Cap sur l’autonomie protéique

Si la station de Mauron est spécialisée en viande bovine, son responsable, Daniel Le Pichon, assure que tous les éleveurs, « allaitants, laitiers, conventionnels ou bio », ont des idées à prendre, jeudi 24 mai, concernant l’engraissement et la finition des animaux, la conduite de pâturage, la production de légumineuses ou la qualité des fourrages…

[caption id=”attachment_34902″ align=”alignright” width=”239″]Daniel Le Pichon, responsable de la station expérimentale des Chambres d’agricultures de Bretagne  à Mauron (56), mène notamment des essais de cultures de luzerne comparant semis d’automne et semis de printemps. Daniel Le Pichon, responsable de la station expérimentale des Chambres d’agricultures de Bretagne à Mauron (56), mène notamment des essais de cultures de luzerne comparant semis d’automne et semis de printemps.[/caption]

En 2010 – 2012, les stations ont démontré qu’il était techniquement possible de remplacer le tourteau de soja par des protéines issues de cultures maison -lupin, pois, féverole- dans les rations. Jeudi 24 mai, quels nouveaux résultats allez-vous présenter ?

Nous avons poursuivi nos travaux en s’intéressant à la luzerne et au trèfle violet. Nous sommes en mesure de communiquer sur le remplacement total du soja grâce à ces légumineuses pour l’engraissement de jeunes bovins (JB) ou la finition de femelles de race à viande. Par exemple, en ration JB à base de céréales, cela fonctionne tout en gardant, c’est important, le même niveau de performance technique. Pour un régime ensilage de maïs, cela reste plus difficile.

Nous avons également élevé des génisses blondes d’Aquitaine abattues à 32 mois à 490 kg de carcasse sans tourteau de soja : herbe pâturée à la belle saison et en hiver, un régime un tiers de maïs ensilage – deux tiers d’ensilage d’herbe… Et en finition, luzerne enrubannée et maïs grain humide.

Mais est-ce rentable de se passer de soja ?

Avec les protéagineux (lupin, féverole, pois) ou les légumineuses fourragères (luzerne, trèfle), les rations fonctionnent bien mais la diminution des surfaces de cultures de vente en faveur de ces productions pénalise l’équilibre économique de cette stratégie. Toutes filières confondues, difficile de trouver une alternative à un tourteau de soja à 350 € / t ou moins.

Sur la finition des femelles, nous avons testé un certain nombre de rations à base d’ensilage d’herbe, de maïs ensilage, de luzerne enrubannée ou de maïs grain humide en évitant l’achat de correcteurs azotés. Le maïs ensilage était maintenu car c’est quand même une culture intéressante chez nous alliant bon rendement, bonne valorisation des effluents et richesse en énergie… À l’arrivée, nos formules maison donnent d’aussi bons résultats qu’un mash du commerce ou un maïs ensilage complémenté par du soja. Pour un soja à 380 ou 390 € / t, on atteint une marge équivalente sur la finition de femelles. Pour les JB, l’équilibre se situe plutôt pour un soja à 400 à 420 € / t. Mais au-delà du prix du tourteau, il faut appréhender la demande du consommateur qui s’intéressera davantage demain au sans-OGM, aux fameux acides gras oméga 3 favorisés par le pâturage et les légumineuses distribuées, aux cultures limitant les intrants…

À l’herbe, vous annoncez des GMQ entre 800 et 900 g sur de jeunes génisses blondes d’Aquitaine, 1 000 à 1 200 g en seconde année. Et jusqu’à 1 500 g sur des croisées ou des Charolaises sans apport de concentrés…

Quelle est la recette ?

Jusqu’à aujourd’hui, pour de bonnes performances en croissance ou en finition, nous préconisions un circuit de 5 ou 6 paddocks au printemps et un peu plus quand la pousse ralentit. Actuellement, nous comparons cette conduite avec le pâturage tournant dynamique dont on entend parler : 6 paddocks au printemps puis 12 à l’automne pour la parcelle « témoin », 10 puis 20 paddocks pour la parcelle « tournant ». En 2017, nous avons obtenu 1 200 g de GMQ dans les deux cas… Notre message : pour allier bonne pousse de l’herbe et croissance des animaux au pâturage, il y a des décisions à prendre avant, pendant et après la saison à l’herbe : surface nécessaire, anticipation de la pousse, débrayage opportun et fauche rapide avant ré-introduction du paddock dans le circuit pâturé… À nos yeux, le système tournant dynamique est une vraie solution pour valoriser l’herbe. Mais beaucoup de paddocks signifie beaucoup de clôtures et de points d’eau, de petites surfaces à faucher quand on les retire de la boucle…, avec parfois plus de contraintes et de travail.

Une vraie place pour les croisés en Bretagne

Filets et faux-filets ne rentrent pas dans les barquettes, les grosses entrecôtes dépassent de la poêle. « Interbev Bretagne a ainsi demandé des essais sur la production de carcasses de 300 kg issues de notre cheptel laitier régional conséquent où l’usage de la semence sexée se développe. C’est-à-dire utiliser ce potentiel important de naissance de veaux croisés aujourd’hui et demain. » A la recherche d’une viande jeune, rouge, persillée, pour répondre aux circuits Grandes et moyennes surfaces (GMS) et RHD (restauration hors-domicile) demandeuses de pièces plus réduites abordables en termes de prix au consommateur et gardant une certaine épaisseur adaptée à la cuisson. « Notre idée : croiser les femelles laitières avec des races à viande précoces type Angus, Hereford voire Limousine. Lors du 1er essai, nous avons obtenu des carcasses de 300 kg classées O+ / R-, homogènes en termes de couleur, d’état, de persillé et de tendreté, à partir de croisés limousins (mâles et femelles) en régime maïs ensilage ou ensilage de maïs et d’herbe associés (et test d’apport de pulpe de betterave ou de luzerne déshydratée en finition). » Les abatteurs ont semblé satisfaits et les tests de dégustation à l’aveugle encourageants. L’expérimentation se poursuit jusqu’en 2019 avec des croisés Angus, Hereford et Limousins. En cherchant notamment l’alternative à un régime maïs ensilage – tourteau de soja moins « vendeur » pour le consommateur en incluant l’ensilage d’herbe et / ou le pâturage tout en maintenant une croissance soutenue. « Cette filière ne remplacera pas Blonde, Limousine ou Charolaise chez les bouchers. Mais la France important des quartiers de vaches laitières, si nous ne produisons pas ce type de viande, elle nous viendra bientôt du Canada ou d’Amérique du Sud. Il y a la place pour le faire en Bretagne ! »

Rendez-vous technique du 24 mai à Mauron (56) : 11 ateliers en accès libre : conduite de la luzerne, fauche et valeur alimentaire, doses de semis pour une prairie durable, rentabilité en viande bovine, engraissement des JB, élevage des génisses, finition des femelles, conduite du pâturage, efficacité alimentaire, qualité des viandes, croisées issues du troupeau laitier… de 10 h à 17 h. Inscription indispensable pour les repas : 02 97 46 28 30.


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