Naturellement plébiscité pour son profil en acides aminés et sa concentration en protéines, le tourteau de soja a surperformé de juillet à juin en termes de compétitivité économique. Qu’on le veuille ou non, il participe pleinement à l’amélioration des marges des éleveurs. Quid sur 2025/2026 ?
Demande forte en graine de soja, pour combler le manque d’huile
Le prix moyen[1] du tourteau de soja sur la campagne 2024/2025 s’établit à 374 €/t, en recul de 22 % face à la précédente saison (478 €/t en 2023/2024, 552 €/t en 2022/2023 et 475 €/t en 2021/2022) ; et en baisse de 7 % face à la moyenne décennale (402 €/t). Sur 2025/2026, le prix moyen s’établit encore plus bas, à 354 €/t (prime RDUE[2] incluse). Lors du précédent mandat de Trump, la guerre commerciale avec la Chine avait entraîné les prix moyens sur le marché français à 336 €/t (2018/2019 et 2019/2020). Si nous retirons le surcoût lié à l’application du règlement sur la déforestation importée entrant en vigueur au 1er janvier 2026, la cotation moyenne 2025/2026 s’établit à 339 €/t. Peut-on descendre plus bas ?
Agressivité des vendeurs brésiliens et argentins
Le prix du tourteau de soja sur le marché français résulte à la fois de sa cotation sur le marché à terme de Chicago, de son prix au départ de l’Amérique du Sud, et la parité euro/dollar. On doit aussi y ajouter le prix du fret, qui reste sensible à l’évolution de la conjoncture économique et de la géopolitique. La tendance particulièrement baissière observée ces deux derniers mois est essentiellement due à l’agressivité des vendeurs brésiliens et argentins, ainsi qu’à l’évolution du dollar face à notre monnaie puisque dans le même temps, le Chicago Board of trade est resté plutôt stable voire haussier.
Combler un manque sur le marché mondial
En 2024/2025, la demande pour la graine de soja a été forte, pour combler le manque d’huile de palme et de graines riches en huiles (colza et tournesol) sur le marché mondial. Et comme le rendement en huile du soja est relativement faible, cela a entraîné la nécessité d’écouler beaucoup de tourteaux et donc d’avoir des prix attractifs pour trouver acheteurs. Le tourteau s’est non seulement bien positionné face aux tourteaux secondaires moins disponibles, mais aussi face aux céréales. Ainsi, sur le marché français, le ratio tourteau de soja/blé s’est établi à 1,71 contre 2,12 en 2023/2024 et 1,96 sur la moyenne 2008/2024. Et la situation semble encore meilleure en 2025/2026, malgré la faiblesse des prix du blé, puisque le ratio soja/blé s’améliore encore, à 1,6. De quoi conforter son utilisation en alimentation animale dans les prochains mois. Alors, est-il temps de faire ses achats ?
Retour de l’huile de palme dans la course
Si on regarde l’adéquation offre/demande 2025/2026 en graines de soja au niveau mondial, nous nous dirigeons sur une offre (stocks de report et production) des trois grands exportateurs en hausse de 6 Mt environ, ce qui est moins que l’évolution de la précédente campagne (+28 Mt). Pour valider ses chiffres, il reste à passer la période du ‘weather market’[3] aux USA cet été, et entériner les semis de l’oléagineux à l’automne en Amérique du Sud. Il faut aussi scruter les possibles goulots d’étranglements logistiques au Brésil en août (le maïs entre en compétition pour les chargements sur les ports) et la fin des incitations fiscales à l’exportation en Argentine fin juin, pour imaginer la réelle disponibilité de la graine dans les prochains mois. Côté demande, l’huile de soja retrouve un concurrent sur le marché mondial avec le retour de l’huile de palme dans la course. Cela pourrait impacter les triturations sud-américaines et chinoise, mais moins les industriels US où les évolutions réglementaires récentes sur le marché des biocarburants ferment la porte aux huiles et graisses animales ne provenant pas d’Amérique du Nord. Cependant, la demande intérieure aux États Unis ne suffira pas à soutenir les prix. La question cruciale est : « À qui la Chine achètera les 100 Mt de tonnes dont elle a besoin sur la prochaine campagne ? »
Patricia Le Cadre, www.cereopa.fr
[1] Moyenne de la cotation quotidienne à Montoir sur la première échéance.
[2] Coût de traçabilité en lien avec l’entrée en application du règlement européen sur la déforestation.
[3] Impact de la météo pendant la période de remplissage des gousses en août.
La Chine représente 58 % des débouchés US
Les discussions en cours entre Donald Trump et Xi Jinping pourraient (ou non) sécuriser les ventes entre les deux pays dans un avenir proche. Rappelons que la Chine a représenté 58 % des débouchés US en 24/25. Du niveau des achats chinois à la fin de l’été, dépendra la pression sur les cotations nord-américaines des 6 de novembre. La Chine pourrait faire durer le suspense pour appuyer sur les prix. Les efforts à réaliser par le Brésil pour capter le maximum de ventes vers l’empire du Milieu seront donc plus ou moins importants selon le boycott ou pas des USA, et la concurrence potentielle de l’Argentine (partenariats chinois et évolution des réformes économiques).
Plus de marge sur le tourteau
S’il reste du potentiel baissier pour la graine, cela ne veut pas dire que le tourteau n’opposera pas de résistance. Des éléments spécifiques au coproduit pourraient limiter son mimétisme face à la graine. Le tourteau argentin pourrait être moins présent dès juillet (retour des taxes, concurrence des exportations de graines). La baisse du prix des huiles au niveau mondial, devrait aussi inciter à aller chercher plus de marge sur le tourteau, limitant son potentiel baissier. Enfin, la forte compétitivité actuelle du soja face au tourteau de colza et des céréales entraîne une forte demande et offre ainsi un soutien au prix. Reste la parité monétaire €/$, dont l’évolution peut (ou pas), faciliter nos importations sur la prochaine campagne !