Un marché aux légumes frais ouvert 24/24h

Depuis 2013, Jimmy et Gwendoline Jourdain écoulent une partie de leur production maraîchère grâce à un distributeur installé à deux pas d’une grande surface guingampaise. Une autre façon d’envisager la commercialisation en circuit court qui pourrait bien faire des émules.

Tandis que sous une serre, Jimmy remplit son panier de courgettes, Gwendoline s’active dans la remise à mettre en sachet des tomates fraîchement cueillies. Elle les pèse et les aligne avec précaution dans une cagette. En saison, la journée débute toujours ainsi : récolte et préparation…

Dès lors, on pourrait s’attendre à ce que la jeune femme charge les légumes dans une camionnette, avec bâches et tréteaux, bref, tout l’équipement pour partir faire le marché. Une logique qui prévaut en maraîchage quand on veut vendre en circuit court*. Mais avec Jimmy, elle a choisi une autre façon de faire. Une façon qui leur convient mieux, en accord avec leur « philosophie » d’entrepreneurs agricoles : petite exploitation, travail en famille et autofinancement. Ce qui ne signifie pas, loin de là, que le couple tourne le dos à l’innovation et au bon sens. (cf. encadré).

[caption id=”attachment_31432″ align=”aligncenter” width=”720″]serre Récolte au petit matin en vue de réapprovisionner le distributeur. Finies les tournées de livraison, Gwendoline et Jimmy disposent désormais de plus de temps pour travailler au potager et se concentrer sur l’essentiel : proposer aux clients des légumes frais, cultivés à l’ancienne ![/caption]

La valeur temps

« Quand on a créé le potager, raconte Gwendoline, on a commencé par vendre nos légumes, ici, sur place, mais aussi en paniers. Les clients commandaient sur le site et deux fois par semaine, je partais livrer des points de rendez-vous situés en centre ville, à Plérin, Ploufragan, Châtelaudren ou Plouha… En dix minutes, pas plus, c’était fait, mais avec le carburant consommé, la tournée avait un coût économique (et écologique) et puis, cela nous prenait beaucoup de temps ».Toujours à l’affût de ce qui peut rendre le travail plus efficace, ces adeptes du système D découvrent un jour, sur Internet, le principe du distributeur de légumes.

Ils contactent un fournisseur, mais aussi quelques agriculteurs déjà équipés de l’appareil. Rassurés par un retour positif, ils se décident à investir et au printemps 2013, le premier distributeur de Bretagne dédié aux légumes frais est mis en service. « Bien sûr, il y avait un risque, mais plusieurs éléments nous ont incités à le prendre. Le calcul était simple : ce système permettait de dégager du temps pour travailler au potager tout en rendant nos légumes disponibles en permanence à la vente ».

La qualité de leur production étant déjà reconnue, le challenge consistait pour les Jourdain à bien communiquer pour que la clientèle accepte de changer d’habitudes. « On a d’abord acheté un appareil à 24 casiers, puis on en a rajouté 12. L’effet nouveauté a joué en notre faveur : on a eu plusieurs articles dans la presse locale et un reportage télé… On a pris soin d’en parler aux clients et de relayer l’information sur notre site et Facebook. Et puis, on a organisé trois démonstrations pour bien expliquer le fonctionnement ».

[caption id=”attachment_31431″ align=”aligncenter” width=”720″]Gwendoline-jourdain Comme chaque matin en saison, Gwendoline vient remplir ses casiers. Presque tous les assortiments mis en vente la veille ont trouvé preneur. Installé sur un parking de Grâces, à deux pas d’une grande surface guingampaise et de la RN 12, le distributeur du Jardin « Mod kozh » a vite conquis le cœur d’une clientèle qui apprécie de ne plus avoir à se rendre au potager – sur rendez-vous – pour faire le plein de légumes frais.[/caption]

Rester à l’écoute

Aujourd’hui, Gwendoline et Jimmy écoulent une bonne partie de leur production grâce au distributeur. « Les gens apprécient de pouvoir acheter « local » sans avoir à se déplacer jusqu’au potager ».
Et quand Gwendoline vient réapprovisionner l’appareil, elle en profite pour entretenir le « contact » avec ses clients : « J’ai même installé un tableau pour afficher des recettes de saison et une boîte aux lettres pour ceux qui veulent nous laisser un petit message ».

Justement, tandis que Gwendoline recharge les casiers d’assortiments de saison, un curieux s’approche. Elle le salue et lui demande en quoi elle peut l’aider.
« Pardon, mais ça fonctionne comment… sur commande ? », l’interroge-t-il.
L’inscription « libre-service » a beau figurer en gros sur l’abri de bois, la mode des « paniers » réservés en ligne est passée par là…
« Non, lui répond-elle, vous choisissez votre casier et vous payez la somme indiquée sur l’étiquette. L’appareil vous rend la monnaie et la porte s’ouvre ».
« Ah d’accord, merci, c’est une bonne idée, le principe m’intéresse ! ».
Peut-être un futur client pour Gwendoline et Jimmy, voire un nouvel ambassadeur…

Une journée qui commence bien !

*42 % des ventes se font sur les marchés et 16 % à la ferme, selon une enquête réalisée en juin 2013

  • Distributeurs de légumes frais et de conserves : 7 rue St-Jean 22 200 Grâces (près de Carrefour).
  • Jardin Mod Kozh : 1 kerangoff – 22390 Pont-Melvez
  • Vente à la ferme sur commande et RDV  – 06 04 40 81 23 – jardinmodkozh@orange.fr
  • Site : www.jardinmodkozh.com

La clé de l’autofinancement

Fille et petite fille d’agriculteur, Gwendoline travaille d’abord comme saisonnière en « fleurs coupées ». Les plantes, le jardinage font partie de la culture familiale. Non seulement elle « connaît », mais en plus, elle a la fibre ! Jimmy, son futur mari, est chauffeur de poids lourds. Tous deux croient en un projet de vie : vivre et travailler ensemble, à domicile, sans salarié. Ils se mettent à chercher une maison avec un peu de terre pour devenir maraîchers, mais à leur rythme, sans s’endetter sur 20 ans ou 30 ans. En 2010, ils rachètent une fermette à des Anglais et s’y installent avec leurs deux enfants : Fanch et Youenn. L’exploitation et les travaux d’aménagement commencent avec un principe de base : l’autofinancement. Petit à petit, ils s’équipent de serres, d’un tracteur, de rotos… essentiellement achetés d’occasions. Jimmy ne lâche son poste de chauffeur que quand l’exploitation devient assez rentable pour faire vivre la famille. Rien d’extraordinaire à vrai dire : juste conjuguer le bon sens paysan aux nouveaux usages de la clientèle. Rien d’extraordinaire, certes, mais c’est peut-être en cela que Gwendoline et Jimmy sont, à leur façon, de véritables extra-terrestres.

Pierre-Yves Jouyaux


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