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“Difficile consensus européen”

Pour Michel Dantin, député européen à Bruxelles depuis 2009, la diplomatie agricole n’aboutit à aucun consensus et bloque les avancées sur de nombreux dossiers européens.

L’agriculture française pèse en Europe. Mais le modèle agricole français est-il défendable à Bruxelles ?

On croît tous en l’avenir de l’agriculture. Le modèle français n’est pas si différent de celui des autres pays européens. Notre spécificité : on est concerné par toutes les productions. On a des intérêts à défendre dans tous les secteurs. À Bruxelles, il faut faire fonctionner la diplomatie agricole, qui repose sur les politiques, les agriculteurs et leurs représentants syndicaux. Que ces derniers soient présents sur le terrain, c’est bien. Mais aujourd’hui, on a besoin d’eux pour peser dans les discussions européennes. Le président du principal syndicat agricole allemand DBV me salue régulièrement dans les couloirs de Bruxelles. Les Allemands y ont une présence remarquée qui pèse sur les décisions…

Et au-delà de la présence – indispensable —, il faut comprendre les autres et se faire comprendre par les autres pays. Par exemple, sur le volet assurantiel des productions, nous avons un modèle mutualiste en tête, qui n’existe pas dans les autres pays. Il faut donc expliquer et convaincre pour atteindre nos objectifs. Et nous pouvons aussi apprendre des autres. Nous soutenons les organisations de producteurs (OP) par entreprise. Pour moi, c’est une erreur. Ce sont les OP par filière et par territoire qui ont acquis le plus de poids. La loi va devoir revenir sur ces questions.

La régulation est basée sur le volontariat. La mesure aurait été plus efficace avec une position plus ferme.

En 2012, j’avais présenté la proposition Dantin, basée sur une indemnisation en période de crise pour une baisse de la production de 5 % et d’une taxe aux producteurs en cas de hausse de production. Elle a été rejetée au Conseil des ministres sous la pression de l’Allemagne, qui espérait conquérir des marchés aux dépens des autres. La position du Royaume-Uni, avec son vote en faveur du Brexit, devrait permettre des échanges plus constructifs au sujet des outils de régulation.

La Commission européenne a mis des solutions sur la table. Mais les Ving-huit sont incapables de faire un pas les uns vers les autres. Pour passer à la régulation obligatoire, il fallait un vote à l’unanimité. On n’y arrive pas. Je sens poindre un certain épuisement à ne pas dégager un consensus. Il faut pourtant faire des concessions pour vivre ensemble dans l’Europe. Maintenant, il faut trouver de nouveaux outils de prévision et de gestion. Nous sommes un peu secs devant la copie. L’observatoire du lait devrait être un outil intéressant avec des données exploitables du mois précédent : la Commission sera en phase avec le marché.

Le budget de la Pac a-t-il du souci à se faire pour son avenir ?

Si certains pays s’élevaient contre la Pac, les données ont évolué depuis 8 ans, avec l’envolée des prix agricoles en 2008. Le budget de la Pac voté en 2013 (-30 %) n’a rien à voir avec celui
annoncé en 2009. Mais on a observé une prise de conscience forte à Bruxelles : quand on maîtrise la production, on peut contrôler la qualité tout au long de la chaîne. C’est une force pour l’Europe.

Si le budget de la Pac est remis à plat tous les 7 ans, la Pac votée fin 2013 n’est pas entièrement mise en œuvre dans tous les pays, dont la France. Quelques difficultés sont apparues sur le verdissement et les outils de régulation. Pourtant, je ne suis pas sûr qu’il y aura une nouvelle réforme de la Pac en 2020. Des correctifs vont être apportés en 2018, à mi-parcours. Et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a préalablement sillonné l’Europe avant son élection de 2014. Il est partisan que l’Europe ne peut pas s’occuper de tout et que les lignes ne peuvent pas bouger en permanence.
Propos  recueillis par Carole David


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