Pac 2028 : Front breton sur le budget

Entre inquiétudes budgétaires, crainte d’une renationalisation et nécessité d’accompagner la transition agroécologique, les acteurs bretons entendent peser sur les négociations à venir.

Un groupe de personnes assises sous un chapiteau lors d'un débat - Illustration Pac 2028 : Front breton sur le budget
Le président de Région, Loïg Chesnais-Girard, a plaidé pour un front uni pour défendre les spécificités de l'agriculture du Grand-Ouest

Alors que la Commission européenne a dévoilé en juillet ses premières propositions pour la prochaine Politique agricole commune (Pac), la Bretagne veut faire entendre sa voix. Réunis à l’initiative du président de Région, Loïg Chesnais-Girard, élus de la Chambre d’agriculture et syndicalistes ont livré un constat commun : la réduction du budget européen pour l’agriculture inquiète, dans un contexte où l’alimentation demeure un besoin vital et stratégique.

Budget en recul et renationalisation

« La Pac représente aujourd’hui 25 % du budget de l’UE. La proposition actuelle descend à 15 % » a alerté Éric Sargiacomo, vice-président de la commission agriculture au parlement européen, rappelant l’impact de l’inflation sur la période 2021-2028. Pour Laurent Kerlir, président de la Chambre d’agriculture de Bretagne, « moins 20 à moins 25 %, ce n’est pas admissible ». Même tonalité à la FRSEA, avec Laëtitia Bouvier pour qui le maintien d’un budget à deux piliers est « indispensable pour éviter les distorsions de concurrence ».

Parler d’une seule voix pour défendre nos zones d’élevage

La Confédération paysanne met en garde : seules les aides au revenu resteraient financées à 100 % par Bruxelles, le reste relevant du cofinancement des États et régions. « C’est une renationalisation de la Pac, avec le risque d’autant de politiques que de pays », déplore René Pouëssel. La Coordination rurale, elle, déplace le débat : « Il faut défendre la valeur ajoutée et les prix avant tout. Sans régulation économique, la Pac perd son sens. »

L’installation des jeunes, priorité partagée

Le renouvellement des générations a occupé une large place dans les échanges. Les Jeunes agriculteurs de Bretagne plaident pour qu’au moins 10 % du budget de la Pac soit fléché vers l’installation.

L’augmentation récente de la Dotation jeunes agriculteurs (DJA) en Bretagne, passée de 22 000 à 30 000 €, a été saluée. « Un signal fort, mais insuffisant face aux besoins », estime Charles Fossé, président des JA Bretagne, relevant au passage que « d’autres régions montent jusqu’à 70 000 € ».

La réduction des gaz à effet de serre, la gestion des nitrates ou encore la baisse de l’usage des phytosanitaires sont autant de défis rappelés lors de cet échange. « La Bretagne a une carte à jouer pour être leader en Europe », insiste Loïg Chesnais-Girard. « Mais nous devons absolument travailler la baisse des émissions par tonne de matière produite et pas la baisse du cheptel pour répondre à cet engagement de baisse de production de CO₂. Parce que sinon, on va se retrouver avec quoi ? Une région qui répondra aux critères ou des exportations de gaz à effet de serre dans d’autres territoires. »

Pour illustrer, la FRSEA cite l’exemple de l’interdiction d’utiliser des herbicides sur maïs dans les parcelles du bassin-versant de la Vilaine (votée par le Sage) : « Il faut avancer par étapes accessibles, pour embarquer un maximum d’agriculteurs », insiste la présidente du syndicat majoritaire. Et d’alerter : « Si les règles de transition agroécologique sont trop exigeantes, on dégoûte une partie des agriculteurs et ils arrêtent. Et en contrepartie, c’est un appel d’air aux produits importés. »

Structuration des filières et régulation des marchés

Plusieurs intervenants ont regretté l’absence de perspective de mesures fortes sur les organisations de producteurs (OP). La Région propose de relever à 5 % la part des aides du premier pilier consacrées aux OP, afin de rééquilibrer les rapports de force face aux acheteurs. Autre sujet récurrent : le manque d’outils de régulation des prix agricoles. « Les États-Unis ou la Chine soutiennent leurs producteurs par des aides contracycliques. L’Europe doit s’en inspirer », estime Éric Sargiacomo.

Une parole bretonne à construire

En conclusion, les participants ont rappelé la nécessité d’une voix unie du Grand Ouest sur le dossier de la Pac 2028. « Nous devons défendre collectivement une Pac qui réponde aux réalités de nos zones d’élevage de plaine », a résumé Laurent Kerlir. Deux années de négociation s’ouvrent à Bruxelles ; la Bretagne entend bien y faire entendre sa spécificité, à la croisée des enjeux budgétaires, environnementaux et alimentaires.

Didier Le Du

La démocratie, c’est pas mal

Opinion – Loïg Chesnais-Girard – Président Région Bretagne

Les règles communes, c’est ce qui nous permet de vivre ensemble et d’éviter les affrontements stériles. Autrefois, on réglait les désaccords à coups de sabre. Aujourd’hui, le vote et la démocratie restent notre meilleur outil. Il faut la faire vivre, car c’est ce qui protège nos choix collectifs. Heureusement que nous sommes encore dans une envie de débattre et de participer à la construction de la société. La Pac, c’est de l’argent mais aussi toutes les politiques de régulation : il faut absolument continuer ce débat.


Tags :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article