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Le tourteau de soja fait de la résistance

Le mois dernier, nous nous félicitions du reflux des cotations du tourteau de soja sur le marché français. Bien mal nous en a pris. Les quelques réserves émises face à un scénario plus rose, se sont malheureusement concrétisées.  

En premier lieu, les triturateurs américains peinent à s’approvisionner et à livrer leurs contrats. Dans la moitié sud du pays, les graines foncent directement dans les canaux d’exportations ou vers les usines de trituration, alimentant en flux tendus les nombreux clients en mal de soja. (Rappelons-nous qu’aux USA, les stocks de fin de campagne en septembre n’avaient plus jamais été aussi bas depuis 40 ans).

Un approvisionnement difficile aux USA

Dans le Midwest, la récolte est très en retard et les graines ne passent pas par la case stockage.  Entre des agriculteurs peu pressés de vendre, des taux de protéines parfois incompatibles avec les garanties contractuelles des tourteaux, et de réels problèmes logistiques ferroviaires (le transport de l’énergie a saturé le réseau dans le nord), les triturateurs ne sont pas à la fête côté approvisionnement. Pour ce qui est des marges, les choses vont cependant très bien pour eux, puisque le tourteau vaut toujours plus cher que la graine pour l’instant (ratio de 1,12 fin octobre). Les éleveurs, dont les besoins sont en hausse, portés par les prix élevés du bétail, vont jusqu’à doubler leur contrat pour être sûrs d’être livrés, ce qui participe un peu plus à la hausse des prix. Sur le marché de Chicago, le contrat de tourteau sur la première échéance a pris 30 % le mois dernier. Cerise sur le gâteau, les investisseurs, qui avaient joué la baisse du soja devant l’alourdissement du bilan mondial, ont racheté  leurs contrats à découvert. Ce changement de stratégie a démarré lors des inquiétudes sur les indices boursiers et s’est accentué sur la base de nouvelles fondamentales plus haussières pour le soja (météo adverse sur la récolte US et les semis sud-américains).

Graines non disponibles en Amérique du Sud

La deuxième réserve concernait la prise en otage des graines par les agriculteurs argentins, dont l’issue dépendait de la décision ou non du gouvernement de dévaluer sa monnaie. Mme Kirchner a clairement fait savoir qu’il n’était pas question de toucher au peso et semble chercher d’autres options pour débloquer les exportations. Un agrément a été trouvé entre le gouvernement d’une part et les triturateurs et exportateurs d’autre part, qui pourrait faciliter un peu les choses. Mais de là à provoquer un déluge sur le marché, il y a un énorme pas qu’il est difficile de franchir. Face à l’Argentine, notre fournisseur officiel qu’est le Brésil, reste attentiste. Les stocks y sont largement épuisés et les transformateurs gardent une grande partie des coproduits pour alimenter un marché intérieur très demandeur (biodiesel et tourteaux). Les importateurs français doivent donc faire avec, et ne s’aventurent pas à charger plus qu’il ne faut !  Ne restait plus qu’une parité €/$ renchérissant les importations pour porter l’estocade finale, et nous voilà avec un tourteau de soja dont le prix a retrouvé des couleurs, passant de 350 €/t à 420 €/t en un mois à Montoir…

Des alternatives limitées

Les consommateurs européens et français se sont rapidement jetés sur le colza cette saison, lui permettant un début de campagne en fanfare. Mais ce qui est pris n’est sans doute plus à prendre, et le rythme de trituration devrait ralentir face à l’arrivée des tournesols et aux marges excellentes pour le soja. Côté importations, on attend avec impatience la montée en puissance des tourteaux de tournesol « high pro »* en provenance de Mer Noire. Mais les récoltes russes et ukrainiennes sont en baisse, et les agriculteurs peu enclins à vendre, limitant le potentiel exportable de ces deux pays. De plus, les usines de trituration sont largement implantées dans l’Est de l’Ukraine et leur activité est entravée par le conflit dans cette région.

Le frein de la logistique américaine

Pour l’instant, les USA restent les fournisseurs les moins chers en tourteau sur le marché mondial, et leurs ventes à l’exportation sur le coproduit ont augmenté de 37 % par rapport  à la même époque 2013. Mais les embarquements sont à la peine et certains contrats pourraient être exécutés à partir d’Amérique du Sud, un comble alors que le pays engrange une récolte historique.  Vous l’avez compris, tant que les États-Unis seront seuls à la manœuvre, nous devrons attendre la détente de leur marché intérieur. Mais il faut rester optimiste, car leur bilan est particulièrement lourd cette saison, avec un stock qui pourrait passer de 3 à 12 Mt entre le début et la fin saison. Leur ratio stocks/utilisation est attendu officiellement à 12,6 %, un niveau très élevé pour le pays et en très forte augmentation par rapport à la précédente campagne (2,6 %). Pour l’instant, le squeeze sur le tourteau ne concerne que l’approvisionnement de court terme, et il faudrait vraiment de très mauvaises nouvelles en provenance d’Amérique du Sud pour changer la donne.  Là-bas, l’oléagineux continue à être plébiscité, représentant la seule véritable alternative pour les agriculteurs argentins et brésiliens face à l’inflation. La météo va donc prendre une importance cruciale dans les prochains mois. Patricia Le Cadre, Céréopa, www.vigie-mp.com

* Riches en protéines (36 – 40 %)


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