Portrait chinois… de l’agriculture chinoise

La Chine est au cœur de nombreux marchés agricoles de par la taille de sa population, mais surtout à cause de la limite de ses capacités productives.

Des graines de soja sur un billet de 100 yuan - Illustration Portrait chinois… de l’agriculture chinoise
Avec plus de 100 millions de tonnes importées par an, la Chine représente 60 % du commerce mondial de l’oléagineux | © JJ Gouin - stock.adobe.com

Le président chinois Xi Jinping sait que la dépendance aux importations alimentaires reste le talon d’Achille du pays. Depuis son accès au pouvoir en 2013, il n’a eu de cesse de mettre en place des plans de modernisation de l’agriculture et d’investir chez ses fournisseurs pour mieux sécuriser la production off-shore qui lui est nécessaire.

Ne plus dépendre de la génétique américaine

Nous vous proposons, à la façon d’un portrait chinois, de faire le point sur les forces et les faiblesses actuelles. Alors, si l’agriculture chinoise était …

Une étoffe

La soie. Les Nouvelles routes de la soie, initiées dès 2013 et qualifiées de « Projet du siècle » par Xi Jinping, visent à créer une nouvelle génération de comptoirs transnationaux. Un vaste réseau de corridors routiers et ferroviaires relie déjà la Chine à l’Europe, en intégrant des espaces d’Asie centrale. Des voies maritimes ouvrent aussi des routes commerciales sur l’Afrique. Et c’est d’ailleurs sur ce continent que les Chinois ont énormément avancé leurs pions. Si en 2003, les États-Unis étaient le premier partenaire commercial des États africains, aujourd’hui, 52 des 54 pays commercent plus avec la Chine qu’avec l’Oncle Sam. L’empire du Milieu finance les infrastructures, prête de l’argent. En aidant l’Afrique à se construire, il étend son influence économique et politique dans la partie du monde qui possède le plus grand potentiel de croissance, notamment agricole.

Un animal

Un porc, puisque plus d’un cochon sur 2 dans le monde est chinois. Depuis l’épidémie de 2018 qui avait décimé le cheptel, l’élevage a été remis sur pied, produisant 703 millions de têtes en 2024. Si 60 % des exploitations sont encore considérées comme petites à moyennes, les mégastructures poussent comme des champignons. Aujourd’hui, des immeubles de 26 étages, pouvant accueillir jusqu’à 600 000 porcs, offrent une vision dystopique de l’élevage… et interrogent sur le bien-être animal, les nuisances olfactives, les risques sanitaires. Le secteur porcin, qui pèse 124 Md €, est au centre du nouveau plan dévoilé par le gouvernement pour « accélérer le renforcement de ses capacités dans le domaine de l’agriculture pour la période 2024-2035 ». Parmi les axes prioritaires : l’amélioration de l’efficience alimentaire des porcs par un plus grand recours aux acides aminés et aux enzymes pour limiter les importations de soja ; soutien de programmes de recherche pour ne plus dépendre de la génétique américaine ou danoise. Mais attention, la consommation semble désormais marquer un plateau avec des Chinois se tournant vers d’autres types de viandes. La production du poulet, en pleine expansion, en est le témoignage direct.

Une addiction

Le soja. Avec plus de 100 millions de tonnes importées par an, la Chine représente 60 % du commerce mondial de l’oléagineux. Une situation aussi inconfortable pour elle que pour ses fournisseurs. La Chine a diversifié ses « dealers », prenant sa came aux USA (24 %), au Brésil (68 %), en Argentine (3 %) ou encore en Russie et au Canada. Mais elle reste un débouché indispensable pour les USA (52 % de ses ventes) et une dépendance dangereuse pour le Brésil (73 %).

Un chiffre

7 %. C’est la part des surfaces de maïs qui pourrait être semée avec des variétés OGM en 2025. Ces dernières années, les volumes de céréales fourragères (maïs, sorgho, blé fourrager, etc.) ont explosé, une situation jugée préoccupante par le gouvernement. La Chine a donc pris un tournant majeur fin 2023, en approuvant des variétés de maïs génétiquement modifiés. Si jamais l’adoption de ces OGM tenait ses promesses côté rendement (+5 à +25 % attendus face aux semences traditionnelles) et les rendait majoritaires à terme, alors le pays pourrait s’affranchir d’achats à l’extérieur. De quoi rebattre les cartes du commerce international et du prix de la céréale sur le marché mondial.

Un métal

L’or, que le pays accumule à un rythme effréné depuis 2024. Plutôt que de recycler ses réserves de change issues de ses forts excédents commerciaux en bons du Trésor américain, la Chine préfère désormais s’en servir pour acheter de l’or, un actif tangible, sans risque de défaut. Du coup, elle ne détiendrait plus que 3 % de la dette américaine. Le métal représente plus de 7 % des réserves de change du pays, ce qui est historique et indique que de forts changements sont en cours. Cette stratégie l’émancipe un peu plus des USA tout en lui offrant un pouvoir de négociation, notamment dans ses échanges agricoles.

Patricia Le Cadre / Céréopa

Un échec : la promotion de l’élevage et des produits laitiers

La promotion de l’élevage et des produits laitiers a été lancée en 2018 par les autorités chinoises. Mal leur en a pris. Les Chinois, prédisposés génétiquement à une intolérance au lactose, n’ont pas adopté cet aliment très éloigné de leur culture et de leurs traditions. Les mégafermes (certaines dépassent les 10 000 têtes) se sont multipliées sans aucune régulation et la production a augmenté d’un tiers pour se stabiliser à 42 Mt en 2024. Aujourd’hui, le lait coule à flot sans trouver suffisamment de débouchés. Car si les Chinois consomment davantage de lait et de yaourts, ils ne sont pas tombés amoureux du fromage et du beurre. Et comme ils font de moins en moins d’enfants, l’utilisation de poudre de lait infantile n’augmente pas non plus. L’échec est total, avec un prix du lait désormais plus bas que celui du lait français, des excédents qui n’ont aucun intérêt économique à être exportés et des éleveurs qui en viennent à jeter leur production. De quoi s’en prendre aux importations de produits laitiers en provenance de l’UE (enquête en cours sur les subventions européennes à laquelle la Commission a répliqué par une plainte contre la Chine devant l’OMC) !


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