Et si, finalement, la machine faisait tout mieux que nous ? Plus rapide, plus précise, infatigable, infaillible – ou presque. Elle ne doute pas, ne se décourage jamais. Mieux : avec les nouvelles technologies, elle voit désormais avant que nous voyions, prédit avant que nous comprenions. À côté, les intuitions d’agriculteurs paraissent bien fragiles, les savoirs ancestraux presque imprécis.
Avec l’ère de l’intelligence artificielle, les logiciels ne se contenteront plus de conseiller, ils décideront. L’agronomie deviendra une science de la donnée ; plus la peine d’aller voir sa culture : le satellite transmettra et l’application intimera d’agir. Et, demain, le matériel autonome interviendra.
Ce qui vient n’est pas une révolution technique, mais une mutation anthropologique
On nous promet du temps gagné, une pénibilité réduite, un travail « intelligent ». Mais, en nous soustrayant du frottement essentiel entre la main et la tête, l’IA nous allègera-t-elle ou nous videra-t-elle ?
Ce qui vient n’est pas une révolution technique, mais une mutation anthropologique. Déléguer à l’IA notre faculté d’observer, de décider, de créer, c’est accepter une forme de dépossession face à une puissance cognitive nouvelle ; un renoncement à ce qui nous rend humain.
Alors posons la question : voulons-nous vraiment d’une agriculture où la justesse du geste se dissout dans le code ? Si la machine finit par savoir mieux que nous ce qui est bon pour les sols, les bêtes, les récoltes… que restera-t-il à aimer dans ce métier ? Que restera-t-il de l’humain si nous déléguons à des systèmes le soin d’assurer les tâches intellectuelles et créatives qui font notre singularité ? Ce qui se joue ici n’est pas seulement l’avenir de l’agriculture, mais celui de notre imagination ; ce qui, depuis toujours, grandit l’Homme.
