Une rénovation de la contractualisation

La charge donnée aux producteurs de proposer en premier les contrats est une vraie innovation, qui devrait surtout affecter la filière laitière et y renforcer le rôle des organisations de producteurs.

À la lecture du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable », présenté le 31 juillet en Conseil des ministres, et sous réserve de l’issue des débats parlementaires qui devraient débuter en mars-avril, difficile de savoir ce qu’il en sera de la « mise en place d’une contractualisation rénovée ». Dans les mots d’Emmanuel Macron, cette contractualisation « rénovée » se décomposait en deux mesures principales : « Un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus par les acheteurs » et une « construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ». Le projet de loi issu des États généraux de l’alimentation aborde bien ces deux questions.

Meilleure intégration des coûts de production ?

Sur le thème de la « prise en compte des coûts de production », le texte se lit en deux parties, une pour chaque étage des relations commerciales, qui correspondent à l’effet de « cascade » recherché. Au premier étage (agriculteurs-transformateurs), le texte ne semble pas apporter de grandes innovations par rapport à la loi Sapin 2 ; il impose de « prendre en compte » les coûts de production des agriculteurs dans « les critères et modalités de détermination du prix » ; tandis que la loi Sapin 2 imposait déjà d’y « faire référence ». Un transfert de sémantique qui divise les spécialistes : la nouvelle notion est-elle plus précise et plus contraignante ?
De plus, certains s’interrogent sur la compatibilité de ce texte avec les jurisprudences de l’Autorité de la concurrence française et du droit de la concurrence européen ; sujet sur lequel semblait déjà buter la loi Sapin 2.

Généralisation du prix prévisionnel d’achat

Au second étage de la relation commerciale (entre le transformateur et son client), la prise en compte des coûts de production consiste à faire apparaître ces mêmes indicateurs (de prix et de coûts de production) dans le contrat de vente du transformateur qui avait contractualisé avec un agriculteur. Jusqu’ici, seuls les transformateurs de lait devaient indiquer « un prix prévisionnel » d’achat aux producteurs dans leurs conditions générales de vente.

« Difficile de penser que cette mesure pourra permettre de remonter de la valeur », estime Jean-Baptiste Millard, avocat de droit rural. Pour Catherine Del Cont, enseignante de droit rural à l’université de Nantes, le texte est « une reprise – plus qu’une innovation » – des dispositions de la loi Sapin 2 et dans une certaine mesure de l’article du règlement Omnibus qui propose l’insertion de clauses de répartitions de valeur dans les contrats de cessions.

Renverser la charge de proposition du contrat

Le second point promis par Emmanuel Macron – l’inversion de la proposition du contrat – est une vraie innovation ; le texte instaure que « la conclusion d’un contrat de vente écrit (…) est précédée d’une proposition du producteur agricole ». Cette inversion de la proposition du contrat, jusqu’ici réservée au transformateur, devrait avoir des conséquences importantes dans la filière laitière, où la contractualisation a été rendue obligatoire par l’État en 2010 et où la structuration en organisation de producteurs est encore en cours. « Le fait de renverser la charge de proposer le contrat nécessite de la part des producteurs qu’ils aient les compétences pour le proposer », alerte cependant Jean-Baptiste Millard. D’où l’intérêt d’adhérer à une organisation de producteurs.


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