ferme-miniature-botsorhel-yann-lever - Illustration Ma ferme au format poche

Ma ferme au format poche

Yann Lever est étudiant en lycée agricole. Il projette de s’installer après ses études. En attendant, ce passionné de modèles réduits agricoles s’est lancé le défi de reproduire la ferme familiale en miniature, matériel compris. Itinéraire d’un étudiant qui voit grand dans le monde du tout petit.  

« Quand j’étais enfant, j’aimais jouer avec les petits tracteurs. Maintenant, mon truc, c’est de les fabriquer », lance Yann Lever, étudiant en 1ère S au lycée agricole du Nivot (29). L’étincelle a eu lieu lors d’une visite  à l’exposition de miniatures agricoles de Plourin-lès-Morlaix (29). Alors âgé de 10 ans, Yann Lever est fasciné par les univers reproduits qu’il découvre. Il se met à rêver de présenter, lui aussi, ses propres maquettes. Deux ans plus tard, il y expose son premier « diorama », un décor présentant « un ensemble de parcelles cultivées de blé, de maïs… ».

[caption id=”attachment_9518″ align=”aligncenter” width=”300″]Yann Lever s’est aménagé un petit atelier Yann Lever s’est aménagé un petit atelier où il passe une partie de son temps libre à concevoir des éléments de machinisme en miniature.[/caption]

Une pailleuse en carton

Puis, il se lance un challenge : reproduire au 1/32e l’exploitation de ses parents à Botsorhel (29). Pour ce faire, il arpente les lieux double-décamètre à la main. De ces mesures grandeur nature, il élabore des croquis en s’appuyant aussi « sur les plans d’architecte des bâtiments. » Outre les étables et hangars, silos, tas de bois ou chemins, s’il y a bien une chose que Yann aime reconstruire en tout petit, c’est le matériel. Au départ, en travaillant presque avec des bouts de ficelles, il apprend celles du métier : « des matériaux de récupération comme le bois de cagettes… » Pour sa première, le jeune homme épingle la pailleuse de la ferme à partir de carton. Puis c’est le tour de l’andaineur où la finesse des peignes de la maquette en dit déjà long sur le coup d’œil et le doigté de l’auteur au point d’impressionner ses parents qui sont « toujours surpris du résultat » et apprécient « tout ce travail de recherche et de production de croquis qui fait travailler la matière grise » de leur fiston. Parallèlement, en classe de 4e et de 3e, il met à profit les « cours de techno » pour découvrir le dessin industriel sur ordinateur et l’usinage.

Astuces et critiques sur les forums

Pour apprendre les techniques de conception de modèles réduits ou découvrir les outils adaptés à cette pratique, l’une des ressources principales de Yann est depuis le départ sur internet et les forums sur lesquels échangent les initiés. « Les passionnés y présentent leurs réalisations, étape par étape avec des photos et des astuces de fabrication. Moi aussi, je poste des images de mon travail. Au début, quand je n’avais aucune expérience, que je débutais sans matériau ni matériel adéquats, je récoltais quelques commentaires critiques mais aussi des conseils. Peu à peu, j’ai reçu de plus en plus d’encouragements et, aujourd’hui, c’est même des commandes. En fait, au fil des années, il y a de plus en plus de personnes qui rejoignent cette communauté du monde à l’échelle 1/32e. »

100 heures par remorque

Après ces tests réussis, Yann, mordu, va peu à peu professionnaliser sa pratique entre autres par l’achat de « vrais matériaux » et d’équipements adaptés : « J’ai découpé mes premières plaques d’evergreen ou styrène au cutter. Puis en 2012, j’ai acquis une fraiseuse manuelle pour découper plus proprement les barres de profilé par exemple. J’ai aussi une Dremel, une scie à chantourner, et un aérographe, un petit pistolet à peinture branché sur un compresseur. » Dans son atelier, l’étudiant travaille notamment à la reproduction des remorques Rolland et tonnes à lisier Pichon garées dans la cour de la ferme. Jeu de patience, obsession du détail, travail de précision… Il lui aura fallu plus de six mois, « en y consacrant week-ends et vacances scolaires, près de 100 heures par exemplaire », pour réaliser une série de quatre remorques Rolland : monter la caisse et les ridelles en feuille de plastique de 0,5 mm d’épaisseur, coller les poteaux et renforts, mastiquer l’ensemble avec une pâte, poncer au papier de verre, effectuer deux passages d’apprêt (sous-couches grises) avant de peindre à cinq reprises les éléments aux couleurs originales… Trois d’entre elles lui ont d’ailleurs été rachetées par des collectionneurs à 200 € pièce. Une forme de reconnaissance.

Mesurer, c’est comprendre

« Ce que j’aime, c’est essayer de fabriquer. Et quand ça ne marche pas, recommencer, chercher… quand on observe sous tous les angles et qu’on mesure une machine, on comprend beaucoup mieux comment elle fonctionne », explique Yann qui joint, le challenge à sa passion. « Sur internet, je vois de très belles réalisations. Et je me dis pourquoi pas moi. A chaque fois, c’est un défi personnel. » Il n’y a que les tracteurs qu’il ne conçoit pas lui-même. Il les achète avant de les customiser. « Je les modifie, j’ajoute des éléments car dans le commerce ils sont produits en grande série donc les détails sont moins poussés. »

Depuis un an, Yann s’est aussi équipé de nouveaux outils dans sa quête de réalisme et de précision. SolidWorks, logiciel de conception en 3D permet de générer la mise en plan avec le tracé de chaque pièce et d’anticiper l’assemblage. Sur l’écran de son ordinateur, il peut ainsi faire tourner son modèle dans l’espace et le décortiquer sous toutes les coutures.  « J’ai également investi 1 000 €, une bonne partie de ce que j’avais gagné pendant l’été, pour une fraiseuse numérique. Cet nouvel outil permet des découpes automatiques de précision à partir des plans réalisés au préalable sur le PC. » Yann d’ailleurs planche sur un nouveau projet : le télescopique Manitou. « J’y travaille depuis janvier. J’ai beau me fixer une date, je dépasse toujours mes délais. Concevoir des miniatures, ça ne va jamais vite. »

Après son bac S (option EAT Ecologie, agronomie et territoires), Yann voudrait poursuivre en BTS Productions animales ou peut-être en école d’ingénieur. Et ensuite ? « Parfois, j’aimerais travailler dans la conception de machines. Parfois j’ai peur d’en faire trop en consacrant tant de temps à ma passion. Mais mon objectif prioritaire reste de m’installer… » En attendant, il a encore du pain sur la planche pour faire le tour du parc des équipements : l’autochargeuse Belair, l’épandeur à fumier Rolland, le round-baller Lely… « plus je traîne, plus mes parents et mon frère risquent de renouveler du matériel… » Toma Dagorn


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