele. En France, les abattages de vaches laitières en juillet – août – septembre sont en hausse de 4,7 %, avec un pic vraiment marqué dans l’Ouest et le Grand Est. En vaches allaitantes, on ne note pas de hausse des abattages en Bretagne, contrairement au Limousin.

Moins d’achats de viande bovine

Globalement sur les 7 premiers mois de 2018, les disponibilités de viande bovine, tenant compte de la production et des importations, sont en hausse de 2,4 %. En parallèle, les achats des ménages baissent de 2,6 % sur les 9 premiers mois de l’année, dont – 6,6 % en boucherie traditionnelle. « Les consommateurs réduisent leur fréquence d’achat mais aussi le volume acheté à l’acte. »

Par contre, la tendance de fond engagée depuis quelques années en faveur du steak haché se consolide. « Le ‘ fast-food’ continue à se développer et le ‘burger’ prend de l’ampleur en restauration traditionnelle. » Globalement, la viande est de plus en plus consommée transformée et moins en morceaux nobles. « Ce qui génère une pression sur les prix des vaches allaitantes. » Sur les jeunes bovins, le marché est également encombré. Les prix ne redécollent pas en France. « Les Sud-Américains et les Espagnols sont plus agressifs sur les marchés d’export en vif », souligne un opérateur français. « Mais les mâles sont moins nombreux dans les classes d’âge plus jeunes et l’engorgement devrait se résorber dans les mois prochains », projette l’Idele.

Chute des naissances sur 2017 / 18

Autre phénomène marquant sur la campagne juillet 2017- juin 2018 : la forte chute des naissances (- 5 %) qui ne s’explique pas seulement par la décapitalisation. « Hors effet cheptel, les naissances en vaches allaitantes sont en baisse de 2,8 %, sans effet race. À noter que les vaches laitières sont également touchées par une baisse de productivité sur la même période », note Éva Groshens. Le Limousin est la région la plus touchée en allaitant, avec 4 à 5 % de naissances en moins, hors effet cheptel, sur un an.

« La qualité des fourrages en 2016 est surtout incriminée. La FCO (fièvre catarrhale ovine) ou une infestation parasitaire plus importante sont aussi évoquées… » En Bretagne, la baisse est plus nuancée, de 2 à 3 %. En cette fin d’année, les taux de fertilité sont plutôt meilleurs, les naissances devraient augmenter. Du fait des moindres disponibilités, « les exportations de broutards ont été en baisse de 4,5 % sur les 9 premiers mois de 2018. Les prix sont en hausse par rapport à 2017 », détaille Caroline Monniot.

Baisse de production attendue sur 2019

Cette année, la production nette française de viande bovine devrait être en hausse de 2 % par rapport à 2017. En femelles, l’offre devrait s’accroître de 4 %. Sur 2019, les prévisions vont plutôt vers une baisse de production de 4 % si on retient l’hypothèse d’une poursuite de la décapitalisation allaitante liée aux stocks fourragers moins importants, aux problèmes de trésorerie et à une rentabilité toujours très difficile. Dans ce paysage, un signe est positif : les Polonais projettent de plafonner leur production en 2019. Du jamais vu depuis une dizaine d’années… Caroline Monniot, Groupe économie du bétail, Institut de l'élevage


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