19355.hr - Illustration Blé : sur quoi ouvrir l’œil ? 
En France, les stocks pourraient atteindre 3,5 Mt pour 2024/2025 : la vraie question est donc de savoir ce qui nous attend pour la récolte en juillet 2024.

Blé : sur quoi ouvrir l’œil ? 

Les prix du blé français sont à la cave ! Leur décote (en dollars) par rapport au blé américain n’a plus été aussi violente depuis juin 2010. Mais accuser l’Ukraine de faire baisser le marché européen est un mauvais procès. Car la principale raison de cette morosité reste une offre mondiale en céréales largement supérieure à la demande. Nous évoquerons dans cette première partie, l’importance de l’offre… qui n’est pas une surprise.

Début mars, le blé sur Euronext est furtivement passé sous la zone des 190 €/t sur l’échéance mai 2024. Si on prend du recul, le prix moyen de campagne n’est cependant pas à des niveaux historiquement bas. Sur la campagne 2023/2024, il s’affiche actuellement à 217 €/t contre 295 €/t et 305 €/t les deux saisons précédentes. Nous sommes encore loin des 183 €/t de 2019/2020 ou encore des 166 €/t de 2016/2017… sans parler des 129 €/t de 2009/2010. Mais au-delà de ce prix, c’est bien l’effet ciseau face à des coûts de production qui se sont envolés (indice Ipampa +30 % par rapport à 2020), qui rend cette baisse très douloureuse pour les agriculteurs. Pour ceux qui ont joué la montre en début de campagne (refusant d’alimenter le marché), sans se couvrir sur le marché à terme avec des options ou des contrats futurs, le réveil est douloureux. 

Un disponible exportable russe de 50 Mt

Le risque était pourtant grand de voir la Russie truster le marché, puisqu’elle affiche cette saison un disponible exportable de plus de 50 Mt (25 % des échanges mondiaux de blé). Et cela en touchant à peine à ses stocks (encore élevés). 

La Russie et l’Ukraine ont toutes les deux de fortes raisons de vendre un maximum de blé pour financer leur guerre et soutenir leur économie. La logistique ne semble plus un problème, les primes de guerre se sont étrangement évanouies, et le rouble et l’hryvnia ont fortement chuté par rapport au dollar ou à l’euro, ce qui rend le décrochage des prix moins impactant pour les producteurs locaux. La Russie en profite pour nouer des alliances géopolitiques. Quant à l’UE, elle a réaffirmé son soutien aux ventes ukrainiennes… et continue d’acheter du blé russe (1 Mt depuis le début de la campagne). Les flux habituels via la Biélorussie et les pays baltes n’ont jamais cessé. De plus, les attaques en mer Rouge diminuant la compétitivité des céréales mer Noire destinées à l’Asie du Sud-Est, celles-ci se retrouvent dans les ports européens.

Les Européens cherchent à capter des marchés

Longtemps suiveurs en début de campagne, les exportateurs européens essayent désormais de capter des marchés en faisant des efforts considérables et pas toujours récompensés. Et cela auto-alimente la baisse des prix…

Le recul australien en partie compensé par l’Argentine

Or en deuxième partie de campagne, l’Australie et l’Argentine arrivent au marché. La première a vu son débouché historique (l’Indonésie), détrôné par la Chine, dont la demande ne cesse de croître. Celle-ci y a acheté 1 Mt sur le seul mois de janvier. La France, dont la Chine est aussi le client, doit donc consentir des efforts face à cette rivale de proximité. La pression devrait diminuer avant l’été, les disponibilités australiennes à l’exportation étant réduites d’un tiers environ (-12 Mt) cette saison, en raison de la météo. Ce recul australien est en partie compensé (sur le papier) par l’Argentine. Son disponible exportable progresse de 7 Mt après la très mauvaise saison 2022/2023. Elle servira en priorité son voisin brésilien dont les besoins à l’importation progressent en 2023/2024. Mais la commercialisation du blé argentin reste chaotique avec une faible visibilité sur le taux de change qui ne favorise pas les ventes.

Quid après la moisson ?

Il restera des stocks de blé en Russie et dans l’UE en fin de campagne, que personne ne peut porter indéfiniment. Sauf à imaginer que nous manquerons de blé en 2024/2025 ou que la demande se redressera ! En France, les stocks pourraient atteindre 3,5 Mt, constituant un plus haut depuis la campagne 2004/2005. La vraie question est donc de savoir ce qui nous attend en juillet 2024, et si parier sur ces réserves sera gagnant. 

Face au besoin de faire de la place pour la prochaine récolte, et à moins d’un emballement dans le conflit russo-ukrainien, l’évolution de la demande restera la clé du marché.

À suivre la semaine prochaine : la possible entrée en scène de l’Inde, la sécheresse en Afrique du Nord, les besoins en blé fourrager de l’Indonésie et de la Chine… et la place des taux d’intérêt dans les décisions des acheteurs. 

Compétition avec le maïs et l'orge

S’il est vrai que les stocks de blé des 7 principaux exportateurs mondiaux de blé pourraient pointer à 61 Mt fin juin 2024 contre 65 Mt un an plus tôt, deux éléments tempèrent l’importance de ce chiffre : une baisse de 7 Mt des objectifs mondiaux d’exportations  (les importateurs en manquent de liquidité tapent dans leurs stocks faute de se positionner aux achats) et une hausse de 22 Mt du commerce de maïs… Sur ce marché, le Brésil doit batailler face aux USA et à l’Argentine de retour dans la course cette saison. Face à ces fondamentaux, les « non-commerciaux » ont fait des paris fortement baissiers sur les marchés à terme. Cela exerce forcément une pression sur le blé aussi. Ajoutons enfin que l’orge française est en compétition avec l’orge australienne. Cette dernière, blacklistée par la Chine de 2020 à fin 2023, est de retour en grâce depuis janvier.


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