Changer de regard sur les sauvages de ma rue

Yves Corre connaît parfaitement les végétaux sauvages se développant en milieu urbain. En connaissant mieux ces êtres vivants, on finit par les apprécier.

Ah, la douce balade campagnarde qui fait, en respirant à pleins poumons, sentir les effluves printaniers perceptibles après une pluie d’orage, et qui nous fait oublier les odeurs moins attractives de l’espace urbain… La ville, pour les populations rurales, peut parfois se résumer à un environnement artificiel, neutre, gris. Pourtant, à y regarder de plus près, les trottoirs, murs et autres routes sont jalonnés çà et là de divers végétaux, à côté desquels le flâneur des villes passe sans même les apercevoir. L’herbe souvent qualifiée de mauvaise pour ne pas avoir à s’embêter à la distinguer, fait partie de notre patrimoine et de la biodiversité. Elle a comme tout organisme vivant une fonction, si on prend toutefois le temps de s’y pencher.

[caption id=”attachment_35281″ align=”aligncenter” width=”720″]Yves Corre présente ici la Centrathus ruber, aussi appelée lilas d’Espagne, en floraison dans les rues de Morlaix. Yves Corre présente ici la Centrathus ruber, aussi appelée lilas d’Espagne, en floraison dans les rues de Morlaix.[/caption]

Elle devient belle quand on connaît son nom

Yves Corre réside à Morlaix (29), et est dans la vie professionnelle responsable des espaces verts de la ville de Saint-Pol-de-Léon (29). Ce passionné de nature organise des sorties dans la cité du viaduc pour apprendre à reconnaître ces diverses plantes colonisant les espaces urbains. « Une plante devient belle à partir du moment où l’on connaît son nom », aime-t-il résumer. Il est vrai que les orchidées ou encore les Anogramma leptophylla ont quelque chose de phonétiquement poétique quand elles révèlent leur identité. Le Finistérien s’est, après un séjour en Nouvelle-Zélande pour étudier les nombreuses espèces de fougères, spécialisé dans la flore locale sauvage. Avec l’association Bretagne Vivante, il participe à un travail de reconnaissance des espèces végétales. L’intérêt est de répertorier « ce qui pousse chez nous, pour ne pas les oublier ».

La flore nous apprend beaucoup

Certaines espèces se sont échappées des jardins, comme la Vergerette muscronée qui tapisse les murs. Originaire d’Amérique du Sud, elle colonise les espaces, au détriment d’autres espèces. « Nous observons de moins en moins de capselles. Certaines plantes disparaissent naturellement, d’autres sont poussées dehors par des invasives. La flore urbaine était auparavant plus harmonieuse, nous constatons une perte de biodiversité. Une ville sans plante, c’est une ville sans vie ». Les insectes qui se nourrissent de ces plantes font aussi partie d’une chaîne alimentaire. Ces corridors écologiques assurent la liaison entre différents habitats. Si le géranium Herbe à Robert renseigne sur un substrat riche en azote, la cymbalaire témoigne d’un réchauffement du climat, car elle est originaire du bassin méditerranéen.

 

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S’accrocher à la vie

À y regarder de plus près, on se demande comment ces espèces végétales arrivent à vivre dans un milieu qui peut au premier abord paraître hostile à son développement. Mais la nature a plus d’un tour dans son sac, comme le démontre la Cymbalaria muralis. « Elle dispose d’un phototropisme positif (elle se tourne vers le soleil), qui s’inverse en devenant négatif après fécondation. La plante se recourbe alors vers le mur où elle se plaît, pour y déposer sa graine ». Sous l’asphalte, la terre. Les plantes urbaines développent leurs racines de façon souterraine ou dans les murs. « Les gens craignent alors souvent que ces plantes viennent abîmer ces murs, or il n’y a pas de risques, hormis peut-être avec les lierres qui développent des crampons inoffensifs, mais qui émettent ensuite de vraies racines qui peuvent alors endommager les édifices ».

[caption id=”attachment_35285″ align=”aligncenter” width=”720″] Les plantes se contentent de peu, et arrivent à s’ancrer dans les murs.[/caption]

Utiles pour diverses raisons

Un des bénéfices de ces diverses plantes est de nourrir les insectes et les oiseaux par la production de pollen et de fruits. Mais lesdites mauvaises herbes ont parfois des vertus insoupçonnées. « Les pariétaires étaient utilisées pour détacher, dégraisser et faire briller les casseroles de cuivre. Les berces sont consommées en Russie par les enfants car elles contiennent beaucoup de sucre, et viennent alors en remplacement des bonbons. Les nombrils de Vénus permettent de stopper les saignements, comme la Cymbalaria muralis, aussi appelée Ruine-de-Rome. Cette espèce n’a pas causé la chute de l’Empire romain, mais il paraîtrait que les gladiateurs l’utilisaient aussi pour arrêter les saignements causés par les blessures…» Car Yves Corre, au-delà de ses connaissances en botanique, livre aussi de nombreuses anecdotes historiques et philosophiques lors de ses balades en ville. Les chélidoines, aussi appelées plantes à verrues, tirent leur nom du latin « chelidonium, qui signifie hirondelle. Cette espèce fleurit au moment de l’arrivée de ces oiseaux, et fane à leur départ. On dit que les hirondelles l’utilisent pour frotter les yeux des hirondeaux pour faciliter leur ouverture après l’éclosion ».

La variété offerte par les différentes fougères est impressionnante. Utilisées dans le jardin, la fougère aigle apporte une forte quantité d’éléments nutritifs, et « 7 fois plus d’azote, 3 fois plus de phosphore et 5 fois plus potasse qu’un fumier de bovin. De plus, la fougère aigle empêche le développement des maladies de par ses propriétés fongicides, par exemple dans les parterres de rosiers ». Des fonctions qui sont là, sous nos yeux, et bon nombre de solutions pharmaceutiques ne sont pas encore découvertes avec ces sauvages de nos rues. 


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